Celle

8

En arrivant, je m'empresse de sortir de la voiture quand je vois que c'est une espèce de crique, mais en plus grand que celle où j'ai l'habitude d'aller, et sur une falaise. 

"C'est magnifique" 

"T'as pas tout vu, attend" 

Elle sort de mon coffre un panier rempli de nourriture, ainsi que des couvertures : 

"J'ai mis ça dans ton coffre tout à l'heure quand on s'est arrêté" elle voit mon sourire quand je regarde la bouteille de champagne à l'intérieur du panier 

Nous marchons 10minutes avant de trouver un coin entre le soleil et l'ombre, assez plat pour s'installer. J'ai l'impression d'être dans le sud quand je vois que nous sommes si dépaysées, sans montagne, avec une faune très sèche et des falaises tout autour de nous. 

Je commence à rouler quand elle ouvre le champagne et que nous nous servons directement à la bouteille 

Après la moitié de la bouteille de champagne consommé, je me rend compte que je ne pourrais pas conduire dans cet état : 

"Je crois qu'il va falloir qu'on reste là pour la soirée, on dormira dans ma voiture"

Sam acquiesce et s'allonge à côté de moi, nous admirons les étoiles, je rompt enfin le silence : 

"Tu te rends compte de ces millions d'étoiles qui on déjà disparu alors que nous les voyons encore ?"

Elle me regarde 

"Pourquoi tu me regardes comme ça?"

"Parce qu'il faut que je te fasse boire du champagne plus souvent, si c'est là que tu t'ouvres à moi"

Je souris et fait mine de me taire, puis je continue : 

"Non mais nous sommes des milliers sur terre, comment est-ce possible que nous correspondons à une personne ? Comment le savons-nous ?"

"Au premier regard"

"Tu penses?" Je change de conversation pour éviter le sujet sur l'amour : 

 "Tu ne me parles jamais de toi"

"Parce que je n'ai pas l'habitude"

"Mais moi non plus je n'ai pas l'habitude, et pourtant je le fais"

"D'accord, tu veux savoir quoi?"

"D'où tu viens? Qu'est-ce que tu fais?" En réalité, j'avais envie d'en savoir beaucoup plus que ça, comme pourquoi est-elle là, avec moi, un soir de semaine, ou bien pourquoi ces yeux sont si perçants quand son regard se plante dans le mien, et pourquoi je n'arrive plus à bouger quand elle s'approche ? Mais je me contente de commencer par des choses qui ne la ferait pas fuir, et puis, je n'ai pas besoin de savoir ça, j'ai Tom, il me suffit. 

"Je viens de Nouvelle-Zelande, je suis né là-bas et je suis arrivé en France directement après. Mes parents sont ensembles, mais ils ne s'aiment pas. J'ai 23ans, je n'ai pas de boulot stable pour l'instant, et je suis fille unique."

"De nouvelle-zélande? Comment elle est la vie, la bas ?"

"Je n'en sais rien, mes parents ne m'ont jamais rien dit là dessus, je ne leur parle pas beaucoup tu sais"

Je décide de changer le tournant de la conversation, mais au milieu de la soirée elle revient sur un point : 

"Et sur des milliers de personnes sur terre, comment pouvons-nous rencontrer une personne quelque part, au milieu de la foule, et de savoir que c'est elle?"

Elle pose sa main sur la mienne, je ne bouge pas, elle monte ses doigts délicatement de ma hanche à ma joue, je lève les yeux vers elle, tout l'alcool redescend tout à coup par les émotions qui font surface, j'admire ses yeux, puis ses pommettes, je ne les avais jamais vus de si près. 

Nous nous regardons pendant quelques minutes, sans un mot, elle continue de me toucher les cheveux, avec douceur, que je vois cette fois dans son regard, tout à fait différent de la première fois ou je l'ai vue, et que son regard paraissait si sombre. 

Je m'approche d'elle, nos corps et nos lèvres ne sont qu'à quelques centimètres, mon intérieur est entrain de brûler face à cette femme qui me rend vulnérable. J'ai l'impression que je vais perdre mon ventre, je ne sens plus rien d'autres que les sensations de mon corps, la lune éclaire ses yeux, et son visage, j'entend une sonnerie au loin, qui se rapproche, je reviens à la réalité quand je me rend compte que c'est mon téléphone : 

TOM s'affiche sur mon écran, j'essaye de le cacher à Sam, mais elle a du le voir, je m'éloigne et décroche : 

"Joana, je t'ai encore laissé pleins de messages, Léo et Julia aussi, il y a une soirée ce soir et il ne faut surtout pas la louper !"

"Tom c'est gentil et j'aimerais venir mais je suis avec Sam, et j'ai déjà beaucoup bu"

"T'es où? Je viens te chercher"

"Tom je..."

"Joana, où es-tu?"

"A deux heures d'ici"

"Mais t'es folle! Et tes parents? Et les autres? Tu ne penses pas qu'on s'inquiétait?"

"Calme toi je suis avec Sam, tout va bien"

"C'est qui Sam?"

"L'amie de Léna, bref, je t'expliquerai"

"OK. Donc je dis à tout le monde que tu ne viendras pas ce soir. Mais préviens-moi demain quand tu arrives, je te jure que j'essaye de garder mon calme parce que je sais que je dois faire des efforts pour toi. Prend soin de toi, si ça ne va pas tu m'appelles et si tu veux on se voit demain et on fait un resto, Je t'aime, mon coeur"

Je raccroche, envahie par les remords. Les mots "efforts"; "je t'aime"; "mon coeur" résonnent dans ma tête. Il n'a jamais été comme ça, qu'est-ce qui lui prend ? Avec Tom on ne s'est jamais donné de surnoms, et encore moins dit je t'aime. On le sait mais on a pas besoin de le montrer. 

j'étais à deux doigts d'embrasser une femme que je connais à peine et qui n'est même pas de mon bord, ainsi que de briser 3ans de relation. Qu'est-ce que je suis entrain de faire ? Je crois que j'ai beaucoup trop bu et que je ne contrôle plus vraiment les choses à cet instant, Il faut que je parte d'ici.