Nom de code : Alexandre

Chapitre 1

« Pour établir quelque chose de durable, il faut une base fixe ; l'avenir nous tourmente et le passé nous retient. Voilà pourquoi le présent nous échappe. » Gustave Flaubert

Alexandre

J'étais né avec l'armée dans le sang. Quand d'autres commandaient des vélos ou des cabanes à Noël, je demandais des parcours entrainement, des jumelles à vision nocturne ou des équipements. A l'âge où les mecs s'intéressaient aux jeux vidéo, ou aux fêtes, je préférais m'entrainer en courant pendant des heures et prendre soin de mon corps.

Le CPA 10 avait toujours été mon rêve, et aujourd'hui, je faisais un pas supplémentaire dans cette direction.

- Votre premier engagement sera de quatre ans, dont deux en formation. Vous commencerez par un stage de formation militaire de huit semaines, suivie par cinquante-deux semaines de formation professionnelle, avec le Bélouga à la fin. Si vous le réussissez, alors vous pourrez commencer la seconde partie de la formation.

L'instructeur de l'armée de l'air assis face à moi poussa un épais dossier dans ma direction. J'y étais, le moment qui changerait tout, qui lancerait enfin ma vie, celle que je rêvais d'avoir. Saisissant le stylo qu'il me tendait, je m'apprêtais à signer pour les quatre prochaines années de ma vie quand la porte du bureau s'ouvrit en grand.

- Et bien alors, on ne m'attend pas ?

Je me retournai pour voir mon meilleur ami, Matt, entrer dans la pièce avec un grand sourire aux lèvres. Même pour s'engager à vie, ce mec n'était pas capable de se pointer à l'heure. L'instructeur se redressa, une expression sévère sur le visage.

- Notre rendez-vous était à 6.00. Vous avez trente-deux minutes de retard.

Pas perturbé une seconde, Matt s'installa sur la chaise à côté de moi.

- Je suis désolé Monsieur. Il y avait un accident sur la route.

Je connaissais assez mon meilleur ami pour savoir que le seul accident qu'il y avait eu ce matin était le moment où il avait balancé son réveil contre le mur. Et le petit sourire en coin dont il me gratifia quand l'instructeur détourna le regard ne fit que le confirmer.

L'instructeur lui fit le même discours qu'à moi, lui listant les règles en insistant un peu plus, comme s'il voulait les graver dans l'esprit de Matt. Mais il devait se douter qu'il avait face à lui une personne qui lui donnerait du mal sur la discipline.

On finit par se retrouver à nouveau avec nos contrats devant nous, avec chacun un stylo dans la main. Après un dernier regard l'un pour l'autre, on se pencha tous les deux sur les liasses de papiers et signa.

- Bienvenue dans l'armée de l'air, Aspirants. Votre départ aura lieu la semaine prochaine, pour votre premier camp.

On se releva, et après une poignée de main, on quitta tous les deux le bureau. Mon corps bourdonnait d'énergie, j'avais l'impression de pouvoir courir pendant des heures sans même être fatigué.

Matt poussa la porte de sortie, et la lumière aveuglante du soleil m'éblouit. On était en plein mois de juin, et la chaleur de l'été commençait à pointer le bout de son nez, présageant un air brûlant et étouffant pour les semaines à venir. Matt soupira, et je reportai mon attention sur lui. Il fixait sa voiture avec un regard plein de frustration et de regret. Je connaissais ce regard, cela ne voulait dire qu'une chose.

Emma était dans la voiture.

Comme souvent depuis quelques mois, alors que mon regard croisait ses yeux violets qui me paraissaient surnaturels, mon estomac se noua face à la colère qui l'assombrissait.