L'ampoule fixée au plafond de la pièce clignota pendant une poignée de secondes, puis finit par se stabiliser. Je retirai mon doigt de l'interrupteur et m'asseyais en tailleur sur ma chaise de bureau.
Une migraine commençait déjà à tambouriner l'intérieur de mon crâne.
Je regardai pendant un moment autour de moi. Il était dix-sept heures et quelques minutes, tout le monde avait déjà quitté le service et aucune permanence n'avait visiblement été mise en place. Je soufflai. J'allais encore devoir m'occuper de formalités, alors que des centaines d'individus attendaient qu'on leur réponde.
Le voyant vert du répondeur était allumé. Et comme chaque fois, personne n'avait pu décrocher. Comment pouvions-nous prétendre aider les infortunés qui nous appelaient, si aucun bénévole se trouvait de l'autre côté du combiné ?
Attrapant furieusement le boîtier téléphonique, je le glissai devant moi et fis défiler la liste des messages qui avaient été laissés. Nous ne pouvions savoir si nous connaissions les individus qui avaient voulu nous contacter, tout était masqué, mais des petits numéros en exposant permettaient de savoir le nombre de tentatives d'appels émis.
— Elle a été acceptée !
Interrompu dans mes reproches silencieux, je me tournai vers la voix familière qui venait de me faire sursauter.
Léonie avait passé sa petite tête au travers de l'ouverture de porte, ses fossettes creusées m'indiquèrent que son moral était au beau fixe. Elle possédait une bonne humeur quotidienne et communicative.
Sans avoir à changer de position, sa mine enjouée et son visage avenant me tirèrent un sourire.
— Qui a été acceptée ?
La jeune femme se redressa sur le seuil et me fit une grimace.
— Madame Renard ! se moqua-t-elle.
— Non ? Pour de vrai ?
— Si, si. Je t'assure !
Réanimé par une aussi bonne nouvelle, je me levai précipitamment pour la prendre dans mes bras. Riant aux éclats, enjouée de cette réussite qui venait d'arriver, Léonie ne me lâchait plus. Elle était simplement heureuse d'avoir encore pu venir en aide à quelqu'un.
C'était tout ce qui lui importait, à elle aussi. Son poste assigné était celui de démarcher des entreprises ayant les capacités pour embaucher un infortuné.
Un élan de tendresse qui lui collait à la peau. Elle représentait la douceur incarnée, le rayon de soleil que toute personne sur cette Terre voudrait avoir croisé durant son existence.
— Vous allez fêter ça maintenant, j'espère !
— Après que le contrat soit signé, oui, répondit-elle avec entrain. J'espère simplement que le job lui plaira.
Je me reculai de son étreinte et caressai amicalement ses épaules. Son sweat rouge cotonneux — dont l'imprimé usé était à l'effigie de sa licence de lettres — se plissa sous l'infime pression de mes doigts.
— Tu as fait le nécessaire, la rassurai-je.
— Je sais bien ça... Mais j'ai vraiment envie qu'elle puisse retrouver sa vie.
— Comme nous tous, ici. Et elle la retrouvera, je te l'assure.
Mon amie baissa alors la tête. Je suivis son mouvement pour rester face à elle et fis défiler son visage devant mes yeux.
Des petites gouttelettes salines perlèrent dans le coin de son œil droit. Une sensation de tristesse qui reflétait toute la pression accumulée durant ce dossier. Qui n'était en réalité qu'un cas parmi tant d'autres.
Elle craignait certainement que sa protégée ne puisse supporter l'angoisse du monde du travail, qu'elle finisse par craquer, réduisant à néant tous les efforts qu'elle avait pu faire pour l'aider. Des efforts considérables qui s'ajoutaient chaque jour à nos propres activités. Bien que nous adorerions vivre de cela, le bénévolat ne suffisait pas. Il n'était qu'un petit service primordial que nous voulions rendre.
— Elle s'en sortira. Grâce à toi.
Un rire muet s'échappa de ses lèvres. Le regard plongé dans le mien pendant un instant, elle finit par déposer une main sur ma tête avant de me décoiffer.
Elle avait des yeux bleus perçants. Ses longs cheveux bruns tombant en boucles sur les épaules, me semblaient être le plus bel atout qu'elle possédait. C'était une femme incroyable. Se tournant vers la porte, je l'accompagnai jusqu'à la sortie qui donnait sur un petit couloir. Léonie m'offrit généreusement un sourire que je lui rendis.
D'un pas assuré, elle me tourna le dos et s'enfonça dans le corridor où elle croisa monsieur Paul, qui la salua d'un bref mouvement de tête. Il venait vers moi.
Avant qu'il n'arrive à mon niveau, j'entrai à nouveau dans la pièce où je m'étais installé quelques minutes avant. Je ne le supportais pas. C'était un homme foncièrement mauvais, vulgaire, prétentieux et complètement étriqué d'esprit.
Tout l'inverse des valeurs défendues par le service qu'il prétendait gérer.
— Comment vas-tu, Oscar ?
Je lui répondis simplement d'un geste de tête suivi d'un mouvement de la bouche.
— Je ne sais pas si tu as eu le temps de voir, mais il y a des messages qu'on n'a pas encore eu le temps de gérer ?
— J'ai vu, affirmai-je froidement.
— Oh, très bien. Si tu restes jusqu'à ce soir, ce serait gentil de ta part que tu puisses t'en occuper avant que Jonathan ne prenne la relève.
— Oui, je le ferai.
Mon expression crispée trahit naturellement mon mécontentement. Il le vit. Mais aucun son ne sortit à nouveau de sa bouche. Monsieur Paul savait sinon que des reproches allaient apparaître. Depuis mes deux ans dans l'association, de nombreuses choses s'étaient accumulées contre lui, il était ce genre de personnalité avec laquelle j'étais incapable de garder mon sang froid. Nos discours semblaient bien trop éloignés pour que l'on puisse maintenir, ensemble, un semblant de discussion.
Il était le stéréotype du machiste et du misogyne. Hier encore, je l'entendais parler de son épouse comme « sa bonne femme ». Des propos grotesques qui n'arrangeait nullement son manque de crédibilité !
Sèchement, je me réinstallai devant mon bureau. Je crus pendant un court instant qu'il ne me remercierait pas.
J'espérais qu'il ne dise rien, presque, afin d'avoir une nouvelle chose à lui mettre sur le dos.
~~~
J'espère que vous aurez aimé cette petite mise-en-bouche sur ce milieu caritatif, avec l'arrivée de 2 personnages. Qui préférez-vous ?
Twitter : clement_ch4plin
Instagram : clem.fht
![](https://img.wattpad.com/cover/189700928-288-k971252.jpg)
VOUS LISEZ
Carrés Blancs [SOUS CONTRAT D'EDITION]
RomanceOscar le sait, il deviendra aveugle avant la fin de l'année. Généreux et dévoué à sa cause, il s'investit chaque jour à la tâche qu'il s'est confié : être l'oreille attentive pour les personnes à la rue qui appellent son numéro. Jusqu'au jour où, lo...