L'apocalypse avait frappé un chaud matin d'un été étouffant. Les annonces à la radio hurlaient. Des gens en dévoraient d'autres vivants. Ce fut le début du carnage. Les médias, les oracles brulaient, s'atrophiaient : c'était la fin du monde. Cloisonnés dans l'appartement de Pierre depuis ce jour, Max, Blaise et lui fixent une télévision qui grésille. Séquestrés d'eux-mêmes, ils ne se parlent pas vraiment. C'est le dixième jour, ils commencent à manquer de vivres et d'espoir sur l'évolution de la situation. La plupart des gens sont morts ou dans des zones de décontamination bâties par le gouvernement. Il ne reste qu'eux dans l'immense bâtiment de sept étages. Les cris ont disparu depuis deux jours. Blaise s'ennuie. Rien que pour ça, il pourrait aller dehors, quitte à risquer la mort, ce sera moins douloureux que cet ennui là. Il fixe les couteaux dans la cuisine. Il pourrait sans doute s'en sortir en les utilisant. Et en même temps, il n'est pas très doué de ses mains, Blaise. Il a plus de chance de se le planter dans l'oeil que de l'utiliser pour décapiter du zombie. Il soupire dans sa tête. La première fois qu'il avait vu un zombie par la fenêtre, Blaise avait juste dit « oh tiens, un zombie », comme si le monde extérieur n'était devenu sur l'instant qu'une vaste blague très peu tangible. Pierre avait hurlé de toutes ses forces et Max commençait déjà à barricader les fenêtres et les portes de l'appartement. C'est sans doute grâce à lui qu'ils sont tous sains et saufs d'ailleurs. Ils ont fini la dernière conserve hier. Il ne reste que des paquets de gâteaux et des flans au chocolat.
« Il serait temps de faire les courses. »
Blaise rit de sa propre blague, mais pas les autres qui le fixent avec un regard noir.
« Vous aurez beau me regarder comme ça, il faudra bien qu'on sorte un jour.
—On doit donc choisir entre mourir de faim et mourir en tant que repas, c'est quelque peu ironique.
—Qui te dit qu'on va mourir, Pierre ? Il est huit heures du mat, à cette heure là, ça dort un zombie. C'est comme un ado. »
Blaise s'inquiète moins de la nourriture que de ses hormones. Il en n'a pas autant chier pour avoir de la barbe et une voix grave pour que quelques zombies l'empêchent d'accéder à une pharmacie. Pour lui, dans le fond, le monde n'a pas tant changé que ça. C'est toujours la même guerre, sauf que l'ennemi a changé de forme. Il repense au nombre de fois où il comparait l'administration à des zombies et ça l'amuse. Toute cette ironie l'amuse.
« J'ai plus de cigarettes.
—Ah bah tu vois, Max, on va devoir faire les courses.
—On n'a pas assez vu dans les films quand les héros n'ont plus de clopes ou d'hormones ou de médocs dans les films survival.
—Et encore, imagine, j'aurais eu mes règles, cette catastrophe.
—On aurait laissé les zombies te massacrer, mon vieux.
—Vous êtes complètement cons tous les deux, c'est pas possible. »
Pierre, recroquevillé en boule sur lui-même dans un coin sombre de la pièce, larmoie cette phrase comme si c'était la dernière qu'il allait prononcer. Max se rapproche de lui avec assurance, l'embrasse tendrement.
« Ça va aller, Pierre, détends toi, on va s'en sortir.
—N'empêche qu'il faudra bien qu'on sorte, un de ces quatre.
—Blaise, n'en rajoute pas.
—Roh, ça va, c'est que des zombies, c'est pas futé, c'est même carrément stupide, je pense qu'avec un docteur en philosophie, un technicien informatique et un habitué de la haine gratuite et violente, on devrait pouvoir s'en tirer. À l'aise.
—Tous les autres sont morts, pourquoi on survivrait dehors ?
—Arrête de flipper, Pierre. Au pire on meurt. Au mieux on mange autre chose que des gâteaux secs et des flans au chocolat. L'un dans l'autre, mourir dévoré va plus vite que mourir de faim.
—Ah, bah super, Blaise, tu me l'as refait pleurer. Chéri, pleure pas. Allez, Pierre, il plaisante, oui, il plaisante. »
Blaise hausse les épaules. Ils ne sont pas prêts de sortir de cet appartement.
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COMMENT AIMENT LES GARÇONS
HorreurAu coeur d'une apocalypse, un couple de trois garçons, Blaise, Pierre et Max s'interrogent sur le sens de leur vie. Entre survie, lutte, amour et horreur, ils tentent de se débattre dans l'existence tout en protégeant leur amour les uns envers les a...