d e u x

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À l'autre bout de la maison, deux étages plus haut, la lumière a laissé place à l'obscurité ; la musique d'un haut-parleur remplacée par celle d'écouteurs sans fil.

C'est à peine si l'on y discerne quelque chose, dans la petite salle à la forte odeur de café, et les rideaux ouverts d'une fenêtre fermée ne suffissent à laisser pénétrer les éclats d'une lune maussade, cette dernière jouant les timides derrière de gros nuages grisonnants.

De temps à autre, un téléphone s'allume, affiche une chanson puis une autre et s'éteint aussitôt ; alors, le faible éclairage vient délicatement caresser les doux traits d'un visage sans émotion l'espace de quelques secondes.

Les aiguilles d'une horloge accrochée au mur tournent sans cesse, rappelant sans aucune pitié le temps qui s'écoule, qui nous sépare de précieux souvenirs et nous rapproche d'un futur incertain et effrayant.

Yoongi ferme les yeux.
Il ne veut pas voir cet objet du malheur.

Assis sur une chaise de bureau à côté d'un synthétiseur débranché, les jambes remontées contre son torse et les bras enroulés autour, le blond se blottit contre lui-même, dans l'espoir infime que sa propre présence puisse s'avérer réconfortante.

Ironique, lorsqu'il est la source de son mal-être.

La mélodie qui résonne dans ses oreilles est si élevée qu'elle s'échappe des petits bouts blancs et fait osciller le silence pesant. Le garçon aimerait l'augmenter davantage ; il entend encore ses pensées lui ronger l'esprit et le bouffer de l'intérieur ; des pensées encore plus noires que l'obscurité qui l'enveloppe.

Comme c'est contradictoire, d'aimer et haïr la nuit comme il le fait si bien ; d'en vénérer et d'en redouter les ombres.

Le « tic, tac » permanent de la montre se mélange au brouhaha affreux qui retentit dans sa tête ; il y a des phrases sans début et sans fin, des cris d'agonie et des pleurs angoissés, des promesses brisées et d'autres n'attendant qu'à l'être, des critiques que l'on pensait oubliées, des erreurs et des hontes affligeantes et infligées, et tout s'assemble, et tout s'entrechoque et pourtant, pourtant,

Il n'y a aucun bruit dans la pièce.

Yoongi a envie de hurler, encore plus fort que toutes ces voix ; leur demander de se taire, leur supplier d'arrêter ;
Yoongi a envie de pleurer, car jamais elles ne se taisent, car jamais elles ne s'arrêtent.

Alors il se balance d'avant en arrière sur sa chaise, essaye de se concentrer sur les paroles douces d'une chanson calme, sur la voix aiguë et suave qui les accompagne harmonieusement.

Mais au fond, il sait ; il sait qu'il est celui qui a créé ses propres démons, il sait que tout se déroule dans tête, il sait qu'eux et lui ne font qu'un.

Et c'est peut-être ça, le pire.

Acédie ʸᵒᵒⁿᵐᶦⁿOù les histoires vivent. Découvrez maintenant