Chapitre 3

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Il était dix heures du matin quand il s'éveilla le lendemain et il fut bien surpris de trouver un habit fort propre qui remplaçait le sien qui était tout gâté.

« Assurément, pensa-t-il, ce palais appartient à une bonne fée qui a eu pitié de ma situation. »

Il regarda par la fenêtre et ne vit plus de neige, mais des berceaux de fleurs qui enchantaient la vue. Il entra dans la grande salle où il avait soupé la veille et vit une petite table où il y avait délicieux petit déjeuné.

« Je vous remercie, madame la fée, dit-il tout haut, d'avoir eu la bonté de penser à mon déjeuner. »

Le vieille homme, après qu'il eu finit son petit déjeuner, sortit pour aller chercher son cheval. Le chemin qui menait aux écuries avait changé, il y vit un petit jardin de roses rouges comme le sang, d'une grande beauté. Il pensa à Lucy et cueilli la plus délicate, la plus rouge et la plus belle des roses.

À cet instant il entendit un hurlement de douleur et de rage, Makarof se retourna et vit venir à lui une énorme Bête ressemblant à un dragon, rose, et si horrible, avec ses griffes et ses dents pointues et ses imposantes ailes qu'il fut tout près de s'évanouir.

«- Comment osez-vous ? Comment osez-vous voler mes roses ? Gronda le Dragon, Je vous ai sauver la vie et en échange vous me voler ! Vous le paierez de votre vie: préparez vous à mourir !»
Le marchand se jeta à genoux et implora le Dragon, en joignant les mains :
« - Je vous en supplie, pardonnez-moi s'il vous plait. Je voulais seulement cueillir une rose pour ma fille. Je ne voulais pas vous faire du mal Monseigneur.
– Ne m'appelle point Monseigneur, je suis un dragon, répondit le monstre, mon nom est la Bête. A la place de ta vie je pendrais celle de ta fille. Je t'accorde un jour ainsi que des cadeaux pour tes filles et un coffre de joyaux, je te le transmettrais. Maintenant pars ! »

Makarof n'avait pas dessein de sacrifier une de ses filles à ce vilain monstre ; mais il pensa :
« Du moins j'aurai le plaisir de les embrasser encore une fois. S'il faut que je meure, j'aurai la consolation de laisser du pain à mes pauvres enfants.»
Il jura donc de revenir, et le Dragon lui dit qu'il pourrait partir quand il voudrait.

Son cheval prit de lui-même une des routes de la forêt et, en peu d'heures, le vieille homme arriva à la chaumière. Ses enfants se rassemblèrent autour de lui ; mais, au lieu d'être sensible à leurs caresses, le marchand se mit à pleurer en les regardant. Il tenait à la main la rose qu'il apportait à la cadette ; il la lui donna et lui dit:

« Lucy, prenez ces roses ! Elles coûtent bien cher à votre malheureux père. »

Et, tout de suite, il raconta à sa famille la funeste aventure qui lui était arrivée. À ce récit, ses deux aînées jetèrent de grands cris, et dirent des injures à la cadette, qui ne pleurait point.

« Voyez ce que produit l'orgueil de cette petite créature, disaient-elles. Que ne demandait-elle des vêtements et des bijoux comme nous : mais non, mademoiselle voulait se distinguer ! Elle va causer la mort de notre père, et elle ne pleure pas.
- Cela serait fort inutile, reprit Lucy, pourquoi pleurerais-je la mort de mon père ? Il ne périra point. Puisque père a cueilli cette rose pour moi, c'est donc à moi d'aller trouver la Bête.
– Non, ma sœur, lui dirent ses trois frères, vous ne mourrez pas : nous irons trouver ce monstre, nous périrons sous ses coups si nous ne pouvons le tuer.
– Ne l'espérez pas, mes enfants ! leur dit le marchand. La puissance de la Bête est si grande qu'il ne me reste aucune espérance de la faire périr. Je suis charmé du bon cœur de ma fille, mais je ne veux pas l'exposer à la mort. Je suis vieux, il ne me reste que peu de temps à vivre ; ainsi je ne perdrai que quelques années de vie que je ne regrette qu'à cause de vous, mes chers enfants.
– Je vous assure, mon père, dit Lucy, que vous n'irez pas à ce palais sans moi : vous ne pouvez m'empêcher de vous suivre. Quoique je sois jeune, je ne suis pas fort attachée à la vie et j'aime mieux être dévorée par ce monstre que de mourir du chagrin que me donnerait votre perte. »

On eut beau dire, Lucy voulut absolument partir pour le beau palais, et ses sœurs en étaient charmées parce que les vertus de cette cadette leur avaient inspiré beaucoup de jalousie.

Makarof était si occupé de la douleur de perdre sa fille qu'il ne pensait pas au coffre qu'il avait rempli joyau ; mais aussitôt qu'il se fut enfermé dans sa chambre pour se coucher, il fut bien étonné de le trouver au pied de son lit. Il résolut de ne point dire à ses enfants qu'il était devenu riche, parce que ses filles auraient voulu retourner à la ville et qu'il était résolu de mourir dans cette campagne, mais il confia ce secret à la cadette qui lui apprit qu'il était venu quelques gentilshommes pendant son absence, qu'il y en avait deux qui aimaient ses sœurs. Elle pria son père de les marier ; car Lucy était si bonne qu'elle les aimait et leur pardonnait de tout son cœur le mal qu'elles lui avaient fait.

Ces méchantes filles se frottèrent les yeux avec un oignon pour pleurer lorsque Lucy partit avec son père ; mais ses frères pleuraient tout de bon aussi bien que leur père. Il n'y avait que Lucy qui ne pleurait point parce qu'elle ne voulait pas augmenter leur douleur. Le cheval prit la route du palais et, sur le soir, ils l'aperçurent illuminé comme la première fois. Le cheval alla tout seul à l'écurie et le vieille homme entra avec sa fille dans la grande salle où ils trouvèrent une table magnifiquement servie, avec deux couverts. Le marchand n'avait pas le cœur de manger, mais Lucy, s'efforçant de paraître tranquille, se mit à la table et le servit.

Puis là Bête entra: monstrueuse, énorme et rose, elle ne parlait, elle grognait d'une voix rauque.

« - Soyez la bienvenue dit le Dragon. »

La Belle et le DragonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant