Recueil de One-Shot

Souvenirs

-Je vous couvre Jack, avancez.

La femme arma son fusil de précision en vitesse. Une, deux puis trois balles éliminèrent presque instantanément les trois terroristes qui barraient le passage au groupe d'otages qu'ils étaient venus secourir. Mais il en restait encore, pas le droit à l'erreur, sinon sa famille et ceux qu'elle aime périraient.

Elle rechargea son sniper biotique avec la rapidité d'un oiseau de proie pour se remettre en position de tir. De la fenêtre où elle était embusquée toute la zone lui apparaissait clairement, le moindre ennemi n'échappait pas à son regard acéré. Elle savait avec exactitude sur qui tirer, à quel moment, dans quel angle pour que la brise ne la fasse pas rater sa cible. Tout pour sa famille, tout. Mais une pensée coupable la tiraillait, pourtant elle tirait.

L'égyptienne replaça une mèche de cheveux de jais derrière son oreille, s'essuya le front du dos de la main. En contrebas le commandant Morrison menait son groupe de soldat à l'abri, les otages avaient été secourus et seraient bientôt en sécurité. Ils retrouveraient leurs familles, leurs amis et la mission d'Overwatch ici sera terminée. Alors pourquoi elle gardait un goût amer de cette expédition? Pourquoi est-ce qu'elle avait l'impression d'être aussi sale que le pire des criminels? Pourquoi est-ce que son esprit lui hurlait son horreur alors qu'elle venait de sauver des dizaines de vies?

Elle savait parfaitement pourquoi. Ces soldats qu'elle avait abattu, ils avaient aussi des familles et des amis qui attendaient leur retour, qui les aimaient plus que tout. Elle venait purement et simplement de tuer le bonheur de nombreuses personnes pour sauver celui d'autres. Quel bien et quelle justice y avait-il dans cet acte? Aucun et la culpabilité l'accapara, comme depuis quelques semaines maintenant, après chaque mission.

Elle s'assit contre le mur fissuré de sa cachette, le fusil sur les genoux et chercha à retrouver sa concentration, à garder cette culpabilité loin dans son esprit pour le moment, les vies de ses proches n'étaient pas encore en sécurité. Peu à peu une image s'imposa d'elle-même dans la tête de l'égyptienne: cinq silhouettes lumineuses dont une seule appartenait à une jeune femme blonde aux yeux azur et souriante, une autre plus petite que tous étaient leur ingénieur en chef, un suédois au fort caractère. Les deux se tenant bras-dessus bras-dessous n'étaient autre que ses deux supérieurs et meilleurs amis, deux américains pourtant opposés autant par l'apparence que par le caractère. Et la dernière qui dominait les autres de sa taille imposante et pourtant chaleureuse, le grand croisé allemand borgne, il les entourait tous de ses bras, toute sa famille réunie. La snipeuse sourit avec tendresse tout en se maudissant d'agir comme une adolescente à trop se laisser distraire de la sorte.

-Nous sommes bientôt arrivés Ana, tu vas pouvoir nous rejoindre, annonça la voix du commandant dans son oreillette, la ramenant à la réalité.

-Bien reçu, je suis en chemin.

Puis une détonation, suivie d'une deuxième résonnèrent dans son tympan. Jack hurla des ordres qu'elle ne parvint pas à distinguer au milieu des cris de panique et des ripostes des soldats d'Overwatch. Elle avait parfaitement compris qu'un tireur embusqué s'était caché dans les parages pour les arrêter.

-J'y vais, mets tout le monde à l'abri, s'exclama la capitaine Amari en courant à la fenêtre pour chercher le tireur.

-Non c'est trop risqué! Viens te mettre à l'abri avec nous c'est un ord...

Elle coupa la communication pour se concentrer sur sa cible. Rien, pas l'éclat d'un canon métallique, aucun indice sur sa cachette malgré son oeil bionique scrutant le moindre interstice des bâtiments l'entourant. Elle compris qu'elle n'aurait pas le droit à l'erreur quand un fragment du mur juste à sa droite vola en éclats lorsqu'une balle le percuta.

« Un sniper, et il a trahi sa position. »

Et se leva dans un bond et sauta presque à l'étage supérieur. Elle se remit en position de tir, droit vers le casque qu'elle apercevait maintenant entre les murs d'un vieil immeuble. Ils comptaient tous sur elle, jamais elle ne les laisserait mourir tant qu'elle aurait la force de se battre.

La balle partit, aussi rapide qu'une fusée et brisa net le casque du sniper embusqué.

« Merde, leurs protections sont vraiment un calvaire à percer... »

Elle arma de suite un nouveau tir vers la partie découverte du visage adversaire. Toute émotion l'avait quitté, ne restaient que l'extrême concentration et la férocité vaillante.

Mais tout s'écroula.

Une queue de cheval bleutée, un visage doux aux traits sévères et aux yeux jaunes perçants, Amélie Lacroix lui faisait face. Cette presque enfant qu'elle avait elle-même initié à l'art du fusil de précision et qu'elle croyait morte depuis ce qui lui semblait une éternité lui faisait face, crispée de rage. Tout s'écroula autour d'elle et cette seconde d'inattention lui coûta cher.

Elle n'entendit pas les voix de Jack et Reinhardt lui hurler de s'échapper. Elle était toujours en position de tir et compris trop tard sa vulnérabilité.

Fatale erreur.

Ana sombra.