Chapitre 6

12 1 0
                                    

Une fois dans sa chambre à l'auberge, Colibry s'assit sur le lit moelleux. Elle tenait dans ses mains les parchemins enroulés et scellés avec le cachet de cire à l'effigie de son ancienne guilde. Ses mains tremblaient un peu, à la fois de joie, de tristesse et de peur. La joie de pouvoir lire les mots de celui qui l'avait pris sous son aile et qui était devenu bien plus, la tristesse de savoir que ce seraient les derniers mots qu'elle lirait de lui, la peur de savoir ce qu'il pouvait lui dire sur ses quelques feuilles.
À l'extérieur, les premiers rayons du soleil perçaient à l'horizon et les piaillements des oiseaux commençaient doucement à se faire entendre.
Colibry décacheta les feuillets et à leur lecture des larmes silencieuses coulèrent le long de ses joues.

******

« Ma douce Colibry,

Alors que je suis au crépuscule de ma vie, mes derniers instants me portent vers toi. Toi qui, un jour de printemps, à pousser la porte de notre guilde et qui a changé à jamais nos vies... la mienne surtout, même si je n'ai jamais vraiment voulu le reconnaître.

Je me souviens encore de ce jour ; tu étais si jeune et insouciante, et pourtant déjà si déterminée. Tu ne cherchais pas la gloire, non, tu cherchais une famille. Et j'espère, du plus profond de mon cœur, que cette famille tu l'auras trouvé à nos côtés, à mes côtés...
Depuis ce jour, que de souvenirs...
Tu n'as cessé de m'étonner. Toi, fragile prêtresse pleine de douceur mais aussi farouche guerrière pour venir en aide à tes compagnons d'arme. Certes tes armes n'étaient pas faites de fer forgé mais de plantes et d'incantations magiques, mais quelle incroyable puissance tu as développé au cours de toutes ces années !
Ta générosité, ta sincérité, ton calme ont su dompter les plus farouches d'entre nous, dont moi le pire de tous, et ta bienveillance constante a guidé les décisions du Conseil. Tu as su nous tempérer d'une main de velours. Ta délicatesse n'avait pas d'égale. Ta beauté non plus d'ailleurs... du moins, pas à mes yeux.
Lorsque je me perdais dans tes prunelles azures, j'y voyais mon paradis, et c'est ton regard que je vois lorsque je ferme les yeux alors que je sens la vie me quitter peu à peu.

J'aurais dû te retenir ce matin d'hiver, alors que je tenais enfin tes mains dans les miennes, mais je voyais au fond de tes yeux que rien ne te ferait changer d'avis. Pas même moi.
J'aurais dû suivre tes pas, comme d'autres l'ont fait plus tard, mais surtout te retrouver où que tu sois.
J'aurais dû... mais je n'ai pas pu.

J'ai été trop faible, trop lâche.
Trop faible pour quitter cette guilde que j'avais mis si longtemps à construire et que je chérissais tant.
Trop faible pour risquer de tout perdre : mon rang, mes compagnons et amis, mais aussi et surtout peut-être toi car qu'en était-il de tes sentiments ? Que serais-je devenu si ce que j'espérais de toi n'était pas réciproque ? Comment m'aurais-tu alors regardé et considéré ? Je ne pouvais risquer de perdre ce lien si particulier entre nous.
Trop faible pour ne comprendre que maintenant, alors qu'il est trop tard, qu'à ne pas avoir agit j'ai tout perdu...

Je pars avec des souvenirs heureux, tous vécus en ta présence.
Comme j'ai aimé nos moments de solitude, lorsqu'après un Conseil, je prétextais relire tes notes pour rester auprès de toi, tandis que le feu crépitait ou que le soleil d'été illuminait tes traits fins, et que tu terminais de rédiger le compte-rendu.
Comme j'ai aimé découvrir ton « petit coin de paradis ». Ce rocher volant au-dessus du Trône des Éléments à Nagrand, duquel nous passions des jours entiers à admirer les vastes étendues sauvages, adossés au troc de l'unique arbre centenaire.
Comme j'ai aimé chevaucher à tes côtés, les claquements de sabots de nos talbuks étouffés par la neige du Norfendre ou le sable de Tanaris, car je pouvais alors entendre le souffle du vent dans tes cheveux virevoltants ou, en tendant bien l'oreille, le rire cristallin de ton cœur.
Comme je t'ai aimé...

Uisces »

Comme je t'ai aimé Où les histoires vivent. Découvrez maintenant