1 | If you can't be a sun, be a star |

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PDV ZEHLIA

« - .... un, deux, trois, mouvement de tête, pose finale ! »

J'abaisse mon épaule droite, lève mon bras gauche et regarde intensément Mme Peransky. Avec son éternelle veste émeraude, ses yeux perçants et sa longue chevelure noire parsemée de gris, elle me fait souvent penser à une vieille sorcière... Une sorcière qui sait extrêmement bien danser, mais une sorcière quand même.

« - Et c'est tout pour aujourd'hui les filles, à samedi prochain !

- A samedi prochain Madame Peransky ! »

Je me prends mon temps pour m'étirer le dos et attends que les six autres danseuses sortent avant de faire de même, non sans avoir fait un dernier signe de main à ma professeure de danse, auquel elle m'a gentiment répondu. Une gentille sorcière.

Dans les vestiaires, je me mets dans mon coin habituel et enlève mon débardeur crème pour le remplacer par un tee-shirt noir suivi d'un gros pull gris. J'enfile ensuite mes Converses, détache mes cheveux bouclés flamboyant et me dirige vers la sortie, après avoir souhaité une bonne soirée à mes camarades.

Je sors de l'atmosphère chaleureuse du studio et me mets en route pour mon orphelinat. Seule dans le froid poignant de ce triste mois de décembre, je lève la tête et vois le ciel pâle, sans couleur. « Comme moi », me dis-je. C'est vrai que malgré mes cheveux roux, je suis une fille incolore. Je ne suis pas malheureuse non, je suis juste terne.

Au bout de 10 longues minutes de marche, j'arrive enfin devant le vieux panneau où l'on peut lire « ORPHELIN T ». La lettre « A » a disparu, comme nos parents.

Notre orphelinat n'a pas de nom étrange, pas de directrice diabolique, pas de gardiens pédophiles. Ce n'est pas un lieu haï par tous ceux qui y résident : c'est plutôt un refuge. Bon, je n'irai pas jusqu'à dire que c'est un palace, mais on s'y sent bien, et c'est le plus important.

Après avoir franchi le portail rouillé, j'arrive au niveau de la porte d'entrée et sonne deux fois d'affilées. Rapidement, Mlle BAT m'ouvre la porte et m'accueille avec un grand sourire :

« - Notre danseuse est de retour ! Comment s'est passé ton cours Zehlia ? »

Je lui fais un rapide câlin et lui répond :

« - C'était génial, comme d'habitude. Je suppose que tout le monde m'attend ?

- Oui oui, file dans la salle à manger ma belle ! »

Je me débarrasse rapidement de mon manteau rapiécé et fonce vers la salle à manger, où je retrouve Léana et Felix.

Dans cet orphelinat, nous sommes une cinquantaine d'enfants abandonnés : la grande majorité d'entre nous ont entre 10 et 15 ans. Léana, Felix et moi sommes les plus âgés, ce qui explique pourquoi nous sommes toujours fourrés ensemble. Les parents de Felix sont morts dans un accident de voiture après une réunion de famille où l'alcool coulait à flot ; quant à Léana, ces parents ne pouvaient pas l'assumer financièrement et ont préféré la déposer à l'orphelinat plutôt que lui offrir une vie médiocre. Enfin, ça c'est leur excuse : Léana, elle, est persuadée qu'ils ne voulaient juste pas d'elle.

Mais bon, on ne parle pas beaucoup de nos passés ici : inutile de remémorer de douloureux souvenirs, des souvenirs qu'on aimerait oublier.

Enfin, pour ma part, je les ai déjà oublié : la psy qui vient régulièrement à l'orphelinat dit que mon passé me fait tellement souffrir que ma mémoire a préféré le supprimer. C'est soi-disant "un simple système d'auto-défense". C'est pour ça que, contrairement à la majorité des autres orphelins, je ne fais pas de cauchemars traumatisants, ni de crises inexplicables. Enfin, pas pour l'instant.

A peine me suis-je assise que Felix me donne déjà l'assiette qu'ils m'ont gardé. Apparemment, je mange encore froid aujourd'hui...

Je ne fais évidemment pas cette réflexion à voix haute, et me contente de le remercier avant de commencer à manger. Je devrais déjà être contente qu'ils aient pensé à moi.

Léana se met alors en mode « Pipelette » et me raconte tout ce que j'ai raté : les jumeaux White sont encore montés sur le toit et ont été punis dans leur chambre, Haiden a vu Mlle BAT en sous-vêtements et Romane a trouvé un lézard mort dans son lit. Rien de bien intéressant.

Nous continuons de bavarder tranquillement jusqu'à ce que Julia, la cuisinière, se dirige vers nous :

« - Hé, y'en a pas un parmi vous trois qui pourrait me rendre un service ?

- Heu si, dis-je

- Ah Zehlia, toujours prête à aider hein. Tu pourrais aller acheter du pain à l'épicerie ? C'est pour le petit-déj' de demain...

- D'accord j'y vais tout de suite !

- Merci ma grande. »

Je dis à mes deux amis que je les retrouve dans la salle commune et me dirige vers la porte d'entrée.

Je remets rapidement mon manteau et sors, me demandant si l'épicerie sera encore ouverte. « Il va falloir courir Zehlia », me dis-je.

Je m'élance alors dans les ruelles sombres, sans regarder derrière. Plus vite ce sera fait, mieux ça vaudra.

L'air frais du soir me fouette le visage et fait voler mes boucles rousses. Malgré le froid, je ressens comme un sentiment de liberté, comme si plus rien ne pouvait m'atteindre. Un sentiment similaire à celui qui me possède quand je danse.

En moins d'une minute je suis déjà devant l'épicerie, mais... Elle paraît fermée. Aucune lumière ne filtre et pourtant, j'entends de l'agitation à l'intérieur. Des chuchotements qui paraissent lointains, mais en même temps si proches.

Je jette un oeil aux fenêtres, mais ne distingue rien d'autre que mon reflet.

Je m'approche alors de l'entrée et tente de pousser la porte une fois, deux fois, en vain. « Ouvre toi stupide porte ! ». A ma3ème tentative, elle finit par céder puis... Plus rien.

StockolmOù les histoires vivent. Découvrez maintenant