La nuit avait bien commencé, et Louise parvenait même à dormir véritablement pour la première fois depuis des jours. Cependant, alors que minuit n'était pas encore passé, elle s'éveilla en sursaut, avec comme une douleur dans la poitrine. Une énergie nouvelle la fit se lever et sortir en trombe de sa maison. Il lui semblait qu'un besoin irrépressible de voir quelqu'un la prenait, comme une obsession, tandis que la douleur avait disparu. Sur la place du village, illuminée seulement par la lune, une silhouette se détacha. Louise entendit une respiration saccadée, comme si l'autre personne était également sortie de chez elle, prise par la même pulsion. La jeune femme s'approcha sans prudence, dévorée du seul désir de voir cette autre personne, et le visage de Myriam finit par se distinguer malgré le peu de lumière.
Cette dernière semblait également perdue et en proie à de profonds tourments, cependant quand leurs regards se croisèrent et sans qu'elles prennent une seconde à comprendre le pourquoi du comment, elle s'enlacèrent immédiatement avant de s'embrasser. Elles restèrent ainsi de longues minutes, l'une contre l'autre, sans comprendre d'où venait l'amour si puissant qui les avait unies. Myriam finit par chuchoter doucement dans le creux de l'oreille de Louise :
«Dis...je...je ne comprends pas vraiment ce qui arrive mais... ça te dirais qu'on en parle demain, à tête reposée, calmement ?»
Louise acquiesça, aussi perdue que Myriam, et elles s'embrassèrent une dernière fois avant de rentrer chacune dans sa maison. Cependant, la jeune femme ne parvint pas à trouver le sommeil, tentant de percer à jour le secret de cette pulsion si soudaine. Elle entendit soudainement un cris déchirant qui la fit de lever une nouvelle fois et elle regarda discrètement par la fenêtre, se demandant qui avait pu crier de la sorte et surtout, qu'est-ce qui avait bien pu être à l'origine de ce cris. Cependant, dehors, le calme était déjà revenu et elle ne vit rien. Elle retourna se coucher, inquiète, et ne trouva le sommeil que quelques heures avant l'aurore.
Le matin, elle sortit de bonne heure et alla sur la place de Thiercelieux, fatiguée mais impatiente de revoir Myriam. Cette dernière arriva quelques minutes après, alors que personne d'autre encore ne s'était levé, et elles fondirent dans les bras l'une de l'autre. Louise finit par briser le silence :
«Myriam... Pourquoi c'est arrivé ?
- Je ne sais pas, j'y ai réfléchi sans rien trouver. Toi aussi non ? Tu as quand même réussi à dormir ?
- Un petit peu. Et... tu as aussi entendu ce cris ?
- Non malheureusement. Tu as vu quelque chose ?
- Non je... je... Myriam, comment tu sais que j'ai essayé de voir et que je ne suis pas juste restée couchée ?
- Oh... rien, j'ai demandé comme ça.»
Louise la regarda sans comprendre et quand les premières personnes commencèrent à arriver, elles prirent une légère distance l'une avec l'autre pour éviter d'exciter les ragots dans ce village parfois trop conservateur. Louise constata en fronçant légèrement les sourcils que Maria était seule, sans la compagnie habituelle de Jacques, et alla la voir avant de demander :
«Bonjour Maria, Jacques n'est pas là ?
- Oh bonjour Louise. Non... on s'est un peu disputé hier soir, je pense qu'il le fait la tête. Mais ça va ? Tu as l'air fatiguée.
- Oui je...»
Louise décida de ne parler d'aucun événement de la nuit, encore trop peu sûre d'elle»
«...J'ai mal dormi. Insomnies.
- Alalah, ma pauvre. Bon courage.»
Louise la remercia et retourna s'assoir à côté de Myriam. Alors que la journée avançait, un cris déchirant brisa le silence de la fin de matinée. Il venait de la maison de Jacques. Le village y courut et trouva Maria, à l'extérieur, extrêmement pâle. Elle ne put prononcer un mot, et le Maire Edmond suivit de Franck entrèrent avant de ressortir rapidement, d'un air dégoûté et apeuré. Personne ne put entrer et Edmond dit en tentant de se contenir :
«Habitants de Thiercelieux, j'ai le regret de vous annoncer que... que Jacques est mort. Et...les blessures sur son corps indiquent une attaque sauvage.»
Alors que chacun réagissait, Edmond demanda à Maria :
«Comment l'avez vous trouvé ?
- Je... on s'était disputé hier et il n'est pas venu ce matin, alors j'ai voulu faire la paix et en arrivant j'ai trouvé la porte fracturée et... et Jacques...»
Elle ne termina pas sa phrase. Madame Irma dit immédiatement d'un ton ferme :
«Si la porte a été fracturée, ça ne peut pas être un animal. Et surtout si Jacques a de simples blessures sur lui, ce n'est donc pas l'oeuvre d'une créature voulant se nourrir. Le coupable appartient au village.»
Chacun eut un mouvement de recul soudain et observa son voisin avec un mélange de crainte et de colère. Edmond les dirigea vers la place où les neuf se mirent en cercle et il commença à parler :
«Si quelqu'un a un indice sur le coupable, qu'il le donne immédiatement. Une telle atrocité ne mérite pas de châtiment plus doux que la mort.»
Un silence lourd tomba sur l'assemblée encore sous le choc, et Maria parvint à dire entre deux sanglots :
«Louise. C'est elle.»
Un frisson d'horreur parcourut la colonne vertébrale de l'accusée, avant qu'elle ne s'indigne :
«Moi ?! Mais enfin, pourquoi ?»
Myriam affirma immédiatement :
«Je fait une totale confiance à Louise.»
Maria continua devant le village horrifié :
«Elle n'a pas dormi cette nuit, étrangement quand Jacques meurt.»
Louise ouvrit de grands yeux :
«Je suis insomniaque depuis des années et vous le savez.»
Madame Irma renchérit :
«En revanche Maria, je trouve que vous accusez bien vite, en plus de vous être disputée avec Jacques hier !»
Le Maire hocha gravement la tête et dit soudainement :
«Mesdames et messieurs, nous allons devoir voter. Choisissez la personne que vous pensez coupable.»
Maria pointa immédiatement Louise du doigt, immitée par Franck. Le reste du village, indécis, finit par se décider après de longues minutes de réflexion. Helga puis Edmond pointèrent Maria, Joris pointa Louise, et les quatre restants pointèrent Maria. Le résultat était de six contre Maria pour trois contre Louise. Maria cria son indignation mais fut emmenée de force à la potence par madame Irma et Bertrand. Edmond fit un court discours et après une brève supplication, Maria fut pendue. Les habitants du village, sous le choc, rentrèrent chez eux. Myriam resta chez Louise de longues heures et les deux jeunes femmes tentèrent de s'aider mutuellement à aller mieux et à tenter d'oublier l'horrible journée qui venait de s'écouler. Ce ne fut qu'à la nuit tombée que Myriam rentra chez elle, laissant malheureusement Louise avec ses insomnies.
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Les loups garous de Thiercelieux [terminé]
Hombres LoboDans un petit village perdu, une malédiction apparaît et transforme chaque nuit trois personnes en bêtes assoiffées de sang. Ce roman est une adaptation d'une vraie partie du jeu de société éponyme en version écrite et romancée, bonne lecture ! TW...