La plume est plus forte que l'épée

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La prison n'est pas faite pour les écrivains. C'est la conclusion qu'en a tirée Harry Quebert la première journée où il a été enfermé. Les criminels n'aimaient pas trop les esprits vifs. Si, en plus, on ajoutait à l'équation une accusation du meurtre d'une adolescente et des aveux de relation amoureuse avec la victime, cela ne faisait qu'augmenter leur haine. Il avait intérêt à rester tranquille. Si le vieil homme faisait de la boxe, il doutait qu'il puisse survivre à une bande de mafieux en colère. Durant le dîner, il mangeait seul à sa table lorsqu'un balafré avec la tête rasée s'était assis lourdement à côté de lui en le fixant intensément.

- C'est toi le pédophile?

- Quoi?, demanda Quebert, perturbé.

- Tu as bien entendu, le pervers! Écoute-moi bien, je ne le dirais pas deux fois... Nous n'aimons pas beaucoup les gars dans ton genre. Si tu fais le malin, nous allons te montrer ce que nous faisons aux salopards dans ton genre. Comprendé?! Attention à tes fesses, mon gars.

Le vieillard n'avait pu s'empêcher de déglutir en regardant le lascar s'éloigner. Se faire menacer lors de son premier jour ne donnait pas beaucoup d'espoir. Allait-on lui faire une injection létale ou ces bandits auraient raison de lui avant qu'un juge décide de son sort? S'il avait eu à faire à un énergumène lambda, Harry aurait répondu qu'il était amoureux de Nola, qu'il l'avait toujours respecté, qu'il ne l'avait jamais touché et ne comptait pas le faire avant qu'elle lui semble prête et légalement femme. Dans ce cas précis, rétorquer n'était pas une bonne idée et il avait préféré garder le silence. En faisant profile bas, peut-être que sa misérable vie dans cette prison lugubre ne serait pas trop épouvantable... Marcus était son seul espoir, mais il n'osait pas espérer. Après tout, toutes les preuves se tournaient contre lui...

****

(Un temps plus tard)

Épuisé, las et perturbé par ces semaines éprouvantes en prison pour un crime qu'il n'avait pas commis, Harry Quebert avait pu, enfin, trouver refuge dans un hôtel dans la ville voisine de Summerdale. Il avait eu droit à un cadeau de sortie de prison : sa maison brûlée. Il ne restait pas beaucoup de choses, mais il n'avait rien récupéré de ce qui était intact. Là-dedans se trouvaient des souvenirs trop douloureux pour qu'il puisse les affronter. Tout lui rappelait Nola. Sa Nola chérie... Décédée trop tôt. Il n'avait jamais pu tourner la page et encore moins maintenant qu'il savait que sa bien-aimée avait été assassinée de sang-froid. La douleur était moindre lorsqu'il pouvait encore croire qu'elle avait fui sans lui. L'homme aurait préféré qu'elle ait refait sa vie. Même s'il avait eu le cœur brisé par sa disparition, cela aurait été moins douloureux à apprendre que de comprendre que le cœur de sa belle ne bâterait plus jamais au même rythme que le sien. Marcus allait enquêter, mais découvrir qui était l'assassin ne pourrait jamais calmer la solitude de l'ancien professeur. Ce Marcus Goldmand n'était pas n'importe qui. Harry le savait. Ayant eu le bonheur de lui enseigner avant de devenir son grand ami, l'écrivain connaissait ce que valait le jeune homme. Il était intelligent, talentueux et malin... Il avait réussi à écrire un roman à succès avant ses 30 ans, ce que Quebert n'avait pas accompli avant ses quarante ans. Si quelqu'un pouvait éclaircir ce mystère, c'était bien cet être plus que perspicace. Cela n'empêchait malheureusement pas son vieil ami de s'éloigner. La vérité méritait d'être étalée au grand jour, mais il ne pourrait jamais supporter de la regarder en face. Il avait un terme qu'il avait créé : Le paradis des écrivains. Cela représentait la capacité de celui qui écrit à réinventer son présent. Pour le grisonnant romancier, il était plus facile de se cacher derrière ses mots et son imagination que d'affronter la vraie vie trop cruelle avec lui.

- Harry?

- Hummm?

C'est douloureusement que l'artiste déchu sortit de ses pensées, assis devant la porte de l'hôtel d'Aurora. Il venait s'asseoir devant la porte 8 de cet hôtel tous les jours. Il n'avait pas réservé, il venait seulement s'asseoir à côté. Peut-être attendait-il, encore, qu'elle arrive malgré l'évidence?

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⏰ Dernière mise à jour : May 07, 2019 ⏰

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Le paradis des écrivainsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant