Sans blague

Chapitre 3

Ce n'est pas le temps qui passe, mais nous qui le traversons.

     Mes yeux papillotent. Le noir, le bleu, le noir et le bleu. Est-ce le ciel ? Non, il n'y a pas les étoiles brillantes qu'il y a d'habitude et que j'ai vues le soir où je me suis fait kidnapper. Je veux me relever mais une douleur se fait sentir dans ma poitrine, en moi. J'abandonne alors tout espoir de me lever. Au moins, la dernière j'avais pu. Pas cette fois. Je reste immobile plusieurs minutes jusqu'à ce que je me rende compte que je ne suis pas seule. Puis, des têtes apparaissent dans mon champ de vision. Je reconnais Nathalie – je fais la moue –, une jeune fille, l'adolescent alias l'armoire à glace et pour finir un autre ado avec capuche sur la tête, de sorte qu'on n'aperçoit seulement qu'une petite étincelle d'inquiétude dans l'obscurité de la capuche ; qui n'est d'autre qu'Alex. Je regarde tour à tour ces personnes qui m'ont enlevée pour je ne sais pour quelle raison.

- Qu'est... qu'est-ce qui...je tente de dire.

- Ne parle pas, ne bouge pas ou tu ne seras jamais sur pied, me conseille Nathalie.

     Je l'écoute seulement après avoir évalué son regard. Je ne sais pas pourquoi, mais elle m'inspire confiance, tout à coup, malgré son air peu sympathique. Une fois que Nathalie comprend que je ne bougerai pas, des orteils au moindre cheveu, elle fait signe aux autres qui avaient disparu de mon champ de vision. Ils me soulèvent doucement pour me mettre en position assise. Je grimace de douleur mais ne fais aucun commentaire. Les trois adolescents se rassoient sur des chaises sur ma gauche et Nathalie est assise de l'autre côté. Celle-ci inspire longuement en fermant les yeux. Elle a sûrement quelque chose d'important à me dire, ce n'est pas trop tôt !

- Ecoute-moi bien attentivement, Hannah. D'accord ? commence-t-elle.

    La jeune fille assise entre les deux garçons toussote pour attirer l'attention.

- Comme tu lui as dit de ne pas bouger, de ne pas parler, elle ne peut pas te dire qu'elle est d'accord, remarque-t-elle avec humour. Elle se tourne vers moi et continue : tu peux parler mais juste pour dire peu de chose, ne raconte pas ta vie, quoi.

    Je souris. Nathalie se contente de hocher la tête pour montrer son accord.

- J'aime bien ton humour, je dis.

    Le gros balourd sourit avec la fille. Je crois qu'ils peuvent être sympas...

- Je crois qu'il faudrait faire les présentations. Je peux les faire ? demande l'énergumène.

    Nathalie hausse des épaules pour simple réponse.

- Bien. Je suis Gauthier, tu connais déjà Alex, ma mère Nathalie et...

    Soudain, mon cou me démange fortement. Je fronce des sourcils.

- Oh non ! Ça recommence ! crie Alex en bondissant de sa chaise.

- Il faut bien la tenir, dépêchez-vous ! ordonne la jeune fille.

- Ça marche, chefs !

    Puis tout disparait.

    Je sens que je tourne sur moi-même, mais tout reste blanc, un blanc immaculé. Je me sens légère... Peu à peu, je vois des ombres apparaître dans le fond blanc. Elles se transforment en des silhouettes indistinctes. Ces silhouettes se mettent à chuchoter entre elles et je parviens à entendre quelques bribes. Les chuchotis s'élèvent, les silhouettes dansent et se font menaçantes. Brusquement, elles deviennent rouges sang et je me réveille en sursaut dans le magnifique lit aux couleurs chaudes des dernières fois où je me suis réveillée. Je vais commencer à croire que je ne vais plus pouvoir le quitter, ce lit de malheur.