Chapitre 6

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I'm Gonna Show You Crazy - Bebe Rexha

Je suis avachie dans mon lit tel un mollusque en fin de vie, regardant la vie mouvementée des célébrités sur les réseaux sociaux.

Tout à coup, on me tire de ma contemplation de corps trop parfait en m'interpellant. C'est Eva qui crie mon nom afin que je l'entende malgré l'étage qui nous sépare. Eva est ma marraine mais c'est aussi ma tante. Elle est notre seule famille, la seule qui nous reste ou du moins la seule qui nous adresse encore la parole. Emma et moi vivons ici, dans cette maison, depuis trois ans maintenant. Aujourd'hui je peux dire que je suis heureuse d'être avec eux. Il m'est impossible d'envisager de vivre avec d'autres personnes qu'Eva et Karl, son mari. Même si au début regarder Eva m'étais difficile en raison de sa ressemblance avec ma mère. Mais j'ai appris à apprécier le fait de la voir dans ses yeux. Le visage d'Eva est maintenant une sorte de soulagement, lorsque j'ai besoin de la voir elle, je la regarde. C'est peut-être un poil malsain mais c'est comme ça que j'ai réussi à surmonter cette ressemblance combinée à un manque atroce.

Quant à Karl, il s'est fait très discret. J'imagine qu'accueillir deux jeunes adolescentes n'a pas dû être facile, qu'on le veuille ou non nous avons chamboulé sa vie à jamais. Il n'était pas de son devoir de nous héberger de la sorte et pourtant il l'a fait avec gentillesse et bienveillance. Karl est un merveilleux mari et une magnifique personne. Je ne peux pas le qualifier de père mais je sais que pour lui, Emma et moi sommes comme les filles qu'il n'a jamais pu avoir. En effet, Karl et Eva n'ont jamais réussi à avoir d'enfants et ont abandonné l'idée d'adopter à notre arrivée. Mais maintenant ils disent tous les deux que leur travail leur prend trop de temps et que ce n'est peut-être pas une si mauvaise chose de ne pas avoir pu réaliser ce vœu. Effectivement leur entreprise commune nécessite un niveau de travail proportionnel à leur réussite, c'est-à-dire colossal. Leur richesse me fait côtoyer des gens comme Hannah, c'est-à-dire fortuné. Ma vie d'avant n'était certainement pas aussi confortable financièrement parlant, même si nous étions loin d'être pauvre. Je n'aime pas l'argent. Avoir une garde-robe qui a triplé de volume ne m'a pas rendu plus heureuse. Loin de là. Elle m'a davantage montré à quel point ma vie changeait, sans que je ne puisse rien y faire. L'argent est une preuve du changement dans ma vie et je le déteste pour ça.

- Juliette ?

- Oui ? M'égosille-je.

- Hannah est là.

Hannah ? Mais qu'est-ce qu'elle fait là ? Je consulte rapidement mes messages constatant que je n'en ai manqué aucun. Nous n'avons pas pour habitude de passer à l'improviste chez l'autre, pas qu'on ne soit pas suffisamment proche pour cela, seulement nous nous prévenons toujours même si c'est sous forme affirmative. C'est par simple principe je suppose.

Dès que le bruit de ma porte se fait entendre j'interroge l'invitée surprise, avant même qu'elle pénètre dans ma chambre.

- Alors comme ça je te manquais trop ? Dis-je d'un ton joyeux, contente de la voir.

Lorsque Hannah tourne la tête et plante son regard océan dans le mien mon sourire retombe instantanément. La peur qui y règne me heurte et la douleur qui tord son visage me retourne. J'accours dans sa direction, pendant qu'elle, a un pas d'une lenteur qui ne lui ressemble pas.

- Qu'est-ce qui se passe ? Tu t'es fait agresser ?!

Je la regarde avec intensité pour voir une quelconque blessure. Mais non, rien. Ses vêtements sont repassés à la perfection, sans aucune tâche et elle ne présente aucun hématome. Elle est aussi parfaite que d'habitude. Alors quoi ? Si la douleur n'est pas externe, c'est qu'elle provient de l'intérieur. Qu'est-ce qui s'est passé pour qu'elle soit dans cet état ? Je veux dire sa joie de vivre est si difficile à abattre, quel est l'abruti qui l'a piétiné ?

Seconde Chance - Le Voleur de CarnetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant