CHAPITRE 1 : Torn

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J'aime associer chaque chapitre à une chanson particulière. Celui-ci porte le nom de la chanson de Natalie Imbruglia, reprise par les 1D plusieurs fois d'ailleurs. 

LOUIS

Cela fait maintenant deux mois que je me suis séparé de Léa. Enfin, deux mois qu'elle m'a quitté comme on délaisse des chaussettes dépareillées. Elle m'a simplement dit : je ne t'aime plus. Alors que nous sommes ensemble depuis la fin de l'université, presque trois ans à s'aimer passionnément, un peu plus chaque jour. Peut-être que pour elle, c'était un peu moins chaque jour...

Pour en rajouter une couche, ma mère est tombée malade. Ce n'est pas une maladie grave, heureusement, mais une sérieuse grippe qui l'a beaucoup affaiblie. Du coup, j'ai dû poser un congé chez mon entreprise où je suis comptable, pour pouvoir prendre le premier train jusque New York et m'occuper de mes deux frères en bas âge. Mon père aurait pu s'en charger lui-même, mais il doit continuer d'écrire son prochain roman, et cela l'empêche de progresser. 

En bref, je ne vois pas ce qui pourrait rajouter à ma mauvaise humeur. En plus, il se permet de m'envoyer lui chercher de la nourriture à n'importe quelle heure de la journée, ou nuit parfois. Comme ce soir, à deux heures du matin. Il est entré dans le salon où j'ai posé bagages, a allumé la lumière du lustre juste au dessus de ma tête et m'a gentiment dit :

- J'ai besoin du dernier magazine Vogue, et d'un paquet de Doritos.

Sa grosse voix et la violente lumière m'a réveillé. Ma vie ne pourrait être pire que ça. C'est impossible. Et me voilà, en pyjama, en train de me promener dans les rues de New York jusque la supérette que je connais bien. C'est la seule du quartier à rester ouverte 24/7, ce qui m'arrange. J'y passe régulièrement, pour les caprices de mon père. Ce soir, le ciel gronde, comme mécontent, s'il savait à quel point je le suis actuellement. J'entre par la porte automatique et me dirige immédiatement vers le fond de la boutique où se trouvent les cochonneries que mon père adore. 

Cela ne fait qu'un mois que je suis ici, pourtant il me semble que cela fait une éternité. Ma mère passe ses journées couchées, faible comme jamais. Mes deux frères, eux, ne s'en soucient pas. Ils profitent de leur temps sans se faire gronder par elle. Et moi, je déprime sur le canapé toute la journée. Les souvenirs de Léa restent encrés. Son sourire me manque, ses mots rassurants, et à peu près tout à propos d'elle. Cette rupture est la plus dure que j'ai pu vivre. En même temps, trois ans à tout partager avec elle pour finalement me faire lâcher ainsi, je ne sais pas comment réagir, et ce, même après deux mois de silence.

Elle a déménagé de chez nous le soir-même, après m'avoir lancé au visage qu'elle ne m'aimait plus, qu'elle ne voulait pas passer sa vie à vivre avec un comptable minable qui n'est pas capable de l'assumer. La moitié de ce qu'elle a dit n'était pas clair. Elle criait, le visage rouge, une veine sur le front. Pourtant, je pensais que tout allait bien entre nous. On commençait à parler de mariage, d'enfants... Un coup de tonnerre me permet de réaliser que je suis bloqué devant les revues. Le magazine dans la main et le paquet de chips contre les côtes, je m'avance désormais vers la seule caisse du commerce, tenue par un jeune homme de mon âge.

- Bonsoir, me dit-il d'une voix basse, un peu cassée.

Je réponds à sa politesse et pose mes articles sur le tapis noir. Un autre coup de tonnerre retentit, me faisant un peu sursauter tant il est puissant.

- Effrayé ? Se moque-t-il en passant les affaires devant le scan.

- Pas du moindre, répliqué-je en sortant le billet, que m'a donné papa, de ma poche.

Le ciel gronde, puis le sol, ce qui nous fait tous les deux perdre un peu l'équilibre. Les lumières des spots lumineux blancs vacillent avant de s'éteindre. On se retrouve plongés dans le noir, car dehors, la rue s'éteint peu à peu. Un silence pesant s'installe, laissant le ciel continuer ses rugissements. Je tourne la tête vers le vendeur qui est figé.

- Alors, effrayé ? Dis-je.

Il lève les yeux aux ciel, ceux-ci éclairés par la pâle lueur de la lune passant à travers les nuages sombres. Il se lève, faisant tinter un trousseau de clefs accroché à son jean. Le jeune homme est un peu plus grand que moi, il contourne la caisse et se rend jusque l'arrière de la boutique en pestant. Muni d'une lampe de poche qu'il a prise dans un rayon, il cherche à rallumer le disjoncteur, tout en pestant à mi-voix. Je tâte les poches de mon jogging, évidemment, je n'ai pas pris mon portable.

- Fais chier, grogne le vendeur.

- Ce doit être une panne générale, la rue est complètement éteinte, dis-je en m'approchant des portes vitrées qui ne s'ouvriront plus avant longtemps.

- Merci Sherlock, ajoute le vendeur en venant à côté de moi. Visiblement, on va passer la nuit ensemble. Il fait chier José. Le téléphone de secours se trouve dans la salle de repos, mais l'accès est par badge, donc impossible d'y aller.

Je soupire avec lui. Génial. Il porte son regard vers la rue qui est maintenant occupée par quelques types un peu louches. On se recule d'un même mouvement lorsqu'ils commencent à casser les vitrines d'un magasin de luxe, juste de l'autre côté de l'immense rue. Le vendeur trotte jusqu'une manette qu'il actionne, afin de descendre le rideau métallique pour protéger la vitre face à la rue. Il tourne la manivelle en poussant des petits soupirs, visiblement agacé. Je m'approche pour lui proposer mon aide, mais il refuse, me lançant :

- Trouve plutôt des bougies et un briquet pendant qu'il reste un peu de lumière.

Je me presse de faire cette tâche, trouvant des bougies d'anniversaire dans un des rayons. Il n'y a pas plus gros ou pratique. Alors je prends des pommes et plante ces quelques bougies dans celles-ci pour les faire tenir. Je les allume avec mon propre briquet, cela fera moins de perte pour le magasin. Quoique, il y aura déjà tous les produits réfrigérés et congelés à jeter. Le vendeur me rejoint, alors que je suis assis au sol pour plus de praticité.

- Pas con, commente-t-il en observant mon oeuvre. Il se rend vers les produits frais et se sert dans un paquet de glace. T'en veux ? 

- Non merci, dis-je en terminant de mettre toutes les bougies.

Nous ne sommes pas dans le noir complet mais cela reste assez chétif comme luminosité. Il s'assied à côté de moi, léchant sa glace à la vanille. Je pense alors à papa et maman qui vont sûrement angoisser à se demander où je me trouve. La ville va être sans dessus-dessous. Les voitures ne peuvent plus circuler vu que les feux sont morts. Les voyous vont en profiter pour piller ce qu'ils peuvent tant que les caméras de sécurité sont éteintes. Heureusement que j'étais ici et non dehors. Je soupire en m'adossant au mur, les yeux fermés.

- T'as l'air de plutôt bien gérer la situation, pour un dépressif, prononce le vendeur, froissant le papier glacé dans sa main.

- Pourquoi tu me qualifies de dépressif ? Soupiré-je. On ne s'connaît pas.

Celui-ci m'a vu deux fois et il se permet de critiquer mon état ? Déjà, je ne suis pas dépressif, j'ai juste une baisse de moral totalement justifiée. Et puis, quelqu'un de dépressif peut gérer cette situation, c'est sûr. Mon meilleur ami, Liam, est resté dans un état dépressif pendant très longtemps après des événements difficiles à surmonter, mais il aurait totalement géré d'être à ma place. En même temps, c'est le meilleur des hommes.

- Tu viens ici depuis un mois, presque tous les soirs, pour acheter des chips ou bonbons, habillé comme un clodo, explique le vendeur.

- Oh, non, c'est pas pour moi, dis-je, comprenant son raisonnement quoique hâtif, mais je suis en pyjama.

- C'est encore pire, se moque le jeune homme.

Je lève les yeux au ciel, triturant mes ongles. Il est assez agaçant, celui-ci. Pourtant, il n'avait pas l'air hautain toutes les fois où je suis venu ici.

- Toi aussi, tu gères assez bien, il sourit, pour un gosse débile.

- Oh, ça me blesse dans mon égo, il touche son torse comme s'il recevait une flèche en plein coeur.

- Tu n'as pas ton portable sur toi ? Demandé-je.

Il secoue la tête, avant de me montrer que celui-ci n'a plus de batterie. Je soupire. Je vais vraiment devoir rester ici pendant je-ne-sais-combien de temps. Quand je vous disais, au début de cet écrit, que ma vie ne pouvait être plus pénible, j'avais menti. 

Torn | L.S.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant