2. Dénonciation.

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Jasper avait un amoureux, un amoureux secret, un amoureux qu'il aimait embrasser en cachette. La nuit quand ils étaient l'un chez l'autre et que tout le monde dormait. Le jour quand ils arrivaient à être seuls. Un amoureux dont il tenait la main sous la table. Un amoureux avec qui il échangeait des regards magiques où ils se parlaient avec les yeux. C'était simple, ça les rendait heureux, ils n'avaient pas besoin de plus, ni d'autre chose. Ils pensaient que c'était très bien comme ça et ils ignoraient que quiconque puisse penser que ce qu'il faisait était mal, ou sale, ou pire. Ils n'imaginaient pas qu'on pouvait abimer ce qu'il se passait entre eux, qu'on pouvait le noircir, le réduire à quelque chose de dégoûtant, quelque chose qui faisait grimacer, crier, pleurer.

Ils avaient l'innocence de penser que tout irait bien même quand leur secret serait découvert. Ils se trompaient.

Cette fois-là, ils s'étaient planqués derrière le collège, avaient regardé autour d'eux pour s'assurer qu'il n'y avait personne, puis ils se rapprochèrent et leurs lèvres se touchèrent. Ils appuyèrent comme ils le faisaient chaque fois. Ils appuyèrent en fermant les yeux. En se tenant dans les bras l'un de l'autre. Puis ils se reculèrent, se sourirent, respirèrent fort et Jasper souffla à Monty :

- J'ai envie d'essayer qu'on s'embrasse comme les adultes.

- Comment ?

- Je sais pas trop. Mais on peut essayer ?

Monty haussa les épaules. Ils ne savaient pas quoi faire, ils ne savaient pas tout à fait comment les plus grands s'embrassaient, ni si ça changeait quelque chose. Ils appuyèrent leurs lèvres l'une contre l'autre. Et puis Jasper bougea sa bouche. C'était bizarre, c'était vraiment super bizarre. Ils éclatèrent de rire tous les deux en se reculant. Mais essayèrent à nouveau. Monty attrapa les lèvres de Jasper entre ses lèvres. C'était étrange, mais pas désagréable. C'était surtout très maladroit, le pire baiser du monde, le plus marrant aussi. Ils se reculèrent et recommencèrent à rire, avant de le refaire. Ils étaient trop dans leur monde pour voir qu'ils n'étaient plus seuls, que deux yeux les observaient avec colère. C'est quand ils se reculèrent pour la troisième fois qu'ils virent Harper.

Parce que c'était elle qui venait de les découvrir, et pas Maya qui collait pourtant Jasper partout.

- Vous êtes des amoureux, marmonna-t-elle.

Qu'est-ce qu'ils auraient pu dire ? Elle avait tout vu. Jasper et Monty hochèrent donc simplement la tête. Elle cracha à leurs pieds, puis s'enfuit avant qu'ils aient pu dire quoi que ce soit. La nouvelle fit le tour du collège en un rien de temps, c'était comme un feu de forêt, une seule étincelle avait tout embrasé. Comme ils n'avaient plus de secret, ils ne voyaient plus de raison de se cacher, Jasper et Monty se tinrent donc la main devant tout le monde. C'était bien aussi comme ça, ils se disaient que maintenant ils pourraient s'embrasser quand ils le voulaient, ils ne voyaient pas le problème. Il n'y avait d'ailleurs pas de problème. N'est-ce pas ?

Tout paru normal au début. Comme d'habitude. Maya avait l'air peut-être un peu triste et n'avait plus voulu approcher Jasper, Harper faisait la tête dans son coin, mais à part ça, Jasper et Monty ne virent pas vraiment de différence. Pas le premier jour en tout cas. Ils rentrèrent chez eux, sans rien dire à leurs parents qui ignoraient encore tout de la nouvelle. Ni Jasper, ni Monty, ne voyaient l'intérêt de faire un grand discours à leur famille pour expliquer qu'ils étaient amoureux. Ils l'apprendraient quand ils l'apprendraient, comme les autres, par hasard, ça ne dérangeait pas les deux garçons.

Le lendemain, les choses commencèrent à s'envenimer. Ils entendirent rire quelqu'un, et un élève de troisième gueula « pédés », d'autres reprirent en écho « pédés, tafioles, tapettes ». Jasper et Monty comprenaient ces mots, ils les avaient déjà entendus, ça et bien d'autres insultes et gros mots, ils savaient ce qu'ils voulaient dire, mais ils n'avaient jamais imaginé que qui que ce soit les utiliserait contre eux. Leurs doigts se serrèrent un peu plus fort alors qu'ils passaient à travers les moqueries et les insultes. Ce n'était rien, juste des adolescents cons, qu'est-ce que ça pouvait leur faire ?

Trop jeuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant