Warland

Cahor

La petite ville de Cahor était bien calme en ce dimanche d'hiver 1944. Alice et Hannah avaient été envoyées chercher le pain ce matin là, emmitouflées dans leurs nombreuses couches de vêtements. Les deux jeunes filles étaient maintenant comme deux sœurs, riant à gorges déployées et le bruit de leurs talonnettes qui résonnait. La boulangère, Mme Normand, offrait toujours un peu plus de pain aux fillettes, qui attendriraient même un gardien de prison avec leurs yeux enchanteurs. Puis elles rentrèrent, comme tous les jeudis matin pour vite se réchauffer au coin du feu où Hannah lisait une histoire à Alice. Alice pensait que rien au monde ne vaudrait jamais ces moments. Elle en oubliait presque son autre vie, celle de petite fille pauvre. Celle de petite fille destinée à l'usine. Alice croyait aux miracles et au prince charmant. Celui qui nous prend sur son cheval blanc. En tous cas, elle savait que cette famille était un miracle. Des anges venus pour rendre sa vie un peu meilleure. Voire BIEN meilleure.
Le 3 juillet 1946, cette fois encore, Alice et Hannah rentraient de la boulangerie mais en entrant dans le salon, l'ambiance était bien différente. Marjolaine et Charles, les yeux rouges, attendaient les deux petites filles avec un air dévasté.
- « Hannah, veux-tu monter dans ta chambre s'il te plaît, nous devons parler à Alice. »
Hannah partit en jetant un coup d'œil à la petite brune paniquée.
-« qu'y a-t-il? Vous avez pleuré? Que se passe-t-il ? »
Marjolaine s'accroupit et prit les mains d'Alice avec tendresse
- « tu vas retourner auprès de ta mère et ton frère, chez toi »
-« Alors là c'est hors de question, c'est ici chez moi et je veux finir ma vie avec vous. »
-« mais ma chérie ça n'est pas possible, tu dois retrouver ta mère biologique! »
-« pourquoi toujours tout résoudre avec la science et la biologie? Je préfère ma mère de cœur à ma mère « biologique », ce n'est pas explicable, pas raisonnable, pas normal, mais si
il y a bien quelque chose d'illogique, d'insensé, c'est l'amour. Moi je vous aime et je ne veut pas d'explication scientifique, de pourquoi du comment je devrais être contente de retrouver ma mère, qui elle n'a jamais été et ne sera jamais heureuse de me retrouver. » Alice monta, furieuse, les escaliers sous les regards ébahis du couple.
Une heure après, Marjolaine monta dans la chambre d'Alice.
-« le taxi arrive dans une heure. Prépare toi. » dit-elle d'un ton sec
-« je vois ce que tu essayes de faire, tu essayes d'être désagréable pour que je sois moins triste de partir. Ça ne marche pas. Mais ne t'en fais pas je vais faire mon sac et je vais partir. »
-«  bien. »
Lorsqu'Alice descendit les escaliers, sa valise à la main, Hannah lui sauta dans les bras et éclata en sanglots. Alice la repoussa et partit sans un mot, simplement un regard.

Eh oui, c'est la fin de la partie 1... avez vous aimé?