Une nuit dans le passé de ma mère

En direction du passé

Une fois à l'intérieur, Mélissa arrive dans une pièce se trouvant légèrement dans la pénombre et ce malgré deux grandes fenêtres laissant les dernières clartés du jour prendre possession des lieux. D'un mouvement d'interrupteur, Sébastien allume les lustres de la pièce, lesquels commencent à diffuser progressivement une luminosité permettant à Mélissa de découvrir plus distinctement l'intérieur de la maison. Un peu comme le lever de soleil chassant progressivement les ténèbres nous permet de distinguer nettement ce que notre imagination voulait nous faire voir. Ainsi elle commence à situer les différentes pièces, ou devrait-elle dire les différentes parties de la pièce. En effet, l'entrée donne directement dans un vaste espace constitué d'une partie salon sur sa gauche et d'une partie salle à manger face à elle. Dans le prolongement, elle devine une autre pièce derrière une porte et elle aperçoit un escalier directement à sa droite menant à l'étage. Pendant ce premier repérage, elle entraperçoit Sébastien dans son champ périphérique gauche qui, tout en se dirigeant vers les grandes fenêtres pour fermer les rideaux, l'invite à venir prendre place au salon. Au vue de la couleur grisâtre des rideaux, Mélissa devine qu'ils ne sont plus de première fraîcheur. Cette constatation l'amène à inspecter plus en détail l'endroit où elle se trouve et, elle doit bien être honnête, elle est plutôt agréablement surprise. Certes le mobilier est plus que démodé et un rafraîchissement des murs est à envisager au plus vite, afin de retirer le papier peint totalement décoloré ; mais en dehors de ça, l'entretien de la pièce est correct. Elle doit bien l'avouer, quand elle a vu pour la première fois Sébastien, elle craignait que la maison ne ressemble à son propriétaire. Et franchement, elle n'aurait pas été étonnée d'avoir un haut-le-cœur dès son entrée, en étant agressée par un mélange d'odeurs de sueur, de tabac froid, de restes de nourriture voire d'urine avec, en prime, un capharnaüm laissant croire à un cambriolage ou à une perquisition. C'est donc soulagée qu'elle finit son inspection en concluant que le lieu est tout simplement démodé et vieillot.

Un peu comme si le temps s'était arrêté, pense-t-elle avec un léger pincement au cœur.

Le salon est composé d'un fauteuil et d'un canapé formant un « L » autour d'une table basse. Le canapé fait face à l'une des grandes fenêtres où Sébastien finit d'ériger les remparts de l'intimité d'une maison. Tandis que le fauteuil, lui, est collé au mur permettant une vue complète de la pièce. Ne voulant pas donner la possibilité à cet homme de venir s'asseoir à ses côtés, Mélissa décide de prendre place dans ce dernier et de conserver son sac sur les genoux, un peu comme un bouclier. En portant son regard sur la table basse, elle y découvre le cadavre de deux bouteilles d'alcool ainsi qu'un verre à moitié plein. Découvrant ce tableau, elle ne sait dire si c'est la présence des bouteilles vides ou du verre encore à moitié plein qui la surprend le plus. Un bref soupir de la part de Sébastien, ressemblant à la satisfaction d'une corvée terminée, attire toute l'attention de Mélissa sur lui. Pourtant, il passe devant elle sans sembler la voir puis vient s'installer sur le canapé où son regard est immédiatement attiré par le verre de whisky ; vestige de la veille. Ce dernier contient encore de quoi se faire une bonne rasade et machinalement, Sébastien sourit en le portant à ses lèvres. Ce n'est que par pure coïncidence si ses yeux croisent ceux de Mélissa. Un regard où il peut lire de l'horreur, de la stupéfaction et peut-être même de l'indignation. Durant un instant, il reste interdit, le geste figé dans l'espace, sentant le contact du verre et les effluves d'alcool commençant à dilater ses narines. Puis, lentement, il dépose le verre sur la table basse en confessant sur le ton d'un enfant pris en flagrant délit par ses parents :

— Désolé, mais j'avais d'autres projets pour la soirée !