Obscurité

2 0 0
                                    


Je commence à reprendre connaissance. La brume se disperse peu à peu et la douleur refait surface avec la force d'une vague qui vous frappe de plein fouet. Tous les membres de mon corps me font souffrir le martyre et une plainte déchire le silence. 

J'ai les yeux fermés, mais suis tellement fatiguée que même l'effort d'essayer de battre des paupières m'est impossible. Je suis paralysée par le flot de souffrance qui me parcourt.

Je sens que je suis allongée, sur un sol très dur et froid. J'aimerais me rappeler où je suis et ce qui met arrivé, mais ma tête m'élance et me donne une migraine atroce. Elle créé un bourdonnement incessant qui m'entrave l'esprit et m'empêche de réfléchir.

Je sens une odeur de renfermé et d'humidité. Avec la douleur, une vague de froid parcoure sans prévenir mon corps. Je respire doucement, de peur que mes poumons n'explosent littéralement, et prie pour être libérée de ma souffrance physique. J'ai mal à la gorge. Comme si j'étais déshydratée.

J'essaye à nouveau d'ouvrir les yeux, mais même mes cils me semblent peser une tonne! Je suis prisonnière de mon propre corps! Piégée et bloquée au sol, comme une infirme.

Je devrais peut-être me reposer. Et après, je retenterai d'ouvrir les yeux et découvrirai ce qu'il mettait arrivé. Mais... Je suis si vulnérable dans cet état... Et si quelqu'un s'en prenait à moi pendant mon sommeil ? Je ne pourrais même pas me défendre! La panique enserre mon cœur et ma gorge, ce qui amplifie la douleur. Un gémissement résonne. La bonne nouvelle, c'est que ma douleur m'a permis d'avancer dans mon enquête : le bruit résonne et m'indique que je suis dans une pièce, assez petite à ce qui parait. Dans une pièce froide, sans parquet. Peut-être en pierre alors?

J'ordonne à mes doigts de palper le sol. Même avec un grand effort, ils ne bougent seulement de quelques millimètres, mais la matière rêche et déformée me confirme que je suis bien sur des pierres.

Cette énigme à moitié résolue, mon effort me revient de plein fouet et le noir se fait.



Je ne sais combien de temps s'est déroulé depuis que j'ai perdu connaissance la toute première fois, mais mon corps est encore plus endolorit. La douleur vient certainement à cause du fait que je ne bouge pas... Il faudrait que je me lève.

Et si je n'y arrivais plus? Que ferais-je alors? Resterais-je clouée au sol à jamais? Mourrais-je sans pouvoir même verser une larme parce que l'énorme fatigue que j'éprouve s'appuie sur moi sans relâche? Comment ce fait-il que je me sente aussi vidée d'énergie d'ailleurs? Que m'arrivait-il à la fin?!

Je tente de crier toute ma rage et mon impuissance, mais je n'arrive qu'à faire sortir un grondement. Cette faiblesse m'épuise...

Ma gorge est encore plus sèche qu'avant et mes paupières semblent être collées. Peut-être ne pourrais-je plus jamais ouvrir mes yeux, voir la lumière, la beauté qu'il peut y avoir dans ce monde... Ne plus jamais voir des lèvres s'étirer dans un sourire complice, ne plus jamais voir la lueur de malice dans les yeux des gens, ne plus voir les marques de tendresse...

Peut-être suis-je aveugle? Oh, non! Pas ça... Tout, mais pas ça!

Cette pensée m'angoisse tellement que mon souffle se coince et mon cœur bombarde ma poitrine. Je lutte maintenant pour respirer à nouveau correctement. Je m'efforce de chasser cette idée de ma tête et à prolonger mes inspirations. Je me calme enfin.

Au lieu de me faire paniquer, il vaudrait mieux essayer d'ouvrir les yeux! Je concentre toutes mes maigres forces sur mes paupières.

Ouvrez-vous! Ouvrez-vous!

Mais ça ne donne rien... Je me repose un peu puis fais un deuxième essaie. Elles ne veulent toujours pas bouger...

Est-ce qu'on me les a cousus?! Ce serait... Macabre et horrible! Oh, mon dieu! Pas ça!

Je retente avec toute ma volonté. Soudain, je sens mes yeux s'ouvrir et balayer la pièce du regard. Le soulagement de ne pas me savoir aveugle me donne une boule dans la gorge. Par contre, je ne parviens pas à bouger ma tête. Et il n'y a aucune lumière. Je suis plongée dans le noir total, dans une obscurité tellement sombre et tellement absolue que j'ai l'impression que rien n'existe, que tout a été dévoré par ce monstre de la nuit. Peut-être suis-je dans une pièce au sous-sol, ou bien il fait si noir dehors que c'est pour cela que je ne peux rien voir. Mais n'y aurait-il pas eu un éclat de lune? Même infime?

Je me dis qu'au lieu de m'inquiéter pour sûrement rien, je ferais mieux de bouger. Mes doigts fonctionnent et mes orteils aussi. Seulement... Mes chevilles restent figées, ainsi que mes poignets et mon cou. Je prends une grande inspiration et force pour m'asseoir, mais c'est comme si mon cerveau était déconnecté du reste de mon corps : il pense, mais rien ne lui obéit.

Je suis paralysée! Oh, mon dieu! Je vais mourir! Si je ne peux pas bouger, je ne peux pas me nourrir! Ni partir d'ici! Et mes membres vont s'atrophier et tomberont! Oh, mon dieu...

Le pire, c'est de ne pas savoir. D'être dans l'ignorance la plus totale de ce qu'il pourrait, de ce qu'il va m'arriver.

Suis-je emprisonnée? De mon corps, certainement, mais mon corps serait-il retenu en captivité ?! Et par qui ??

Si mon corps pouvait bouger, il tremblerait comme une feuille. Sauf que si j'avais été capable de me mouvoir, je serais déjà partie en courant! Même en rampant, cela me conviendrait parfaitement!

Alors j'attends... Et j'attends encore. Les secondes raisonnent dans tout mon être et passent si lentement! J'ai l'impression qu'elles s'éternisent, et il n'y a toujours aucun signe d'un rayon de soleil apparent. Rien ne brise la noirceur qui m'entoure, qui m'englobe et me pénètre jusqu'au plus profond de mon âme.

Je suis gelée. Je claquerais des dents si ma mâchoire n'était pas pétrifiée elle aussi. Mais je le sens, le froid. Il m'agresse et me pique de toutes parts, telles milles aiguilles. Il emplit de son halène glacial mes poumons, et se répand partout en moi.

Peut-être que si je dormais la nuit passerait plus vite, que le froid se ferait moins sentir?

Alors je ferme les yeux. C'est ironique: et dire qu'auparavant, je rêvais de les rouvrir au moins une dernière fois, que je paniquais à l'idée d'être aveugle alors que là, je panique de ne voir plus que l'obscurité.

Je respire profondément malgré l'air qui semble me brûler, puis le sommeil me tombe dessus et je sombre dans les bras de Morphée.



Je me réveille en sursaut, mes yeux s'ouvrant d'un coup. Un bruit, j'avais entendu un bruit! Je voudrais hurler que j'étais là, qu'on me vienne en aide, mais il ne m'échappe qu'un malheureux glapissement. Pitoyable... Alors je fais le plus de bruits possibles, me vidant peu à peu de mes maigres forces acquises par le repos. Puis je remarque que la nuit m'entoure toujours.

N'y a-t-il donc jamais de lumière ici?!

Ce serait peut-être même pire que d'être aveugle... Au moins, aveugle, tu ne sais pas que tu es condamné à ne jamais plus être éblouis, ne plus être éclairé, rassuré par le soleil. Là, je pourrais enfin savoir où je me trouve! Grâce au soleil, je pourrais peut-être comprendre pourquoi je ne bouge plus!

Mes pensées sont stoppées par des pas... qui se rapprochent! Mon cœur s'emballe. La peur me prend en même temps que l'espoir. Les deux émotions se combattent et je ne sais laquelle choisir. Je reste méfiante, bien qu'être sur mes gardes ne pourra pas empêcher quelqu'un de me planter un couteau en pleine poitrine, à m'écarteler ou à m'arracher tous les membres un par un!

Il faudrait que j'arrête de penser au pire... Je vais m'attirer des malheurs à force d'être si pessimiste! Mais comment ne pas l'être alors que je suis perdue, que je ne vois absolument rien, et que je ne peux ni parler, ni bouger?!

Soudain, la personne est toute proche. Je n'entends plus que sa respiration. Elle s'est arrêtée! Je retiens mon souffle en fixant l'endroit où un grincement métallique résonne. Une porte s'ouvre. 

La personne entre...

L'ÂmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant