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Je me souviens encore bien de ce jour-là. Nous étions toutes debout, à l'arrière d'une voiture qui avançait lentement en tenant de se frayer un chemin à travers la foule. On voyait défiler les regards d'inconnus qui nous jugeaient. Et parfois même des connaissances : des voisins, des collègues, des amis. Ils étaient tous là dans la rue.

Je me souviens de ces cris et de ces insultes qui fusaient à tout va. De cet engouement qu'avait cette foule criant justice, personne n'aurait pu arrêter ça. On aurait dit une révolution. Nous étions tétanisées, de peur de se faire emporter par cette multitude de personnes qui voulait notre peau.

Je me souviens de Marie qui se tenait à mes côtés, elle me serrait la main fortement car la peur la submergeait. Je pouvais même sentir ses ongles s'enfoncer dans ma peau tellement elle était pétrifiée. Quelques minutes plus tôt, on avait essayé de lui arracher ses vêtements. Et mon amie avait encore sur son joli visage les traces de coups et de fruits pourris qu'on nous avait lancés, se mêlant ainsi à des larmes qui commençaient à couler. Une souffrance qui réjouissait d'avantage la foule qui nous humiliait.

Je me souviens notamment de cette nouvelle sensation qui m'envahissait. Je sentais l'air frais caresser ma nuque et mon crâne nu pour la première fois depuis longtemps. Un court moment où je fis le vide, je n'entendais même plus le vacarme de la foule agitée. Je compris à cet instant que nous vivions un jour important. Important pour le pays, important pour l'Histoire. Même si je n'avais rien fait contre ma patrie, j'étais considérée comme une traitre. Ces gens auraient donné plus de respect à un chien qu'à c'est filles et moi-même. Nous étions des parias, des « salopes » comme ils disaient. Et ils nous le faisaient payer en nous brisant à vie.

Nous deux, c'est tout.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant