Petit à petit, je me dis qu'en fait, être dans la même classe qu'Ezel n'est pas une si bonne idée que ça. Impossible de me concentrer, soit je suis obnubilé par ce qu'il dit, soit c'est moi qui lui parle. Dans tous les cas, ni lui ni moi n'écoutons et travaillons. Je suis heureux d'être avec lui et en même temps, je crains mon avenir. Pour me rassurer, je me dis que c'est juste nos retrouvailles qui fait que nous n'arrêtons pas une seconde de papoter et que ça passera plus tard.
A midi, nous décidons de manger au macdo, pas très loin de notre fac, avec les amis d'Ezel : un couple hétérosexuelle et une fille, mais je ne souviens plus de leur prénom. Ezel et moi marchons plus vite que le reste et celui-ci entoure mes épaules de son bras. Je me crispe un quart de seconde avant de me détendre. Je finis même par oublier que nous sommes pratiquement collé l'un à l'autre et qu'il me parle à quelques centimètres. En revanche, j'écoute attentivement le son de son rire et je fais exprès de le taquiner pour l'entendre.
Je me sens tellement bien que j'ai peur de tout perdre. Je veux rester comme ça toute ma scolarité, lui et moi, riant et parlant sans cesse.
— On commande ensemble, dit-il une fois devant les bornes du fastfood.
Il n'a toujours pas retiré son bras de moi et on passe commande ensemble, alors que les autres sont sur des bornes différentes. Il me devance et entre sa carte bancaire pour payer.
— Mais...
— Tu me payeras un grec, sourit-il.
— Ok, demain on se fait un kebab, j'annonce avec entrain.
Il rit.
— C'est mignon, mais demain on mange pas ensemble.
Je fronce les sourcils, pourquoi ne veut-il pas manger avec moi ?
— Pourquoi ? Tu vas où ?
— Je mange de onze heures à midi et toi de midi à treize, m'informe-t-il.
— Pourquoi ?
— Tu fais Italien et moi espagnol, j'ai regardé quand t'as fait ta fiche.
Je fais la moue, déçu. Je pensais que nous avions les mêmes langues et qu'on allait passer absolument tout notre temps ensemble. Je sens sa main barbouiller mes cheveux.
— Eh, sois pas triste !
Gêné, je me rends compte, encore une fois, que mes expressions me trahissent et je fixe le sol.
— T'inquiète, je suis juste un peu déçu.
Il rigole et me serre contre lui une seconde.
— Trop mignon, lâche-t-il.
Je roule des yeux pour la forme et on part s'asseoir sur une table, côte côté, vite rejoint par ses amis. Autant j'ai apprécié ses potes du bar, autant ceux de la fac, je les trouve un peu ennuyant. Le couple passe son temps à s'embrasser et à se chuchoter des mots à l'oreille et la fille est aussi muette qu'une carpe.
Finalement, on passe le reste de la journée ensemble, juste à deux, puis, nous nous séparons en fin de journée pour rentrer chez nous. Je fais un détour sur le chemin pour aller à l'épicerie et prends quelques bouteilles d'alcool, de ce fait, j'ai une raison pour l'inviter chez moi la prochaine fois.
Je me prépare tranquillement à manger, tout en chantonnant la musique qui passe à la radio. Je suis de bonne humeur, je garde uniquement le fait que je sois avec Ezel, désormais. Je me demande tout ce que l'on pourrait faire ensemble. Des soirées, des sorties, des parcs d'attraction, même ! Je trépigne d'impatience.
Mon téléphone se met à vibrer par à coups, comme si je recevais plusieurs messages. Intrigué, je le déverrouille et voit que je suis dans une conversation de groupe. Je lis les pseudos et je souris en voyant tous mes amis du lycée, à qui je n'ai pas parlé depuis deux années. Mon sourire se fane rapidement en lisant les messages...
Jijigot vous a ajouté à la conversation.
Jijigot : bon retour bro', tu nous as manqué <3
Sachouu04 : Grave, je suis contente de te revoir !
Greg169 : Vous êtes sérieux ? Le type ne nous a pas parlé depuis deux putains d'années et vous revenez vers lui comme si rien ne s'était passé, alors qu'on s'est fait du soucis pour lui ? Je me casse.
Greg169 a quitté la conversation.
ArthurLocie : désolé Naé mais Greg a raison...
ArthurLocie a quitté la conversation.
Les larmes me montent aux yeux. A quoi je m'attendais ? C'est totalement compréhensible, ce genre de réaction. Je n'en veux pas à Greg ni à Arthur d'être en colère contre moi, j'ai été un vrai con, en les bannissant de ma vie du jour au lendemain. Je ne peux pas revenir vers eux et reprendre là où on s'était arrêté.
Jijigot : Je suis désolé Naé, je pensais pas qu'ils réagiraient ainsi... On avait reparlé de toi il n'y a pas longtemps et ils ont affirmé vouloir te reparler car tu manquais au groupe. Ils sont juste un peu énervé mais ça leur passera, t'en fais pas !
Naénaé : Tu n'as pas à t'excuser, c'était gentil de ta part de vouloir m'inclure de nouveau dans la bande après ce que j'ai fait. Et je comprends aussi totalement leur réaction et je ne leur en veux pas du tout ! Ils ont raison, j'ai été un salaud de vous avoir snober comme ça pour mes études...
Jijigot : va leur parler, j'ai vraiment envie de te revoir et de passer de nouveau du temps tout ensemble :(
Attendri par ses mots, je décide de cliquer sur le profil de Greg. Je suis nerveux à l'idée de lui envoyer un message, il a toujours été le plus sanguin du groupe et quand il était en colère, il ne faisait pas semblant. Je prends mon courage à deux mains et commence à lui rédiger mon message d'excuse.
Naénaé : Hey Greg... Je sais pas vraiment quoi te dire, à part que je suis tellement, tellement désolé. J'étais obnubilé par le fait d'avoir mon diplôme en médecine et je me disais que pour ça, je devais faire des sacrifices... Ce qui, maintenant que j'y repense, est complètement bête. Vous m'avez tous énormément manqués, je te promets, alors je te demande le pardon et j'espère que tu pourrais me pardonner pour ça, même si je sais que ça prendra du temps...
Je m'arrête là, je ne veux pas non plus faire un monologue de dix pages. Je vais attendre qu'il me réponde pour engager la discussion. Je repose mon téléphone sur la table et me sers à manger.
Toute la soirée, je patiente pour obtenir une réponse et je commence à me demander si un jour, il compte me répondre... J'ai envie de pleurer à cette idée. C'est trop cruel, de me dire que je leur ai parlé juste deux secondes et que je ne pourrais plus. Car je sais que Sacha et Jistone ne voudront pas me parler si les autres ne veulent pas. De plus, je souhaite reparler à tout le monde, même Greg. Il a toujours été là pour moi, il agissait comme un grand-frère protecteur et je sais ô combien il m'appréciait.
Démoralisé, je m'enroule dans ma couette et cache mon visage sous celle-ci, espérant recevoir un message en me levant.
VOUS LISEZ
Hey !
Short StoryNaé entame sa première année en faculté de langues. Il est psychologiquement épuisé et socialement inactif, dû à ses deux années précédentes en médecine. Il pense passer une nouvelle année à charbonner et à ne côtoyer personne, quand il croit reconn...