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02:34

Il fait nuit.

La maison est silencieuse, ce soir. Pas de soirée télé, ni de rires étouffés s'échappant d'une chambre à la porte mal fermée, ou bien encore de rencontres inattendues dans la cuisine pour venir combler un petit creux.

C'est étrange, presque déconcertant mais, d'une certaine manière, cela ne l'est pas tant que ça.

Après tout, il y a des jours pour sourire et d'autres pour pleurer.

Il semblerait que tout le monde soit endormi, leurs esprits bien loin au pays des rêves ou dans un autre univers dont les seules limites sont celles qu'ils fixent eux-mêmes.
Les yeux clos ou grands ouverts à fixer le plafond, chacun fait ce qu'il veut dans sa chambre ; et ce qu'il peut.

Mais, au fond du couloir obscur du sous-sol, là où la noirceur semble tisser d'épais fils dans les recoins et le froid d'un carrelage gris fait frissonner quelconque inconscient osant s'y aventurer sans être chaussé, une lumière brille derrière une porte insonorisée.

La salle de danse est éclairée, la lumière artificielle se reflétant sur le parquet ciré et, dans le coin de la pièce, une enceinte vibre au rythme de la musique qui s'en échappe.

Un air de piano, mélancolique et spectaculaire, sur lequel se confondent deux voix opposées, une masculine, rauque, sèche et pourtant si passionnée ; l'autre féminine, douce comme de la soie et claire comme de l'eau de source.

Un énorme miroir recouvre une bonne partie du lieu et, à travers la glace tachée de quelques marques de mains un peu grasses, se dessine la silhouette d'un jeune homme aux cheveux bruns.

Ses mouvements sont fluides, précis et parfaits ; à la fois doux mais si brusques, comme les gestes que l'on a envers un amant que l'on souhaite empêcher de partir bien qu'il nous ait brisé le cœur.

Le garçon semble voler par instant, et il ne serait pas surprenant de voir des ailes d'ange sortir de son dos musclé ; la seconde qui suit, il glisse sur le sol comme un patineur sur du gel, avec la même vitesse de ceux qui se consacrent à la course et l'élégance de ceux dévoués à l'artistique.

Son pull trop large suit le flot gracieux de ses bras ; engloutit ses mains un moment, dévoile son ventre nu de l'autre. Et, dans cette tenue, il ressemble autant à une idole qu'à un enfant.

Peut-être n'est-ce qu'une impression physique, un mirage ou un trompe-l'œil; mais peut-être, peut-être, cette oscillation se déroule également dans sa tête.

Et le jeune homme danse, et le jeune homme tourne, et le jeune homme bouge jusqu'à ce que ses pensées se taisent et que les murs autour de lui deviennent flous ; jusqu'à ce que la sueur se mêle à quelques larmes vicieuses et que les deux liquides salés se mélangent sur ses joues rosées par l'effort.

Jimin veut oublier, et que la douleur physique prenne le dessus sur celle qui lacère son cœur.

Alors il continue, encore et encore et encore, et lorsque ses poumons n'ont plus d'air pour crier à l'aide, ses jambes plus de force pour le laisser continuer, et que la salle a commencé à danser avec lui, il s'effondre à genoux sur le sol trop dur, pantelant et épuisé.

Et enfin, enfin, toute son attention est dirigée vers son souffle qu'il n'arrive pas à récupérer ; et il ne pense plus à rien d'autre, pendant quelques précieuses minutes.

Acédie ʸᵒᵒⁿᵐᶦⁿOù les histoires vivent. Découvrez maintenant