- La Bête -

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Chapitre Final
Partie I

Les ténèbres de la caverne nous engloutissent sans efforts. je suis obligé de m'arrêter moins de dix mètres plus loin. J'avance en tâtant le sol du bout du pied, les bras en avant comme un somnambule. je ne vois plus Isů à mes côtés, je suis complètement seul, sans personne pour venir me tirer de ce guêpier. Je me suis jeté seul dans la gueule du loup, je serai seul pour en sortir également.

Je marche depuis de longues minutes,- ou est ce plusieurs heures? - Quand la peur commence à m'étreindre de nouveau. Plus vicieuse, elle ne prend pas la forme d'une vague déferlante cette fois ci, mais plutôt celle d'une submersion lente et inéluctable, grandissant à chaque pas. Et, alors que, malgré mes efforts, la peur menace d'échapper à mon contrôle et de me noyer totalement, j'aperçois une lueur, droit devant moi.
Impossible de dire à quelle distance mais elle est bien là, et cela suffit à me redonner le courage dont j'ai besoin. Je me remet à courir, je trébuche sur le sol inégal et manque de tomber à plusieurs reprises mais, par chance, le chemin est dégagé et le plafond assez haut et rien n'arrête ma course. Pourtant, alors que je distingue enfin plus nettement les contours de ce qui semble être l'entrée d'une caverne plus spacieuse d'où provient la lueur, un obstacle vient se placer entre moi et ce faible espoir. Je trébuche en m'arrêtant net. Il est immense et son grognement puissant semble sorti des tréfonds de la terre. Dans l'obscurité régnante je n'en distingue qu'une partie mais une chose est sûre, c'est vivant et ça sait que je suis là. Son apparition a été soudaine et silencieuse. Seul son grognement indique sa présence. Je contourne précautionneusement la créature mais au moment où je retrouve la lumière de la seconde caverne, je comprend à quel point l'animal est immense car, dans la lueur bleutée que dégage la deuxième pièce, je découvre que seul un de ses membres avant me cachait l'entrée lumineuse. Et il mesure au bas mot deux mètres.
On dirait une patte de loup ou de chien. Mais son pelage est étrange, il parait fait de fumée ou de brume noire, comme un cauchemar qui aurait pris vie. Il a arrêté de grogner, je ne l'entend ni bouger ni respirer, et pourtant, il est bien là. Soudain, sans qu'il ait déplacé une parcelle d'air, je sens son museau tout prêt de moi, fouiller les lieux pour trouver celui qui dérange son repaire. Je sens son haleine fétide. Sa présence seule suffit à m'inspirer une peur féroce, comme s'il était la peur elle même. Une peur ancestrale à laquelle répond un instinct primitif qui me crie de courir le plus loin possible.
C'est là que je comprend.

La peur que ce monstre inspire, la puissance qu'il dégage, son apparence de cauchemar, tapi dans l'ombre... Tout à coup je comprend, je suis face à la Bête ! Ma prise de conscience me tétanise soudainement, comment puis-je me défendre face à un tel monstre ?
Mais alors même que je commence à réfléchir à un moyen de m'enfuir le plus vite possible de cet endroit, je sens que la Bête pousse un grognement sourd et commence à montrer les crocs... Ça n'annonce rien de bon. En une demi seconde je me retourne et plonge sur le côté, derrière le premier rocher que je trouve. Trop tard. Le hurlement déchirant retentit alors que je n'ai pas encore atteint la protection que représentait le rocher. Il m'atteint en plein saut, et me projette sur le sol comme l'aurait fait un coup physique.
Les effets du cri de la Bête sont décuplés par cette proximité immédiate. Complètement confus, en pleine crise de panique je ne peux plus me tenir debout et les larmes coulent en torrent sur mes joues. Mes jambes, mes bras, tremblent comme des feuilles mortes emportées dans une tempête.
La terreur me dévore les entrailles sans que je ne puisse rien y faire. Elle a balayé mes défenses, violemment, en moins d'une seconde. Je n'arrive même plus à réfléchir.

. . .

Les yeux embués et l'esprit embrumé, le dos collé à la pierre froide, je crois distinguer quelque chose d'étrange, un peu plus loin. Un couinement se fait entendre, ou du moins il me semble que c'en est un. C'est alors qu'une lumière intense, éblouissante de blancheur dans cette caverne obscure apparait brutalement. Complètement aveuglé, je ferme les yeux et m'appuie sur mes bras pour cacher mon visage. Je remarque à cet instant que mes membres ont arreté de trembler. Ouvrant à demi les yeux j'essaye de me relever mais mes jambes refusent de me porter... Au moins je peux de nouveau bouger. Et bien que ce soit au prix d'une douleur sourde à l'arrière de mon crâne, je commence à ramper à plat ventre sur le sol humide et poussiéreux. Je me dirige vers ce petit soleil blanc, halo bienveillant qui semble m'appeler, m'offrir sa force et sa vitalité.
Comme hypnotisé, je continue de ramper vers ce luisant sauveur.
Alors que je m'approche toujours plus, la brume de la peur commence à se dissiper et je sens mon cerveau se remettre en marche. Je commence à réfléchir, Juste à temps pour comprendre ce qu'il est réellement en train de se passer. Le sauveur lumineux venu me délivrer de la Bête n'est autre que Isů, soudainement devenu rayonnant. Mais encore plus étonnant, la Bête semble affreusement effrayée par mon chien ! Elle essaye d'échapper à la lumière et, alors que je distingue enfin un physique de loup gigantesque et menaçant dans la blancheur éclatante diffusée par mon compagnon, la Bête immense qui me faisait face quelques minutes plus tôt se dissipe sous mes yeux comme un vulgaire nuage de fumée.

La mission de VaëlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant