Partie 1 : Attention, c'est du lourd !

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Sale temps pour les gros.

Ah, ça, on peut dire que je les ai attendues, ces vacances. Les premières depuis mon entrée dans le monde du travail. Avant, il m'a fallu faire mes preuves. L'année écoulée a été si intense que je l'ai passée devant mon ordinateur à rentrer des chiffres tout en m'empiffrant de saloperies. L'heure du bilan a donc sonné. Plus dix kilos sur la balance et une mine de papier mâché ont eu raison de mon physique de bombasse. Oui. Bon... de fille à la taille 38. Ok, ok. Taille 40 pour les intimes, mais c'est mon dernier mot. Vive la vie citadine et merci à la malbouffe. Ou peut-être est-ce la faute de mon manque d'entrain pour aller mourir sur une machine de torture. Vous savez, celle qu'on trouve dans ces salles pleines de crevettes en micro-short. J'aurais dû me forcer, parce qu'aujourd'hui, c'est ma culotte de bain qui force et me rejette sans appel.

— Allez, Marie, sois sympa, laisse-moi un bout de serviette !

Flûte. J'avais oubliée Noémie. Comment voulez-vous que je choppe du beau gosse en jouant les siamoises avec Angelina Jolie ? En l'occurrence, ma meilleure amie que je déteste cordialement depuis une semaine !

— Je peux pas, j'ai soleil.
— Couverte comme un skieur autrichien ? Allez, lâche ma serviette et assume ton corps. Tu es très bien comme ça.

Comme ça. Je t'en foutrais du « comme ça ». Comme quoi, d'ailleurs ? Une baleine échouée ou une limande récalcitrante ? J'avoue, avec les kilos est arrivée la connasserie. Je suis devenue infecte et mesquine.
Je bougonne en me délestant de mon armure en éponge.

— Je ne suis pas bien comme ça. Aucun mec ne m'a sautée depuis notre arrivée.
— Ça t'étonne ? Ce n'est pas en me piquant ma serviette que ça va s'améliorer. En plus tu aboies dès qu'il y en a un qui approche.
— Normal, je n'attire que les moches !
— Les moches aussi ont un cœur ! Ils ont même une bite ! Et je suis bien placée pour dire qu'ils savent très bien s'en servir. Notamment pour décoincer les pouffiasses méprisantes !
— Ah non ! On avait dit, pas d'insulte en asse !
— Reconnais que tu l'as cherchée !

Elle dit vrai, mais ma réponse se perd soudain entre mon cerveau et mes lèvres. Une gueule d'amour vient de pénétrer dans mon champ de vision. L'Homme apparaît, et pour une fois, il s'est délesté de son essaim de guêpes en bikini. À voir son sourire suffisant, il doit à peine émerger d'un lit accueillant. Et là, il rejoint son groupe de potes sans nous jeter un coup d'œil. Il existe des limites génétiques interdisant à un dieu de se mêler à la plèbe.
Je bondis tout de même - autant que le permet mon corps tout ballottant - et fais mine de remettre ma serviette bien en place sur le sable. Se faisant, j'oublie mon cul qui s'affiche en gros plan sous le nez des passants. Oups !

— Salut, toi ! C'est quoi ton petit nom ?

C'est donc au cliché du plombier version fille que s'adresse l'homme de ma vie. Hopopop ! Il me parle ? Rétropédalage, on rembobine et on rejoue la partie. Dans le doute, je me tourne d'un bond et réponds, au garde-à-vous.

— Marie !

Hélas, si nos regards se percutent un instant, aucun miracle ne se produit. Bien que mes yeux aient déjà roulé sur le sable, les siens sont toujours bien accrochés à son visage, et affichent un désintérêt évident.

— Pas toi. L'avion de chasse, là.

Ça marche vraiment, ce genre d'accroche ?

— C'est à moi, qu'tu parles ? Mon nom, c'est Tarentula. Garde le tien pour plus tard. Genre jamais. Là, j'ai une urgence. Je bronze.

Je reconnais bien là ma copine ! Il n'y a qu'elle qui ait le droit (et le devoir) de m'insulter ici-bas. C'est inscrit en lettres de sang dans la charte de la meilleure copine signée en CP.
Le dieu renifle, fait la moue en déshabillant du regard une Noémie qui s'en bat les steaks, puis repart en chasse de la sirène idéale.

— Même pour baiser en lui interdisant d'ouvrir la bouche, c'est non ! s'exclame-t-elle quelques secondes plus tard.

Mais heuuu ! Pourquoi me refuse-t-elle du sexe par procuration ? Même si objectivement, ce type se rapproche dangereusement de la case gros con, quand il s'agit de lui, ma dignité file aux abonnés absents. Aussi n'est-il pas surprenant de m'entendre affirmer :

— Lui, je me le fais avant la fin des vacances.

Le Superpouvoir du presque mocheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant