Chapitre IV : Le Cymbidium

420 47 5
                                    

Les jours ont passé. Les nuits se sont allongées. Le froid de décembre s'invitait dans cette région où la neige tombait au plus tôt. Le ciel se couvrait de nuages gris qui saupoudraient leurs flocons blancs. Gracieusement, ils flottaient gaiement jusqu'aux herbes gelées. Le temps venait à l'hibernation.

Sur le canapé, entourée d'un plaide en laine, je contemplais ce merveilleux tableau animé. Depuis un mois, les sorties m'étaient interdites. L'air de la montagne me manquait affreusement. Cette sensation de liberté lorsque je courais vers la ligne d'horizon me manquait. Mes sœurs me manquaient. Dorénavant, je vivais une vie monotone qui me lassait. Je me tournais les pouces à la tanière pendant que les garçons se chargeaient des tâches amusantes telle que la chasse ou les tours des lieux. Néanmoins, la saison froide poussait les loups à se cloîtrer chez eux. Seul l'alpha avait le courage de braver les intempéries pour veiller sur ses propriétés tant convoitées avec la rareté des vivres. Cette condition renforçait généralement la collusion des clans. Dans mon cas, rien n'avait changé. L'union forgée entre cette fratrie rendait plus difficile mon intégration, moi qui étais à la fois louve et étrangère. Souvent absent, Mark n'échangeait que très rarement avec moi et ses frères. Les oméga, Renjun et Chenle, étaient les seuls à faire preuve de bonne foi et me parlaient naturellement. Quant aux bêta et aux sigma, ils gardaient leur distants, méfiants.

Ce jour-ci, l'alpha est resté auprès de sa meute. Debout devant la façade transparente, il guettait sans jamais baisser la garde, toujours prêt à défendre ses terres et les siens. Ce regard si austère et ces sourcils constamment froncés le rendaient si antipathique. Pourtant, cette sévérité cachait des valeurs morales auxquelles j'adhérais. S'il savait sonner les cloches de ses frères, il pouvait tout aussi bien les comprendre. Tout près de moi, Chenle occupait l'espace sonore en jouant avec les touches noires et blanches du clavier qu'il avait descendu de sa chambre. Cet amoureux de la musique transmettait toute sa passion à travers ses mélodies. Je m'évadais aux délicieux sons du piano l'esprit apaisé, rêvant de voir les notes s'échapper de l'instrument en volant légèrement dans l'air.

À l'instant, les perles du rideau s'entrechoquèrent. De la cuisine, Renjun venait m'apporter une tasse de thé noir. J'acceptai volontiers et pris entre mes mains la porcelaine agréablement chauffée par le breuvage. Puis, le jeune homme repartit en direction de son atelier. Sur son plan de travail étaient étalées maintes plantes et fleurs aromatiques. Il appréciait concocter des mixtures naturelles pour ces aînés. Adroit de ses mains, il faisait tout avec beaucoup de minutie. Généreux, il alla proposer une tisane à Mark ainsi qu'à Chenle. Tous deux étaient les seuls à me tolérer. Les cinq autres se trouvaient là où je n'étais pas.

Jeno, le grand loup bêta, préférait éviter tout contact avec moi en présence de Mark. Il avait peur des quiproquos dus à ses agissements quelques fois incorrects. Un jour, je l'avais surpris dans ma chambre. Il était allongé en étoile à même le sol sous ma couverture. Immobile, il fixait le plafond de ses yeux mi-clos comme s'il était dans un état d'ivresse. Perturbée par son intrusion, j'avais osé lui ordonner :

« Qu'est-ce que tu fais dans ma chambre ? Sors d'ici !
- Elle appartient à Mark, contredit-il sereinement.
- Certes mais je l'occupe !
- Tu répands une essence corporelle si douce quand tu dors. Elle persiste longtemps sur les draps.
- Cela n'excuse pas ton indiscrétion !
- Non. Tu as raison. Excuse-moi. »

Mon intuition avait cru en sa sincérité. Il n'avait pas eu l'air d'avoir d'arrière-pensées. Le loup s'était levé pour quitter la pièce. Tout près de moi, il s'était arrêté pour m'observer droit dans les yeux. J'avais maintenu le contact sans comprendre ses attentes. Il m'avait posé cette question inattendue :

« Suis-je forcé de ressentir quelque chose pour toi, Yon ? Ou puis-je passer outre ce besoin primitif ?
- Je pense que tu peux surpasser cette envie, répondis-je confuse.
- D'accord. Si tu veux, j'ai gardé quelques baies dans le troisième placard du haut. »

Wolves Senses | NCT Dream [HC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant