Entends-tu le chant du soleil ?

IV

Le trajet est d'un silence lourd, je ne sais pas quoi dire, il ne sait pas m'entendre comme je l'aurais voulu. Nous marchons alors doucement, pendant que je me surprends à laisser mon regard voyager sur sa chevelure qui se soulevait lorsque le vent les rencontrait, ou cette tête haute qu'il ajustait lorsqu'il marchait. Il a l'air serin. Mais il n'entend rien.

Je détourne le regard, brusqué par mes pensées. Je ne veux pas éprouver un quelconque jugement, je pense que ce doit être assez dur comme ça... Mais qu'est-ce que ça fait de ne pas être comme les autres ? Si je n'avais pas vu cette affiche, j'aurais agi naturellement avec lui. Qu'est-ce qui me bloque ? Cette différence ? Il ne devrait pourtant ne pas en avoir, si ?

Un soupire quitte mes lèvres en même temps que ce petit nuage qui différenciait la température de mon corps et celle de la ville. Je joue ainsi quelques instants de cette façon avant de sentir le regard de mon nouveau colocataire.

▬ Oui ?

Il me fait un signe négatif de la tête, son sourire prenant place sur ces lèvres si drôles à regarder. Tout chez lui était particulier, il ne semblait pas humain. Sa voix illuminait mon quotidien. Une sorte de soleil ?

▬ Je me disais que tu étais marrant, Taehyung.

Me voilà bien. Un sentiment confortable me prend, mais une légère gêne à son tour. Feignant l'indifférence, je ne fais que lui sourire. J'aimerais avoir le cran de le questionner, savoir pourquoi il avait rejoint le bâtiment, pourquoi à cette période, mais je n'ose pas, je suis bloqué.

▬ Tu n'a pas cours, n'est-ce pas ? Vint-il à ajouter, me forçant à m'arrêter dans ma marche.

Je baisse doucement la tête avant de la relever. Je ne suis pas sûr de moi pour ce coup-ci, mais qui ne tente rien n'a rien, non ? Son regard me glace le sang, pourtant, il est doux. Je ne comprends pas pourquoi ce garçon me fait tant d'effet ? Son handicap ? Je suis cruel.

▬ Non. Je voulais répéter.

Le voilà surpris, inclinant la tête sur le côté pendant que son regard me demandait la suite. Je reprends lentement :

▬ Si t'es dans la résidence, c'est que tu dois savoir ce que nous faisons avec les autres, non ?

▬ Vous chantez, c'est ça ?

Je hoche doucement la tête. Il semble avoir mordu à l'hameçon, mais j'ignore. Nous reprenons la marche tandis que nous échangions sur sa venue qui avait pris place lentement dans la discussion. Je découvris rapidement que Jimin avait été accepté dans cette école à la sortie de son séjour à l'hôpital. Je ne demande pas d'autres détails. J'explique alors à mon tour comment la résidence s'est vite transformée en colocation à 5 uniquement, bien que 6 à présent. Namjoon en est le propriétaire après avoir récupéré l'héritage d'un de ses parents proches. Et très vite, il l'eu changé en un lieu plus accueillant. Au début, plusieurs étudiants louaient des chambres, mais l'équilibre n'était pas là. Alors rapidement, Namjoon avait décidé de n'y faire loger que les membres de son groupe underground, et nous voilà tout réuni. Cependant, il n'y avait que Seokjin qui semblait au courant de sa venue... Alors que pouvait-il nous réserver ?

▬ Et toi ?

Son regard rencontre doucement le mien. Il me sourit. Son sourire est triste, je le suis aussi sans savoir pourquoi.

▬ J'aimerai bien, mais je ne peux pas, ce n'est pas correcte. Enfin... Tu as entendu, ce matin ?

Je comprends doucement sa gêne de ce matin, son regard me fuit doucement pendant que nous nous arrêtions dans un café. Je lui avais proposé de lui payer la collation, autant faire connaissance si nous avions du temps à perdre.

Une fois installé, nos boissons commandées, je reprenais la discussion.

▬ Tu peux pas ? Mais tu chantes super bien ? Qu'est-ce que tu racontes ?

Avais-je soufflé en arquant un sourcil, perdu comme jamais je ne l'avais été. Me voilà plus que surpris. Il ne se rendait pas compte de la puissance de sa voix ? Une légère touche d'énervement me prenait. Un talent si vite gâché.

Jimin n'ose plus parler. Nous attrapons nos boissons une fois qu'elles nous furent servit et, en ce silence que je n'aimais guère, nous buvions seuls dans nos pensées.

Lui, son regard s'était posé sur l'extérieur pendant que le mien s'était ancré sur sa personne.

Je ne le connais pas bien, mais je peux savoir d'un regard ses styles musicaux, à sa carrure, je constate qu'il est également sportif. Bien entendu, je pouvais remarquer les racines de ses cheveux qui sont doucement négligées. Sa peau à l'air douce, elle est parfaitement hydratée. Ce n'est qu'un étudiant, mais je sais qu'il s'habille bien et prend soin de ses affaires. Son maquillage est très léger, discret, mais présent. Il a des joues que j'aimerais bien toucher, et s'il rigole, ses yeux se ferment. J'analyse doucement chaque mimique, et je le trouve de plus en plus intéressant.

Ce Jimin, il m'intrigue. Nos regards se rencontrent à nouveau. Mais cette fois, je ne fuis pas et laisse nos regards se chercher, apprendre à se connaître mutuellement. J'ai l'impression de le connaître depuis des années, de me voir en lui, et je le sais, cette impression est toujours réciproque.

▬ Taehyung ?

Je ferme doucement les yeux à son appel, lui demandant d'un signe de tête de continuer. Je me concentrais à présent sur sa voix particulière. Elle n'est pas moche, au contraire. Je la trouve charmante.

▬ Personne ne t'a dis que tu avais une voix qui portes ? Reprend-il lorsque mes yeux apparaissaient à nouveau.

J'arque un sourcil. La voix qui porte ? Je sais que la mienne n'est pas bien aigue, elle frôle les ton graves, mais qui porte ?

▬ Jamais. Enfin, je n'ai pas peur de parler fort, pourquoi ?

▬ Comme ça. C'est juste...

Il semble s'arrêter. Ses petites lèvres s'étirent en un sourire que je ne connais pas encore. Il est pur, doux, à la frontière des portes du paradis, mais je ne comprends pas encore pourquoi. Son regard se baisse sur sa boisson, et reprend d'un air plus jouasse.

▬ Tu es la personne que j'entends le mieux depuis longtemps. Je n'ai pas besoin de te demander de répéter... Je ne sais pas pourquoi, mais c'est agréable de t'entendre.

Et c'est à cet instant que je comprenais la lourdeur de mon jugement.