Le Conteur

Paris

Le chaos s'était brusquement répandu partout dans la ville de Paris qui était devenue du jour au lendemain un véritable parc d'attraction. Chaque jour, des milliers de nouveaux touristes arrivaient en ville en masse avec l'espoir de découvrir ce que le réserverait la cité enchantée qu'elle était devenue. Certains en repartaient heureux d'avoir pu explorer ce nouveau territoire, y découvrant trésors et merveilles, alors que d'autres cherchaient encore la sortie de ce labyrinthe. Si tous les journaux télévisés et les journalistes avaient les yeux rivées sur la capitale française, aucun d'eux n'osait envoyer de reporters pour témoigner de ce phénomène étrange. Tout le monde préférait attendre que les correspondants vivant à l'intérieur de cette immense cours de récréation ne fassent un point sur la situation. Sauf que certains jours, les nouvelles ne venaient pas et l'on croyait la ville tombée et perdue à tout jamais dans les bras du mal et de l'oubli.

Tout le monde savait que Papillon était derrière tout ça, et qu'un nouvel akumatisé traînait dans les rues de Paris. La population attendait patiemment l'arrivée de leur Héros, Ladybug et Chat Noir. Cependant, il n'arrivèrent jamais le premier jour, ni le deuxième... La super-héroïne à l'emblème de la coccinelle avait tout simplement disparu et Chat Noir était lui aussi introuvable.

Chaque jour, Paris se réveillait avec un nouvel habit, une nouvelle identité. Certaines fois, Paris se changeait en ville du futur et on pouvait apercevoir des voitures volantes dans le ciel. Le lendemain, Paris se réveillait sous les lianes, perdue au milieu d'une forêt tropicale où les grandes avenues s'étaient transformées en cours d'eau et la Tour Montparnasse en immense cascade.

Les parisiens étaient à la fois fascinés, subjugués et effrayés par les merveilles nouvelles qui les entouraient chaque jour et ils ne savaient jamais à quoi s'attendre pour le jour suivant. Certains s'endormaient la peur au ventre, tandis que d'autres étaient impatients d'accueillir une nouvelle journée qui les propulserait dans l'inconnu. Un matin, les habitants de la capitale s'étaient réveillés, transformés en créatures des mers baignant au milieu d'un Paris océanique, et le lendemain, tout était redevenu normal pour eux, excepté le fait que toute forme de technologie avait disparu dans la ville. Les rues étaient devenues dangereuses, non pas parce que des monstres y traînaient, mais parce qu'on n'était jamais sûr de retrouver son chemin. Paris était devenu un vrai labyrinthe que seul le Conteur connaissait comme sa poche.

Quand un citadin avait le malheur de le croiser sa route, le Conteur lui réécrivait son histoire, tantôt pour le meilleur, tantôt pour le pire, suivant son humeur du moment.

Le Conteur s'amusait. Il faisait et défaisait les destins des uns et des autres : brisait des couples, créait des aventures à ceux qui en demandaient, offrait des cadeaux aux enfants perdus et martyrisaient les truands qui rôdaient dans le rues la nuit. Il était devenu le Dieu de Paris. Celui qui choisissait.

Certains et certaines avaient bien tenté de l'arrêter, en vain. Des alliés de Ladybug s'étaient présentés devant lui et avait failli le mettre à terre : Queen Bee, Rena Rouge, Carapace, Vipérion... Mais rien n'y fit. Leurs pouvoirs s'étaient retournés contre eux. Et une partie du Conteur, jaloux de tous ces alliés qui avaient le droit d'être super-héros, faisait disparaître les miraculous une fois le combat terminé. Ça l'amusait vraiment de ridiculiser ses adversaires.

_ Si je ne peux pas être à ses côtés, alors personne ne le pourra !

Et il riait de son rire le plus démoniaque, alors que son autre partie essayait de le raisonner.

_ S'il te plaît, calme-toi ! On n'est pas obligés de faire ça.

_ Bien sûr que si, c'est extrêmement amusant ! Qui sera le prochain ? Jubilait-t-il.

_ Pourquoi ne fais-tu pas disparaître tous les Miraculous d'un coup si tu ne veux qu'aucun d'eux ne soit près de Ladybug ? Demandait l'autre.

_ Parce que c'est plus amusant de les écraser un par un ! Je veux qu'ils voient qu'ils ne méritent pas leurs pouvoirs. Conclut-il machiavéliquement.

Ladybug étant absente, il était impossible pour tous ses alliés de faire plier le genou à cet akumatisé. Seule l'héroïne à l'emblème de la coccinelle serait assez forte pour en venir à bout. Le Conteur avait prouvé sa puissance et sa supériorité.

Même si le Conteur n'était pas un être foncièrement mauvais, ni effrayant aux premiers abords, les habitants de la ville de Paris s'en méfiait comme de la peste. S'il semblait sain d'esprit et exauçait les vœux des gens dans sa grande mansuétude, de temps en temps, on pouvait l'observer se parler à lui-même et complètement perdre la raison. À chaque phrase, le curieux personnage changeait de visage, d'expression, d'attitude. Il devenait presque une autre personne.

_ On ne peut pas faire ça ! Commençait-il calmement, presque angoissé par sa propre personne.

_ Bien sûr que si on le peut ! On a le pouvoir ! Semblait-il se rappeler en plein moment d'exaltation.

Et aussitôt, il changeait d'attitude pour redevenir plus calme avant de s'énerver subitement et de s'en prendre à lui-même, faisant fi du monde autour de lui. Quand cela arrivait, c'était signe d'orage noir et de pluies diluviennes qui emporteraient tout sur leur passage. Il fallait donc se mettre à l'abri au plus vite, sous peine de subir de plein fouet le courroux de leur geôlier.

Parfois, la nuit, quand tout semblait calme et que la lune brillait sur la capitale merveilleuse, si on tendait l'oreille, on pouvait entendre cette voix nasillarde et criarde hurler tel un fou sur les toits de Paris.

"Je l'aime, mais je t'aime aussi. Tu m'aimes, mais est-ce qu'elle m'aime ? Je veux qu'elle aime, mais je veux que tu m'aimes aussi, parce que moi je t'aime ? Tu m'aimes ? Moi aussi je m'aime... Regarde-moi ! Regarde-moi ! Je suis là ! Je suis là moi aussi !"

Et le temps passait, passait et tous les jours Paris changeait au gré des humeurs et des idées du Conteur. Certains avaient trouvé des trésors cachés, d'autres restaient enfermés chez eux, de peur de s'égarer ou de se retrouver confronté au super-vilain tout puissant. Tous priaient pour que Ladybug et Chat Noir arrivent un jour afin qu'ils les délivrent du mal et que tout redeviennent comme avant.