Chapitre 3

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Lilith traîna sa lourde valise jusqu'à la voiture de son père, qui était d'un beau blanc nacré. Elle réussit à la hisser dans le coffre, puis s'installa à la place du passager, nerveuse. Elle ignorait pourquoi, mais une vague d'hystérie commençait à monter en elle.

Lorsque son père ouvrit la portière et s'installa sans un mot derrière le volant, la jeune fille sortit précipitamment du confortable habitacle.

– Non, je.. je ne veux pas, haletait-elle, paniquée, pliée en deux comme si elle allait vomir sur le bitume.

Sébastien fut à ses côtés en trois secondes. Il lui prit une main avec douceur, affichant un air compatissant que sa fille ne lui avait presque jamais vu.

Lilith était profondément troublée, et apeurée.

– Je me suis montée la tête avec tout ça, frissonna-t-elle. Comment j'ai pu croire une seule seconde que la magie existait ? Je suis folle, c'est ça ? Malade ? Hystérique ?

– Lilith...

– Je...

– Lilith, trancha-t-il. Tu sais bien que tu n'es pas folle. Jamais tu n'as imaginé les tours de magie qu'on a fait tes frères et moi, la lettre de l'Académie, l'étrange questionnaire. Ta réaction est parfaitement normale, tout va bien se passer. Je te le promets.

Des larmes se mirent à couler sur les joues de la blonde. Elle s'essuya discrètement le nez avec la manche de son pull gris.

– Mais c'est impossible que ce soit vrai, insista-t-elle, prise d'un éclair de lucidité. Comment ai-je pu ?

– Tu ne pensais pas la même chose hier et avant-hier, fit finement observer son père.

– Oui, mais là, je me rends compte que je suis trop naïve. Dire que j'allais partir vers une Académie magique, ricana amèrement la jeune fille. Les Disney m'ont influencée.

– Lilith, tu sais ce que tu as vu.

– Ce que j'ai vu pourrait aussi être associé à une folie ou des hallucinations.

Sébastien força les yeux noisettes de sa fille à se lever vers elle.

– Ta mère... ta mère et moi t'avons appelée Lilith pour plusieurs raisons. Bien sûr, elle ne connaissait pas la Lilith de nos croyances, mais elle connaissait la première femme dans la bible, qui fut chassée du Paradis à cause d'une dispute avec le premier homme, et qui devint la déesse des démons, celle qui fait le mal. (Lilith renifla.) Lilith est le prénom d'une femme libre, qui ne se laisse pas abattre. Saleya était... fragile. Et elle souhaitait que tu aies en toi toute la combativité du monde. Elle savait que tu en aurais besoin, déclara-t-il d'une voix étrangement douce, et Lilith comprit qu'elle était pardonnée pour ses remarques tranchantes du vendredi.

Il lui sourit. Sa fille, quant à elle, l'écoutait malgré elle attentivement. Jamais on ne lui avait raconté l'histoire de son prénom, pourtant si maléfique et particulier. Quelques gouttes de pluies se mirent brusquement à tomber, mais les deux personnes n'y prêtèrent pas attention, de même qu'ils ignorèrent le vent froid qui s'était levé.

– Nous ne voulions pas que tu sois mauvaise, bien évidemment, mais forte. La Lilith que je connais sait ce qu'elle veut, et elle ne se laisserait pas rongée par quelques doutes après tout ce qu'elle a vu et découvert.

Inexpressive, Lilith fixait le visage de son père, ses traits détendus, ses lèvres ourlées mais sèches, son regard pénétrant bordé de longs cils noirs, l'eau qui ruisselait sur son visage. Puis elle baissa la tête.

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