Chapitre 1: Gone

138 14 5
                                    

Il n'avait jamais bien compris comment il en était arrivé là, à se tenir dans cette pièce que les murs blancs rendait oppressante, là où ils auraient dûs donner l'illusion d'un espace plus grand.
Peut être à cause du désespoir qui lui bouffait les entrailles, ou peut être pour une tout autre raison.
Il ne voulait pas savoir.
Le fait était que le voici, juste devant cette salle, regardant ses mains avec l'impression que l'empreinte poisseuse du sang y était encore, son cerveau imaginant malgré lui la couleur écarlate les recouvrant entièrement, s'infiltrant sous ses ongles pour ne pas s'en déloger et laisser une hideuse couleur marron en souvenir, comme si il ne pourrait jamais s'en débarrasser.
Il imagine toutes les vies qu'il a supprimées de la surface de la terre. Puis il pense à celles qu'il a sauvées. Puis celles qu'il a détruites.
La balance n'est pas équilibrée, si il avait été au temps des égyptiens alors son âme aurait plus que sûrement été dévorée par Âmmout, la déesse dévoreuse d'âme. Qu'était une plume face au poids qui reposait sur ses épaules et son cœur, lui amenant constamment ce dernier au bord des lèvres ?
Il voulait juste.. ne plus que son esprit ressasse sans cesse les mêmes images, encore et encore, un cercle vicieux et infernal dont il ne parvenait pas à s'extraire et dont les cercles marqués sous ses yeux pouvaient témoigner, profondes et noirâtres, camouflés par une paire de lunettes hors de prix.
Il avait tellement de sang sur les mains, tellement de morts sur la conscience.
Et il avait essayé d'être meilleur, essayé si désespérément.
Lors de la conference de presse, suite à l'incident avec son ancien.. associé, Obadiah Stane, il avait respecté ce qu'on lui avait sommé de faire, pour une fois dans sa vie, et prétendu n'avoir jamais été celui dans l'armure toute de rouge et d'or. Il avait à la place fait mine être sur un yacht en pleine mer, sous un soleil de plomb alors qu'il avait à la place combattu jusqu'à ce que son corps en soit perclus et que l'amer goût de la trahison ne se tourne en une colère froide et contrôlée, menant à l'exécution pas si accidentelle de celui qu'il avait autrefois considéré comme un père, à défaut d'avoir réellement possédé une figure paternelle digne de ce nom.
Ainsi.. tout avait été étrangement normal, la presse avait lâché le morceau, ne voyant plus l'ombre d'un éclat métallique dans les environs les mois suivant.
La vie avait suivi son cours, comme si Tony n'avait pas fini avec un réacteur ARK planté au centre de son torse, comme si chaque respiration n'en était pas douloureuse, ne lui rappelait pas l'odeur du sable brûlé par la soleil de plomb, du sang et de l'humidité de la grotte dans lequel il avait été retenu prisonnier et torturé pour ce qui lui semblait être des mois alors que quelques jours seulement s'étaient écoulés.
Il arborait toujours ce même sourire arrogant, suffisant, tandis que tous ne cessaient de murmurer sur son passage. « Marchand de mort », « Playboy débauché », « Génie sur le déclin », « Une épave ». Il les entendaient, tous, mais son sourire n'en souffrait aucunement, rayonnait d'autant plus, même. Car c'était ainsi que fonctionnait Tony Stark, lorsqu'on le foutait à terre il se relevait, encore et encore, comme un insecte nuisible dont on aurait désespérément souhaité se débarrasser, pour le voir contre toute attente surgir à nouveau.
En dépit des nouveaux secteurs d'activités de Stark Industrie, du fait qu'il aient cessés la production d'armes, il entendant toujours les mêmes murmures, regards en coins, rictus méprisants et rires moqueurs, pleins de pitié, de haine, de jalousie enrobée de faux compliments.
C'était épuisant.
Même pour lui qui avait passé sa vie entière à subir ce genre de commentaires, ça faisait mal. Même lui commençait à flancher.
Alors le voici, à l'intérieur des locaux du SHIELD, enfilant une combinaison noire dont le symbole en forme d'aigle reconnaissable trônait fièrement sur son épaule droite, comme un douloureux rappel de ce qu'il s'apprêtait à faire.
Mais tout irait mieux par la suite, n'est-ce pas ?
Il ne sentirait plus la brûlure mordante du fardeau qui pesait sur  ses épaules chaque jour un peu plus.
Il ne le sentirait plus, car il n'existerait plus.
Et lorsque Tony s'installa sur la table de fer froid, prenant une profonde inspiration avant de laisser les sondes venir se poser sur ses tempes, le casque venir recouvrir son visage il ferma les yeux, lentement, examinant une dernière fois le monde aseptisé tout autour de lui, revoyant en un flash le sourire de Pepper, de sa mère, de Yinsen. Le rire de Happy, celui bien plus rare de son père.
Il revit furtivement un éclat bleu blanc et rouge avant qu'un étrange bourdonnement ne se fasse entendre, et qu'il se sente plonger dans les profondes abysses de l''inconscience comme on sombre paisiblement dans le sommeil, sans douleur, sans rien ressentir, rien hormis le néant.
Il serait égoïste, comme toujours, il n'avait jamais été que ça.
Et finalement.. se faire effacer la mémoire ne faisait pas si mal.

Les souvenirs au fond de mon cœur Où les histoires vivent. Découvrez maintenant