Chapitre 1

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"Maman,
Il est tard, je sais, mais j'écris souvent aux heures les plus sombres de la nuit, comme inspiré par les ténèbres. J'écris pour ne pas crier, des lettres que je n'envoie jamais, à toi qui ne peux plus les recevoir. Si tu savais comme tu peux me manquer, tout est si différent ici depuis ton départ qu'il m'arrive de perdre pieds. Mon royaume a perdu de ses couleurs, il s'autodétruit à mesure que le temps passe. Et je le regarde s'effondrer.
Tu ne dois pas t'en douter mais sache que je t'ai cherché, pendant plusieurs semaines sans relâche. Mais tu ne vivais plus que dans ma tête. Ton souvenir, le son de ta voix et la chaleur de tes caresses bercent encore mes nuits aujourd'hui mais tu n'es plus là. J'ai eu du mal à me faire à ton absence, du mal à me faire à ce vide omniprésent. Je le ressens également dans le regard de Papa. Tu lui manque aussi, il ne le dit pas et ne le dira probablement jamais mais je sais lire dans ses yeux que la flamme s'est éteinte. Il n'espère plus...
Sais-tu quel jour nous sommes? Nous sommes le premier jour du printemps. Les grandes chaleurs vont nous revenir enfin, elles m'ont tant manqué. Nous sommes le premier jour de l'année, mais une année de plus ou une année de moins, que cela peut-il bien faire lorsque le monde atteint son 25e siècles. Le premier jour du printemps... cela doit correspondre au 20mars de l'ancien calendrier, n'est-ce pas? Je n'ai jamais compris pourquoi tu ne jurais que par lui. Mais cette lune signifie également que ça fait un an jour pour jour que le monde t'a déclaré morte et qu'ils ont cessés de te recherché.
Je pars dans quelques heures pour le vaste monde, ou plutôt ce qu'il en reste. J'aurai tant aimé vivre à une autre époque, celle des livres que nous avons lu, l'époque des voitures, de la France, de la musique portable. L'époque où le monde avait un sens. Aujourd'hui, il n'y a plus que des ruines. Je pense venir te voir et passer la journée à tes côtés. Je t'aime, tu sais. J'aurai aimé te le dire avant, quand tu pouvais encore l'entendre.
Émilie.
"

Je regardais cette feuille, anciennement vierge, que j'avais salie avec des mots à l'encre noire. Des mots qui n'avaient pas vraiment de sens. Un papier, un stylo, une lettre à une disparut. J'avais tant écris sur elle, à chaque fois que la nuit me paraissait trop longue, ou lorsque le monde me semblait trop cruel. J'écrivais pour ne sombrer dans la folie.
Lorsque je perdais mes mots, lorsque je ne savais plus quoi noté qui sois suffisamment beau, je me perdais à observer le plafond et les étoiles qui y étaient accrochées. Il y en avait 77. Je les avais compté de nombreuses fois, pour de nombreuses raisons et elles parvenaient toujours à me réchauffer le cœur. Ce soir-là, peut-être avait-elles perdu de leur éclats.
Puis mon réveil sonna. Il était 6heure déjà, encore une nuit sans pouvoir fermer les yeux. Je pris mon courage à deux mains et allai me préparer dans la salle de bain. Je me sentais comme ailleurs, à demi vivante, à demi mouvante, à répéter des gestes anodins comme un robot sans âme.
Je descendis les escaliers et espérai ne pas croiser mon père qui allait encore me déconseiller de partir. Je pris un sac, un peu de nourriture et d'eau, tout juste de quoi tenir la journée, et mon écrit de la nuit.
En m'approchant de l'entrée, je vis une chose inhabituelle sur la table à manger, une étrange lettre à mon nom. Je caressais l'enveloppe du bout de mes doigts fins avant de la mettre dans mon sac et de partir. Je jetai un dernier regard à cette maison avant de m'en éloigner et de la voir disparaître.
J'avais pour but de rejoindre un lieu, éloigné de la ville et des villages, éloigné de toutes pollutions sonores. Un lieu que j'avais su important pour Maman et qui me permettait de me sentir auprès d'elle ne serait-ce qu'un temps. Je connaissais le chemin par cœur, pour l'avoir pratiquer un grand nombre de fois et je ne m'étais jamais perdue.
Je ne suivais pour l'instant que les routes, et les arbres défilaient les uns après les autres. Je devais traverser de nombreux villages alors que le soleil se levait à ma gauche. Il faisait encore froid le matin mais, bien que nostalgique, le voyage était agréable et je voyais les saisons transformer mon chemin avec le temps. Tout était si tristement beau.
Arrivée à la lisière de la forêt, je fus étonné par le nombre de personnes présentent en ce jour. Comme s'ils avaient tous un triste évènement à fêter, leurs sourires me prouvant pourtant le contraire. Ils étaient de tout âge, de tout genre, de toute couleur. Une harmonie presque qu'irréelle.
Je m'arrêtai un instant pour observer les gens, les familles et m'imprégner un peu de leur bonheur. Je me perdais déjà alors que je n'étais pas encore au près d'elle. Je me perdais à rechercher une vie que je n'avais plus.
Et alors que je pensais à elle, que mon cœur semblait si lourd, tout devint plus sombre encore. Tout devint si froid lorsque retentit la première rafale. Tout devint si froid lorsque des dizaines de corps tombèrent au sol, sans vie. Je n'avais encore jamais vue de cadavre, je n'avais jamais autant regardé la mort dans les yeux.
Mon premier réflexe fut de me mettre à terre et de fuir comme je le pouvais. J'étais terrifié et j'ignorai comment faire pour m'en sortir. C'est alors qu'on me prit par le bras, et me dégagea des corps ensanglantés. La forêt n'était plus qu'à quelques mètres lorsque je me mise à courir. J'ignorais toujours l'identité de celui qui venait de me sauver la vie mais il s'agissait de quelqu'un pour qui courir était un acte difficile.
J'entendis, au loin, une seconde rafale, et des cris, des larmes. Je sentais mon cœur battre dans ma poitrine, je n'en pouvais plus, j'arrivais déjà à mes limites.
"Ne t'arrêtes pas, il faut qu'on continue!"
Il s'agissait d'une voix âgé et masculine qui me tenait par le bras et me trainait pour que je m'en sorte.
Au bout de quelques longues minutes, nous nous arrêtions enfin. Mes genoux s'écrasèrent au sol dans la seconde même où je n'étais plus en mouvement.
"Comment vas-tu? Me demanda-t-il. Tu n'es pas blessé?
-Je vais bien, merci."
Je ne pus rien articulé d'autre. Je n'arrivais à avoir de pensées claires, tout se mélangeait dans mon esprit.
Très vite, nous fûmes rejoints par d'autres rescapés, qui semblaient tout aussi perdus et désemparés que nous l'étions. Nos regards se croisaient parfois, mais personne n'osait dire le moindre mot. Nous nous regardions comme des animaux sauvages entourés par les flammes.
J'étais assise à même le sol, à regarder le ciel. Je n'avais qu'un mot en tête: "Pourquoi?". Jamais il ne s'était produit de chose de la sorte depuis la 3éme Guerre Mondiale. Je ne comprenais pas le but d'une telle cruauté, faire passer un message? Mais quel genre de message pouvait-on faire passer en tuant de parfait innocent dont la joie débordé il y a de cela quelques minutes?
Je mis les mains dans mon sac pour y trouver une bouteille d'eau mais ce que je touchais n'en était rien, il s'agissait de l'enveloppe de ce matin. Je la pris et la regardai, je passai mes doigts sale sur son dessus avant d'y lire mon prénom. J'étais sûr de connaître l'écriture, mais il ne s'agissait pas de celle de mon père. Ce pouvait-il que ce soit celle de Maman? Je m'empressai alors de l'ouvrir pour y lire le contenue. A l'intérieur, un bout de papier déchiré hâtivement et des mots crachés à la va-vite, des pensées avec une écriture pressée.

"Ma très chère Émilie,
J'ai mal de te savoir loin de moi ma fille mais sache que c'est pour ton bien. Si tu lis ceci c'est que malheureusement je ne croiserai plus ta route et je m'en excuse de tout cœur. Je ne voulais pas te mêler à cette histoire mais je n'en ai plus le choix à présent. Dans cette enveloppe tu trouveras, en plus de la lettre, un pendentif. Il s'agit d'une Émeraude qui renferme un très grand pouvoir. Tu es lié à lui, ne t'en sépare jamais. S'il venait à tomber entre de mauvaises mains, nos vies seraient perdues comme l'a été la mienne. Je ne peux t'en dire plus mais sache que je veillerai toujours sur toi, je serai dans chaque arbre, chaque brise, chaque rayon du soleil qui croisera ton chemin. Je t'en prie, reste en vie. Je t'aime. Ta maman
."

Je ne savais quoi penser, quoi en retirer. Cette lettre venait donc bien d'elle mais... Tout cela était absurde. Mes mains tremblaient. Était-ce une blague? Maman m'avait-elle réellement écrite ça en guise de lettre d'adieu? L'entièreté de mon corps réagissait à ses mots.
"Euh, ça va? me demanda une jeune fille qui devait avoir mon âge. Sa voix tremblait.
-Oui, ça va.
"Mais tu pleure pourtant."
Ah bon ? Je mis les mains sous mes yeux et remarquai qu'en effet je pleurais. A cet instant précis, alors que tous les regards étaient tournés vers moi, je ne voulu qu'une chose : crier. Je voulais que le monde entende que je désapprouvai ma situation actuelle et la douleur qui en provenait, que je désapprouvai le fait d'avoir une mère qui avait perdu la tête.
Je mis la main d'en l'enveloppe et en sortit l'Émeraude. Elle était magnifique, c'est sûr, mais je voulais la lancer au plus loin que me le permettait mes forces. Pourtant je n'en fis rien, j'avais dans les mains, le seul héritage d'une mère disparut.
"Je m'appelle Alexandre., commença celui qui m'avait sauvé. J'ai 67ans. Je ne suis ni plus ni moins traumatisé que vous par ce qu'il vient de se passer. Je ne comprends pas mieux les raisons qui les ont poussé à tuer. Mais si vous voulez mon avis, ils ne s'arrêteront pas là, peut-être même nous pourchasseront-ils. Alors libre à vous de me suivre ou non, mais il ne faut pas s'éterniser ici.
-Je m'appelle Claire, j'ai 16ans. Oui, je sais c'est peu. J'étais sur les lieux pour prendre l'air, tout simplement. J'avais besoin de me vider la tête, ça ne devait durer que quelques instants...
-Je m'appelle Lucas, je vais sur mes 20ans. Je ne sais pas trop pour quelle raison je suis venue mais je le regrette, il est inutile de m'attarder sur ce point, je pense que vous l'avez tous compris. J'étais venu avec mon grand frère, et cet idiot m'a sauvé la vie au péril de la sienne. Il était mon unique figure paternel, je n'ai que très peu connu mon père puisque ce connard nous a abandonné. Je n'ai rien à dire de plus, rien qui ne soit vraiment passionnant.
-Je m'appelle Sarah, j'ai 9ans. J'étais venu avec ma mère mais je les perdu dans les gens. J'ai couru quand ça à commencer à exploser, comme beaucoup, mais ma petite taille m'a sauvé."
Ces paroles me donnèrent des frissons. Les présentations laissèrent la place à un lourd silence avant qu'on me demande de me présenter, je jouais toujours avec mon caillou, dos tourné au public.
"Je m'appelle Émilie, j'ai tout juste 18ans. J'étais venue pour voir ma mère, pour être à ses côtés ne serait-ce que quelques instants. Je ne l'ai pas vue depuis un bail, j'avais l'espoir de pouvoir lui parler. Moi aussi je regrette amèrement d'être là. Mais merci Alexandre, de m'avoir sauvé.
-Ce n'est rien."
Après de longue minute de silence, sans le moindre mouvement de la part de chacun, nous décidâmes de nous lever, et de marcher, tous ensemble dans la même direction. Nous ne savions pas où aller, mais il fallait faire vite, juste au cas où.
Le collier autour du poignet, je ne le lâchais pas des yeux. Il n'avait pourtant rien de spécial, rien qui ne vaille la peine de mourir pour lui.
Et je pensais à cette phrase qu'elle m'avait écrite: "je serai dans chaque arbre, chaque brise, chaque rayon du soleil qui croisera ton chemin." Si seulement elle avait su à quel point j'aurai voulu qu'elle soit plus que ça.
Puis Lucas arriva à ma hauteur:
"Salut, c'est Émilie c'est ça?
-Oui.
-Ça fait combien de temps, pour ta mère?
-Je euh...
-Elle est morte n'est-ce pas?
-Comment l'as-tu deviné?
-Moi aussi j'aurai aimé parler à la mienne, être au près d'elle une dernière fois. Je comprends ce que tu ressens.
-Non, non tu ne comprends pas. Tu n'as pas la moindre idée de ce que je ressens. Alors oui, tu as perdu ta famille et je suis désolé pour ça, je ne pourrait jamais te la rendre, mais au moins tu sais ce qu'il leur est arrivé. Je n'ai pas cette chance. Ma mère a disparut sans laissé le moindre indice, la moindre trace et personne n'a su la retrouver. Tout ce qu'il me reste d'elle, c'est un fragment de sa folie.
-Ça fait combien de temps?
-1ans, aujourd'hui.

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⏰ Last updated: May 25, 2019 ⏰

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