CHAPITRE 5

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E.T de Katy Perry [ Slowed | voix masculine ]




                Quelques heures auparavant...

L'esprit engourdi par l'excitation, j'observe avec admiration les Ruines s'étendre devant et tout autour de moi. Je vogue dans cette ville fantôme telle une âme en peine, arpentant les ruelles aux pavés fissurés et submergés par une végétation qui a repris ses droits sur une terre bien trop humanisée. Semblable à un spectre errant entre les maisons délabrées aux vitres cassées et aux portes défoncées en quête d'une quelconque compagnie – n'importe qui du moment qu'elle n'aspire pas à de sombres desseins. Malheureusement, il n'y a qu'autour de moi des demeures ayant perdu leur toit, fragilisées par les intempéries et le temps qui s'égrènent en leur défaveur. Une terre de désolation qui me donne l'irrépressible envie de l'étreindre, de la peindre et d'immortaliser sa détresse. Telle une nymphe à la beauté essoufflée qui se dresse face à moi dans l'espoir vain de me séduire. Les lèvres gercées, la peau écaillée et ses longs cheveux ternis couvrant ses seins dont les pointes commencent à tomber pareil à deux fleurs fanées, elle m'observe, tente de me transmettre son histoire au travers de ses yeux hagards. Mais je peine à lire dans son regard fatigué, abattu. A lire dans le sang qui recouvre ses épaules et son ventre telle une toge romaine. A lire entre les cicatrices qui strient son corps ocreux. A comprendre son vécu, ses douleurs et ses difficultés à se relever de la guerre – bon dieu mais quelle guerre ?! – qui l'a terrassée. Je n'arrive pas à la lire, à la comprendre. Et ce n'est pas à moi de lui tendre la main, d'arroser ses membres pour y faire fleurir une nouvelle peau. Non, ce n'est pas mon rôle. Mais celui d'une population.

Et nous hurlons notre résistance, le poing en l'air. Tel un seul homme, nous nous dressons face à cette immense tour d'ivoire, siège de l'autorité et du contrôle. L'heure de la révolte a sonnée.

— Nous sommes arrivés.

Je relève la tête, surpris que le trajet soit si court et marque un temps d'arrêt en découvrant le décor qui s'offre à moi.

Et mille lames se plantent dans ma poitrine, infiltrant dans ma chair leur poison dévastateur.

— C'est une blague ? Persifflé-je en me tournant vers Felipe.

Indifférent aux poignards logés dans ma peau, il hausse les épaules et faiT un pas en avant.

— Tu es blessé, Eden. Tu as sérieusement cru que j'allais t'emmener dans des endroits qui craignaient ?

Mais ce coin-là craint !

Les lèvres serrées par la colère, je jette une dernière œillade furieuse à l'adolescent avant de me détourner pour qu'il ne puisse pas voir le sang couler de mes plaies. J'inspire profondément... et relève les yeux sur la source de mon mal.

Blancs.

Il sont si blancs qu'ils m'en brûlent la rétine.

Et mon âme est si rouge, si tâchée de sang.

Hauts.

Si hauts qu'ils m'en donnent le vertige.

Et mon cœur est si bas, si brisé à mes pieds.

Et si infranchissables.

Me séparant de ceux qui ont partagé ma vie pendant dix-huit années et qui ont réussi à se faire une petite place dans mon cœur solitaire. Parvenant à se caler entres mes espoirs et mes rêves de liberté, de grands espaces. Réussissant à diminuer ce sentiment d'étouffement qui m'étreignait à chaque fois que je posais mes yeux sur ces Murs qui m'encerclaient et restreignaient mes moindres gestes. Ces même Murs qui me font actuellement face et qui me narguent de leur éclatante beauté.

IndisciplinésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant