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MANOLA OBSERVAIT RUDY avec un amusement plus que certain : le cobaye de sa Théorie du Prisme ne parvenait pas à contenir ses mains dont les extrémités fourrageaient son iroquoise flamboyante avec une espèce de lueur incandescente dans le fond des ...

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MANOLA OBSERVAIT RUDY avec un amusement plus que certain : le cobaye de sa Théorie du Prisme ne parvenait pas à contenir ses mains dont les extrémités fourrageaient son iroquoise flamboyante avec une espèce de lueur incandescente dans le fond des yeux. Son regard était comme toujours d'une telle expressivité que leur échange – principalement armé de silences cotonneux jusqu'ici – réussissait pour l'instant à se passer de mots ou de gestes. C'était incroyablement reposant. Et son regard, plus déchaîné d'émotions qu'un océan en pleine tempête ! Mano lui trouvait un éclat timide, ravivé de cette hardie franche et aberrante propres à certains jeunes enfants : en fait, Rudy avait quelque chose de profondément touchant de par la spontanéité avec laquelle s'exprimait ses yeux.

— J'avais jamais fait de couleur, dit-il en entortillant une boucle grenat autour de son index. 

L'air songeur, il la libéra, l'observa se tendre et se détendre avant qu'elle ne rebondisse contre son front à la façon d'un ressort – le tout sous le regard espiègle de Manola.

— T'as l'air d'une allumette, ricana-t-elle, avant de préciser : mais une allumette stylée.

Rudy lui céda sa place ainsi qu'un rire sur le trottoir qui rapetissait et se terminait sur la chaussée, à une intersection. À gauche, un chemin boursouflé de gravillons empruntait un itinéraire sinueux pour subitement bifurquer dans un virage en épingle encadré de trois grands tournesols. À leur droite, le bitume s'éternisait quant à lui aux côtés d'un muret décrépit et grignoté par une astronomique quantité de chiendent. L'ensemble se préparait à accueillir un crépuscule nuageux.

— Inspirée ? demanda Rudy, l'ombre d'un sourire suspendu aux lèvres.

Manola n'attendit pas longtemps avant de se propulser d'un bond athlétique jusqu'au passage piéton défraîchi qui les mènerait aux grandes plantes ensoleillées et à la destination incertaine.

— On avance à l'aveuglette depuis le début de notre périple alors j'me dis : pourquoi s'arrêter en si bon chemin, bordel de bon sang de bois ?

Les lèvres de Rudy se retroussèrent dans un sourire si large qu'il semblait presque fendre son visage de bonheur en deux. La vulgarité de Manola lui semblait souvent exagérée, à l'image de quelqu'un ne parvenant pas à donner à ses mots l'impact des émotions qui l'ébranlaient. Ces émotions qui pourtant lui retournaient les entrailles, embrasaient chacun de ses sens. Parfois au point d'en faire luire le gouffre de ses iris toujours plus sombres qu'une nuit sans lune. Rudy admirait Mano pour le cri que semblait toujours vouloir hurler ses yeux plutôt que ses lèvres.

— Ne pas savoir où on va donne aussi son charme au voyage, conclut-elle en l'invitant d'un geste à le rejoindre.

Ce qu'il fit d'ailleurs aussitôt, pour ne bientôt plus laisser derrière lui que l'ombre d'un doute que les tournesols se chargeraient d'écarter de leurs grandes pétales illuminées.











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⏰ Dernière mise à jour : Jul 29, 2019 ⏰

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