1. Agoraphobie

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La fille mosaïque

1. Agoraphobie

Vivre constamment dans la crainte, tel était son lot. Se lever, juste pour obéir à l'éthique, devoir sortir dans cette foule grouillante tout en cherchant à passer inaperçue.

 Monique avait toujours été agoraphobe, mais cela devenait chaque jour un peu plus dur. Plus dur de sortir pour travailler, faire ses courses ou autre.

Sa phobie la tenait à l'écart.

Lui l'avait comprise, lui l'avait aimée. Du moins pendant un temps. La phobie gagne toujours, elle l'avait appris à ses dépens. Il l'avait abandonnée.

Malgré tous les progrès qu'ils avaient faits ensemble, malgré tous les efforts qu'elle avait fournis.

Monique se prit la tête entre les mains. Elle se prit la tête entre les mains et pleura.

Elle aurait souhaité de faire porter pâle aujourd'hui et rester ici, mais si elle craquait maintenant, elle ne ressortirait plus jamais.

Se préparer lui fut laborieux. Elle retardait l'inévitable. Elle ne voulait pas que cette myriade d'yeux se pose sur elle. Elle craignait ces regards impudiques. Elle ne voulait pas que ces corps se pressent contre elle sous les influences de la foule. Elle craignait leur imprévisibilité. Elle ne voulait pas rencontrer ses collègues. Elle craignait leurs jugements.

Vint le moment fatidique : ouvrir la porte, le dernier rempart qui la protégeait encore du monde extérieur.

Elle respira un bon coup et se lança. Sa main moite sur la poignée glissait, mais elle raffermit sa prise.

Sa voisine, la jeune Marie, sortit exactement en même temps de chez elle. Les deux voisines de palier se saluèrent de la tête et se dirigèrent ensemble vers l'ascenseur.

Monique aurait préféré que cette jeune fille ne soit pas là. Mais elle se força à admettre l'évidence : il fallait bien que cela arrive.

Elle vit la jeune Marie mettre un écouteur dans une oreille, celle opposée à Monique. Monique avait appris par son psy que cela voulait dire "Je suis disponible à vous écouter, mais ne vous sentez pas obligée de tenir la conversation.". Malgré tout, elle se sentait mal à l'aise.

Marie était une jeune fille plutôt agréable à regarder. Ce n'était pas un canon, elle n'attirait pas obligatoirement le regard, mais qui savait la regarder pouvait trouver de quoi charmer plus d'un. Même sa cicatrice le long de sa pommette avait du charme. À côté d'elle, Monique se sentait vieille et lourde. Pas qu'elle eut beaucoup plus de poids que cette fameuse Marie (quelques kilos peut-être mais pas plus), elle se sentait moins légère, moins gracieuse. Alors que Marie assumait ce qu'elle était, Monique était poussée par son instinct à se terrer au fond de son trou.

Quand elle poussa la porte de l'immeuble, son cœur se serra : ça-y-est, elle se jetait dans la fosse aux requins. Elle sortait travailler.

La fille mosaïqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant