Épilogue

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Sous ma cape de coton noir, je marchais entre les écorces craquelées des arbres de la forêt blanchie par la neige. J'étais sur le retour du foyer, traînant derrière moi la carcasse d'un élan adulte. Le ciel était si clair au-dessus les branches nues entremêlées des arbres. Seule, je progressais sereinement quand des bruits de pas retentirent. Je me figeai. Cette présence m'amusait. J'esquissai un sourire avant de reprendre la route comme si de rien n'était

À mes trousses, les pas accéléraient prudemment. Ils étaient deux quadrupèdes à sautiller sur la neige. Leur petite voix grognait derrière les gros rochers. Subitement, ils jaillirent. En réponse, je me changeai en loup et leur fis face. Le premier loup possédait un pelage blanc avec des yeux sombres. Le second était pourvu d'une épaisse fourrure châtaine aux hautes chaussettes blanches et des yeux grisés. Ils étaient tous deux très jeunes mais ils avaient l'audace de convoiter ma prise. Je me devais de la défendre. S'ils voulaient se nourrir, ils devraient m'affronter.

Le loup blanc fut le premier à attaquer. Il bondit sur moi, tentant de mordre mon museau. Je le repoussai d'un coup de patte. Il tomba aux pieds d'un arbre. Son confrère en profita pour me soutirer l'élan. Réactive, je l'en empêchai. Intimidé, il lâcha prise et recula. Le plus téméraire se releva et me mordilla la patte avant. Je m'en débarrassai d'une morsure à l'oreille. La robe châtaine prêta main forte à son collègue en visant ma joue. Je l'écartai d'un coup de patte et me libérai du pelage blanc en mordant sa nuque. Maladroit, ce dernier glissa sur une flaque d'eau gelée et chuta. Il couina en se plaignant d'une douleur à la patte avant. Son camarade se précipita. D'une léchouille au visage, il lui témoignait son inquiétude. Je m'avançai alors pour analyser sa blessure. Aimante, je le relevais, confiant le repas au loup châtain. Le blessé pouvait encore marcher mais il boitait alors nous rentrions à notre rythme.

Devant le foyer, une louve grise aux yeux vairons nous accueillit. Elle fut effarée de constater le jeune loup estropié. Ce dernier reprit son apparence de petit garçon noiraud à la peau mate. Il tomba au sol et se prit le bras en gémissant :

« Aïe ! J'ai mal ! »

Aussitôt, les autres robes fumèrent. La louve aux yeux vairons devint une dame aux traits mûrs de quarante ans. Son corps comportait bon nombre de cicatrice et blessures issues de combats passés. Malgré cela, elle était appréciée de la meute pour sa délicatesse et son altruisme. Auprès du jeune garçon à terre, elle lui demanda :

« Comment est-ce que tu t'es fait ça ?
- J'ai glissé sur la glace. Tante Iseul, aide-moi ! »

En analysant son bras, la dame ne constata qu'une petite foulure. Elle sourit face au sur-jeu d'acteur du blessé en me regardant. Le plus jeune, s'en rendant compte, râla :

« Arrêtez de vous moquer ! Ce n'est pas drôle !
- Non. Nous ne rions pas de toi, assurai-je.
- N'empêche, j'ai adoré ta chute, frangin ! » taquina le second garçon.

Vexé, son frère ria faussement en faisant la mou pendant qu'Iseul le portait vers l'extérieur. En face, une deuxième dame sortit de la petite résidence. Elle salua affectueusement le souffrant et Iseul avant de venir vers moi. Derechef, elle salua l'enfant brun à la peau pâle qui se tenait à mes cotés :

« Bonjour Eunji. Comment s'est passé la partie de chasse ?
- Rien de spécial à part que Dongyul est tombé comme du n'importe quoi ! » s'esclaffa-t-il.

La dame sourit tendrement au jeune garçon avant que je ne l'envoie à l'intérieur. Joyeusement, il accourut pour rejoindre son frère. Seule avec la nouvelle venue, j'entendis les compliments qu'elle m'adressa :

« Tu as là deux garçons adorables. Dommage que tu n'aies eu aucune fille.
- J'ai décide d'arrêter cette tradition qu'on avait de rejeter les mâles.
- Je comprends. Même si je n'adhère pas totalement à cette méthode, je ne peux que m'y plier. L'époque où j'étais ton alpha est révolue. »

Ses dits me vantaient. Timidement, je souriais. Soudain, cette dernière se raidit. Ses genoux se faiblirent et sa tête manqua de frapper violemment le sol. Accablée, je la rattrapai en criant son nom :

« Moon ! »

La pauvre souffrait d'un ulcère, conséquence d'une lutte sans merci quelques années plus tôt. La gigantesque plaie au milieu de son ventre refusait de cicatriser et la torturait jour après jour, nuit après nuit. Affolée, j'hurlai :

« Moon ! Moon, est-ce que ça va ?
- Oui, articula-t-elle frêle. Ma blessure me fait un peu mal. J'ai juste besoin de m'asseoir. »

Mon cri de panique attira Eunji qui s'épouvanta de voir sa tante aussi mal. Il se porta volontaire pour l'aider. Je plaçai le bras de Moon en accolade sur mes épaules pendant qu'Eunji la guidait en lui tenant l'autre main. La mal-en-point toussait à en s'égosiller. Son neveu l'encouragea :

« Courage, tante Moon ! Viens t'asseoir sur le salon ! »

La dame s'affala sur le sofa pendant que le petit lui offrait ses services. En hâte, il alla chercher un verre d'eau dans la cuisine et l'apporta à sa tante. Elle le remercia d'une bise au front avant qu'il n'aille s'installer à ses côtés. Debout, je me régalais de cette scène. Moon appréciait le cadet de ma portée. À présent, cette meute était tout ce que j'avais de plus cher à protéger. Tout à coup, un long hurlement à la lune retentit. Eunji avait su interpréter le message passé :

« Oh ! Papa revient ce soir ! »

À cet instant, Iseul revenait avec Dongyul, le bras dans le linge. Complices, les deux garçons trépignaient d'impatience l'un en face de l'autre. J'échangeai un regard avec Iseul qui chérissait mes fils autant que moi. Il nous tardait tous de voir la famille réunie en cette journée d'hiver. Alors que les deux garçons s'agitaient sous la surveillance d'Iseul, Moon me souffla :

« Le destin t'a été favorable. Tu as eu la chance de croiser ton âme-sœur. Sois certaine qu'il ne te décevra jamais. Je suis fière de ton parcours, fière de t'avoir vu grandir et mûrir. Prends soin de notre héritage et préserve notre lignée. Je compte sur toi, ma chère fleur de lotus. »

Heureuse de sa confession, je lui offrir mon plus beau sourire lorsqu'elle caressait mon visage de sa main ridée. De suite, il eut un nouvel hurlement de loup. Le reste de la meute ne l'a pas rendu. Il me disait de me rendre devant une chute d'eau à quelques lieux de la résidence. Curieuse, je m'exécutais sans toucher mot aux autres.

En humaine, je courrais dans la neige jusqu'à la sublime cascade qui se déversait dans un grand lac. Je ne le voyais pas, pourtant son odeur m'appâtait comme toujours. Je me promenais autour du bassin à sa recherche quand soudain on me traîna dans l'eau gelée. Le froid m'irrita. En hâte, je cherchais à rejoindre la rive quand il entoura ses bras autour de ma taille. Il était derrière moi à savourer l'effluve de ma chevelure. Amusée, je me tournai pour lui montrer la joie inscrite sur mon visage. Il m'embrassa sans plus attendre. Son baiser était aussi ardent que le soleil, le rose lui offrit tout son parfum.

Roi et reine régnaient sur ce territoire secret qui leur était propre. Rares sont ceux qui y sont parvenus car l'entrée de cet univers se situait là où peu ont réellement cherché. Pour ma part, je l'ai trouvé en me plongeant corps et âme dans la merveilleuse étincelle qui brillait tout au fond de ses yeux.

Wolves Senses | NCT Dream [HC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant