Le boomerang

13 0 0
                                    

    Cette fichue première année de médecine est enfin finie, et du coup, me revoilà! J'ai concocté quelques petites choses pendant ces mois de calvaire, le besoin d'écrire revenant systématiquement quand je cherchais à m'en débarrasser. Ce que j'ai écrit nécessite quelques petites explications.

Pour ceux ou celles qui ne connaîtraient pas l'omégaverse, univers étrange basé sur des humains organisés hierarchiquement comme des loups, je vais expliquer les catégories. 

Alphas: Plus grands, plus forts et plus caractériels que les autres... Ils ont en général des fonctions de commandement. Ils représentent 10% de la population.  Il y a assez peu de femmes alphas, et elles ne peuvent généralement pas porter d'enfant. (En revanche, selon la logique bizarre de l'omégaverse, elles disposent d'un pénis rétractable et peuvent mettre les autres enceint(e)s. Etrange)

Betas: Des gens comme vous et moi, la population lambda. Pas de traits ni d'habilités particulières. Ils représentent 70% de la population.

Omégas: Les derniers 20% de la population, sur lesquels il y a le plus de fanfictions... Hommes comme femmes sont extrêmement fertiles et  peuvent tomber enceint(e)s. Ils ont en général un caractère assez doux... ou pas! Certains les apprécient, d'autres pas.

Bref, tout ça n'est qu'un prétexte qui me permet de jouer avec les codes de la société... et ce qu'elle attend des personnages. Ce que vous allez lire sur ce chapitre et les suivants est une série de one shots, tous sur le même personnage.

-----------------------------------------------------------------

"Vous ne trouvez pas qu'elle est bizarre ?"

"Ça fait trois jours qu'elle fait la gueule non stop"

"Peut-être qu'il lui est arrivé quelque chose ?"

Voilà ce que Louise entendait depuis qu'elle avait mis les pieds au collège ce matin, soit approximativement 10 minutes. En se levant, elle s'était dit qu'elle ne pouvait pas être de plus mauvaise humeur... et apparemment, le monde entier avait décidé de lui prouver le contraire. Était-ce de sa faute si elle était d'une humeur massacrante sans aucune raison autre que le fait d'être réveillée ? Elle n'obligeait personne à lui parler aux dernières nouvelles, alors qu'ils se mêlent de leurs affaires.

"Salut Louise... Dis, ça va ?"

Une des filles du petit groupe avait eu le courage de lui adresser la parole sans détourner les yeux. Exploit !

"Pas vraiment. Je suis de mauvaise alors vous feriez mieux de ne pas trop vous approcher. Et je ne sais pas ce que j'ai, alors arrêtez avec les hypothèses foireuses. "

La jeune fille tenta d'exquisser un sourire qui se voulait désolé pour signifier qu'elle ne leur en voulait pas, mais dû faire une genre de rictus plus effrayant qu'autre chose vu l'expression de ses camarades.

"Bon ben .. je vous laisse."

Poursuivant son chemin, elle trouva sa classe complètement vide et alla s'affaler sur sa table, les écouteurs vissés aux oreilles. Seule la musique semblait pouvoir supprimer son envie permanente d'attaquer toute personne dans son champ de vision à grands coups de coups de pieds dans le derche. Le sommeil aussi la calmait, et était même son activitée favorite des derniers jours... Que pouvait-il bien lui arriver ? Elle avait demandé à ses grands parents s'ils avaient une idée, mais rien ne leur venait. C'est donc bercée par Pink Martini qu'elle s'endormit avec bonheur, consciente du ralentissement de son rythme cardiaque et de l'absence de gêneurs dans les environs.

L'accalmie fut hélas de courte durée, la sonnerie retentissant avec une vigueur douloureuse pour toutes les oreilles de l'établissement. Louise s'étira en grommelant pour constater que non seulement sa mauvaise humeur n'avait pas disparu avec sa micro-sieste, mais que pour parfaire le tableau, son professeur d'EMC l'observait avec un air désapprobateur. Elle n'aimait pas particulièrement M. Kirk d'ordinaire, mais son expression condescendante lui sortait plus par les yeux que d'habitude. Tout ça parce qu'il était un bêta de tête un peu trop soucieux d'affirmer sa place au sein de l'équipe pédagogique.

"Le cours va commencer."

Le brouhaha environnant se calma au fur et à mesure que les élèves s'asseyerent à leur table sans pour autant tout à fait disparaitre. Il ne fallait pas rêver non plus : les élèves de quatrième ne la bouclaient jamais, sauf peut être devant la menace d'une heure de colle.

"Salut Lowi!"

Un très léger sourire se forma sur les lèvres de la jeune fille dont la voisine était subitement apparue à côté d'elle, un biscuit à moitié mâchouillé dans le bec. Henna faisait partie des personnes qu'elle supportait le mieux en ces heures sombres de tête-à-claquite aiguë.

"Salut, Hen'. Je suis toujours de mauvaise, juste pour te prévenir et m'excuser à l'avance..."

Elle eut droit à un sourire espiègle de la part de son amie.

"J'ai vu le nuage noir au dessus de ta tête depuis le couloir. T'inquiètes pas pour moi, j'ai l'habitude des orages."

"Mademoiselle Yerez, pourriez vous avoir l'extrême obligeance de vous taire ? Ne pas vous faire remarquer alors que vous étiez en retard serait probablement une bonne idée, hélas hors de portée pour votre esprit."

Avec un haussement d'épaules Henna sortit ses affaires sous l'œil de Louise, qui faisait de minuscules boules de papier tout en fixant Kirk avec intensité. Braver ses profs pour le principe ne lui viendrait pas à l'esprit en temps normal, mais elle n'aimait pas la façon dont le professeur avait regardé son amie. Il était peut être temps qu'elle utilise la sarbacane de sa voisine, qui ne servait jamais.

"Nous allons aujourd'hui parler de la justice. Le droit est réparti en deux catégories : le droit civil..."

La jeune fille décrocha instantanément. Sa main notait d'elle-même et son esprit était ailleurs, focalisé sur la fourmi qui caracolait sur la vitre à côté d'elle en tâtant le verre du bout des antennes avec perplexité. Le système ABO n'avait pas cours chez les fourmis. Chacun était dans une classe dès la naissance et faisait la tâche qui lui était assignée sans qu'on lui mette de bâtons dans roues... Louise aurait aimé être une fourmi. Cependant, le rappel à la réalité eut lieu quand elle entendit les mots "viol", "oméga" et "peine avec sursis" dans la même phrase.

" On parle de quoi?"

"Les jugements et le principe de proportionnalité... Kirk a demandé notre avis sur la peine attribuée à un alpha après avoir violé un Oméga en chaleur. Personne ne veut répondre."

Il était de notoriété publique que leur professeur était un anti-omega convaincu. Ce qui expliquait qu'il ne puisse pas encadrer Henna, qui avait éclos l'an dernier en une adorable oméga. Elle avait toujours été douce de caractère et avec une sérieuse tendance à jouer les pom-pom girls donc ça n'avait été une surprise pour personne.

"Je suppose que personne ne veut se faire flamber..."

Mais la jeune fille, vu sa mauvaise humeur, considéra que la situation ne pouvait pas empirer, et décida donc de lever la main.

" Oh, Mademoiselle Viviere, vous daignez nous honorez de votre retour parmis nous! Je pensais sincèrement que votre esprit avait pris possession de la fourmi que vous observiez avec tant d'intérêt."

Réprimant une soudaine envie de montrer les dents, elle se contenta de sourire.

"Je pense que la peine encourue pour le viol d'un omega en chaleur est loin d'être assez dissuasive."

"Quelle sanction metteriez-vous en place alors ?"

Elle savait que Kirk l'attendait au tournant.

"Tout d'abord, un examen psychiatrique pour l'agresseur. S'il est conscient de l'anormalité de son geste, quelques années de prison avec travaux d'intérêt généraux. Ainsi que le versement de dommages et intérêts à la victime... Possibilité de libération anticipée sur bonne conduite et accompagnement médical à la libération pour vérifier sa psychologie."

Louise put entendre quelques commentaires positifs et des "miss je-sais-tout" murmurés dans la classes. Elle avait au moins provoqué une réaction.

"Et dans l'autre cas? Poursuivez?"

À la façon dont les épaules du professeur s'étaient abaissées imperceptiblement, cela signifiait qu'il préparait des contres-arguments.

" Dans le cas où l'alpha se cacherait derrière le fait que les hormones de l'oméga aient provoqué son geste, je preconiserais la même chose, à ceci près qu'il serait castré. Mécaniquement."

Deglutissemsnts de la part de la population masculine de l'assemblée.

" La justice se doit d'être proportionnée. La castration mécanique est définitive. Vous privez l'accusé d'avoir la possibilité d'avoir des enfants... Le bornage chimique est plus approprié."

Elle pouvait voir son professeur sourire légèrement...mais elle n'avait pas fini.

" Le bornage chimique ne garantit en rien l'absence de récidive. Il rend simplement impuissant sexuellement. Or vous conviendrez qu'il est possible de violer quelqu'un avec autre chose qu'un sexe. Des doigts par exemple, comme c'est le cas lors des agressions dans le métro. La castration mécanique diminuant la libido, elle éviterait ce genre de chose."

"Que faites-vous de l'impact des hormones de l'oméga ? Le viol peut-être une réaction induite."

" Si le viol est réellement induit, l'agresseur éprouvera des remords et reconnaîtra qu'il a besoin d'une thérapie de résistance hormonale. Il est vrai que certaines personnes n'ont pas la faculté d'endurcissement sans aide médicale. Mais cela arrive principalement à des lycéens... Hors la population de violeurs est beaucoup plus vieille. S'ils avaient dû avoir une réelle déficience de résistance hormonale, les agressions sexuelles auraient eu lieu bien plus tôt."

Le silence s'était fait du côté des élèves. Il faut dire qu'il était rare que Louise, même en étant la Miss Je-sais-tout, parle aussi longtemps avec la volonté d'énerver la personne en face d'elle. Car le sourire qu'arborait la jeune fille n'avait rien d'amical... C'était juste le seul moyen de montrer les dents qu'elle avait trouvé.

"Aviez-vous préparé cette réponse, Viviere ?"

Monsieur Kirk était manifestement piqué au vif, vu qu'il arborait le même sourire que l'élève qui lui cassait les pieds depuis cinq minutes.

"J'ai réfléchi au sujet hier, oui."

" Content de voir que vous ayez pris goût à ma matière. Il semblerait que les miracles existent, en fin de compte..."

Lorsqu'il se retourna pour écrire au tableau, Louise afficha un sourire réellement radieux. Finalement, botter des fesses verbalement faisait aussi du bien à sa mauvaise humeur. Elle avait l'impression d'avoir le sang qui bouillait, mais pas d'une manière déplaisante. Plutôt comme si elle était assez en forme pour rabattre le caquet de la terre entière.

" Je t'ai déjà dit que tu étais mon héros ?"

Henna la regardait, les deux pouces en l'air. Pas étonnant quand on savait qu'elle ne pouvait pas supporter leur professeur d'EMC et que peu de personnes osaient se le mettre à dos.

"Non. Mais contente de le savoir"

"Sérieusement, on aurait besoin de ce genre de discours plus sou-"

"Louise, prenez vos affaires et installez-vous au premier rang. Apparemment mademoiselle Yerez n'est pas capable de se concentrer sur le cours si vous êtes là."

De mauvaise grâce, la jeune fille fourra toutes ses affaires pèle-mêle dans son sac avant de traîner les pieds jusqu'au prelier rang. Sans surprise, les seules places encore libres se trouvaient juste devant le bureau de Kirk, les élèves ayant fui le plus loin possible. Louise étala son barda contre le mur et regarda sa montre... Ils allaient attaquer les analyses de documents, ce qui signifiait que le postérieur du professeur, si attirant pour les coups de pied soit-il, allait revenir se poser sur la chaise en face d'elle.

"Adieu monde cruel...."

Grommelant à nouveau tel un vieux aigri par le temps, elle se mit à sortir les différents questionnaires et le bouquin d'EMC. Kirk avait eut la bonne idée de marquer les références au tableau, ce qui lui épargnait d'entendre sa voix... Menue compensation étant donné qu'il était maintenant assis en face d'elle avec un air suffisant. Mais Louise l'ignorait à merveille, et elle se découvrit une passion soudaine pour le code pénal malgré les pavés indigestes qui le constituaient. Tout était préférable à son professeur, à part peut-être porter une robe rose bonbon et battre des cils.

Applatis toi devant moi.

Louise n'était pas trop sûre de comment cette idée lui était venue, surtout que les lèvres de Kirk étaient pincées en un sourire satisfait depuis qu'il s'était installé en face d'elle. Toujours était-il que la phrase tournait en boucle dans sa tête et ne semblait pas vouloir en sortir. Son irritation ne fit qu'empirer lorsqu'il se mit à la fixer. Kirk devait avoir des rayons lasers à la place des yeux, c'était humainement impossible de transpercer quelqu'un avec un regard.

 Cède 

Le ton était froid et cynique, mais les lèvres du professeur ne bougeaient toujours pas. Ça y est, elle avait des hallucinations auditives, ou alors elle devenait Jeanne d'Arc. La jeune fille se mit elle aussi à fixer son vis-à-vis, peut-être cela le dissuaderait-il de continuer, du moins c'est ce pour quoi elle priait. L'inverse se produisit, et elle se retrouva à le regarder dans les yeux, essayant de caser si possible toute sa mauvaise humeur des dernièrs jours dans la confrontation. La mâchoire de Kirk s'était crispée, et elle se sentit un peu déstabilisée quand il se leva sans rompre le contact visuel. Ça y est, c'était fichu, elle allait être collée pour insolence et indiscipline en classe... De jolis mots en rouge sur le bulletin, qui feraient paniquer sa grand-mère et mettraient son grand-père en colère.

 Cède, tu es faible 

Kirk était maintenant à côté d'elle, penché au dessus de son questionnaire dont il examinait les réponses. Apparemment, il devait la confondre avec la Pologne vu la façon dont il avait envahit son espace vital. Son professeur pouvait se la carrer où elle pensait, son expansion du Lebensraum: s'il approchait encore, elle lui ferait tomber le pavé qu'était la sainte bible de l'EMC sur le pied.

Je t'ai dit de te mettre à terre 

Louise réalisa enfin qu'elle n'était pas folle, lorsqu'en prenant une bouffée d'air pour se calmer, le message s'amplifia. Ce qu'elle percevait depuis tout à l'heure étaient des phéromones. Et maintenant que son professeur était beaucoup trop proche, elle avait la sensation d'étouffer. C'était la première fois que la jeune fille en percevait, et ça ne lui plaisait pas du tout, pour la simple et bonne raison que de un cela ressemblait à de la télépathie invasive et que deuxièmement, c'était celles de Kirk. Qui voudrait avoir quoi que ce soit de lui dans son corps, poumons inclus ? L'irritation se changea en colère et le message olfactif s'amplifia encore, comme s'il continuait de l'intimider au fur et à mesure qu'elle refusait de céder. Il pouvait aller se faire voir !

" Monsieur, je vais ouvrir la fenêtre"

Ce n'était pas une demande, mais simplement un avertissement. Lorsque le battant s'ouvrit, la jeune fille sentit avec bonheur qu'un air frais venait chasser la pollution chimique dans ses voies respiratoires. Plus de pensées désagréables... Elle se mit même à sourire. Sauf que la fenêtre fut refermée aussitôt par son professeur, qui avait définitivement bien envahi son Lebensraum. Il allait se prendre la Bliztkrieg dans les dents s'il ne retournait pas vite fait derrière son bureau... Enfin, le livre sur le pied.

?

Louise vit Kirk se pencher vers elle avec une lenteur alarmante. Peut-être allait-il lui mettre un coup de règle sur les doigts ? Il l'avait dans les mains après tout. Elle se prépara au choc, et ferma les yeux, mais rien ne vint. À la place son professeur ne bougeait plus à côté d'elle, comme s'il était concentré sur quelque chose de très important... Et il avait l'air absolument ridicule, les yeux fermés et les narines dilatées. L'envie de rire de la jeune fille passa immédiatement quand elle réalisa qu'il était en train de l'humer, et ses mains allèrent d'elles-mêmes pousser le professeur le plus loin possible, ce qui lui valut de perdre son équilibre et de se rattraper sur la table derrière lui.

" Je vais à l'infirmerie. Pas besoin que le délégué m'accompagne, je peux marcher"

La jeune fille était furieuse après l'adulte déstabilisé devant elle, qui semblait reprendre ses esprits puisqu'il l'autorisa à quitter le cours. Elle ne pouvait s'empêcher de serrer les dents. On pouvait renifler quelqu'un, mais certainement pas l'humer si on en était pas proche. Seuls ses grands parents pouvaient se le permettre ! Qu'est-ce qu'il lui avait pris, à cet imbécile de Kirk?!

"Entrez"

La voix de l'infirmière était calme, ce qui l'aida à redescendre un peu nerveusement.

"Bonjour Madame Mayers. Je viens vous voir parce que... En fait c'est compliqué."

La femme se leva et vint lui tourner autour, un sourire rassurant sur les lèvres.

" Un problème ? Tu t'es battue ?"

Louise arqua un sourcil incrédule.

" Pas réellement. Pourquoi me demandez vous cela ?"

" Parce que tu sens le 'je vais te tuer' et le 'recule avant que je perde mon sang froid'. Très précisément, tu diffuses... Je t'ai sentie dans le couloir avant que tu ne passes la porte."

La jeune fille haussa les épaules avec un air désolé.

" Ça fait trois jours que je suis d'humeur massacrante, mais je ne pensais pas que ça serait à ce point..."

" Je sens une autre odeur sur toi. Est-ce que tu m'autorises à te humer? Ça m'expliquera peut-être ce qu'il t'es arrivé."

Louise hocha la tête en songeant que Kirk n'avait pas été aussi poli. L'infirmière avait maintenant la tête proche de son cou et la reniflait les yeux fermés, comme si c'était le seul moyen d'analyser assez finement ce qu'elle percevait.

" J'y crois pas, il a recommencé."

" Quoi donc?"

La femme se pinçait le nez avec un air exaspéré.

" Tu sors du cours de Monsieur Kirk, pas vrai ? Tu es recouverte de ses phéromones de menace... J'ai déjà sentit pas mal d'élèves qui les portent. Généralement ils ne s'en rendent pas compte car ils sont trop jeunes."

Cela faisait donc probablement très longtemps que son professeur attaquait tout le monde chimiquement, mais personne ne le réalisait. Étrange, quand on sait que les personnes ayant éclos devraient les percevoir.

" Je m'en suis rendue compte aujourd'hui moi... J'avais l'impression qu'il me parlait par télépathie."

Une petit rire de l'infirmière lui rendit un peu de sa bonne humeur.

" C'est normal, c'est toujours comme ça au début. Tu vas t'y habituer, ne t'inquiètes pas... Je pense que ça explique que tu embaumes les phéromones de défense. Ton corps a réagi pour éloigner M. Kirk, rien d'alarmant."

"Et ma mauvaise humeur chronique ? C'est grave ?"

Le silence se fit aussi épais que de la mélasse.

" Louise... Est ce que tu as des pulsions en ce moment ? L'envie de protéger les autres, de te battre... De faire l'amour ? Ou alors de câliner tous les gens que tu croises et de dormir tout le temps ?"

Le désespoir s'abattit sur la jeune fille, qui réalisa la situation.

"J'ai envie de frapper tout le monde et de dormir... Depuis trois jours. Est-ce que je suis en chaleur ?"

Une grimace lui répondit.

" Vu que tu n'as pas d'archetype, je ne sais pas. Tu es probablement en phase de détermination... Je vais te tester avec l'autopiqueur."

Louise n'aimait pas les aiguilles, mais il fallait y passer. Elle appliqua son doigt sur la zone de piqûre et ressentit une légère douleur avant que l'appareil n'émette une sonnerie, à la manière d'un micro-ondes qui annoncerait avec fierté qu'il a fini de faire chauffer son contenu. Elle le tendit à l'infirmière, qui l'examina.

" Phase de détermination... Tu devrais éclore très prochainement. Dans les heures qui viennent, vu que ça fait déjà trois jours. Est-ce que tu veux que je te renvoie chez toi avec une dispense ? Tu serais plus tranquille."

La jeune fille secoua la tête. Hors de question que des changements hormonaux l'empêchent de suivre les cours. Et puis, il y avait lutte cet après midi, alors cela lui permettrait de se défouler... Elle ne voulait pas être une Omega. Ni une Alpha. Juste rester Louise, qui ne faisait pas de vagues mais bottait des derches quand on lui cherchait des noises.

-----

" Choisissez-vous un adversaire et installez-vous sur le tatami. Avec de l'espace hein ... Je ne veux pas de pieds dans la figure du voisin comme la fois précédente."

La classe se dispersa dans le gymnase sous le regard sévère de Mme. Lieux. Louise se retrouva avec le groupe des garçons, la majorité des filles ayant formé le groupe des poids plumes. Restait maintenant à trouver quelqu'un qui veuille bien se battre contre elle malgré son aura meurtrière.

" On fait équipe ?"

C'est sans surprise que la jeune fille se retrouva face à Marc, un des rares alphas de la classe. Il n'y avait bien que lui pour avoir assez de cran pour l'affronter après l'incident avec Kirk ce matin.

" Ouais, si tu veux"

Louise n'était pas très rassurée à l'idée de se battre contre lui, mais c'était mieux que rien. Pas qu'elle avait des problèmes en termes de force, mais elle se sentait de plus en plus mal. Et généralement, les omégas tout justes éclos avaient tendance à cramper le premier alpha qu'ils croisaient... Très peu pour elle.

" En place! Et plus vite que ça !"

La jeune fille alla s'installer avec son adversaire le plus loin possible des autres élèves... Surtout des filles en fait, qui depuis tout à l'heure avaient une tendance non négligeable à la coller. La majorité d'entre elle étaient des omégas, et il est de notoriété publique qu'ils font des câlins collectifs à ceux d'entre eux en chaleur, un genre de protection contre des alphas trop entreprenants. 


"On révise les prises et on se bat après ?"

" Ça me va"

Elle pouvait dire que Marc y allait volontairement doucement. Peut-être parce que comme tout le monde dans la classe, il s'attendait à ce qu'elle soit une omega. Avec du caractère, mais toujours de nature conciliante. Elle voyait déjà d'ici la bouteille de champagne que son grand père sabrerait quand elle reviendrait à la maison en déclarant "je suis une Omega"... Mais en vérité, Louise aurait voulu n'appartenir à aucune catégorie. Juste être elle-même, mais c'était impossible. Elle serait forcément quelque chose...

"Bon les jeunes, il est temps de vous secouer un peu. Je veux voir de la lutte, pas deux étoiles de mer entassées mollement l'une sur l'autre."

Avec un léger sourire, la jeune fille prit ses distances et se mit en posture de combat. S'ils commençaient la vraie lutte, Marc arrêterait de la traîter comme quelque chose se fragile. Il ne le faisait pas avant, et elle comptait sur le côté compétitif qu'ont généralement les alphas.

" Prête ?"
"Ouais"

Il l'attaqua directement à la taille, attrapant une de ses jambes pour la destabiliser. Mais Louise n'opposa aucune résistance et se contenta de mettre tout son poids sur le dos du garçon, qui s'étala sous elle, surpris.

" Pas mal, mais ça ne marchera pas deux fois."

" Je n'y comptais pas"

Deuxième combat et elle se retrouva cette fois-ci au sol, les jambes de son adversaire lui broyant les côtes. C'était plaisant de ne pas être ménagée, elle pouvait enfin se défouler. Au bout de plusieurs minutes, Louise réalisa qu'aucun d'eux ne retenait ses coups, mais cela ne la dérangea pas. Marc visait pour la faire tomber et non pour lui faire mal.

" Prenez-en de la graine, les autres. Regardez comment ces deux-là se battent."

Dans un coin de sa vision périphérique, Mme.Lieux avait les bras croisés et un air satisfait.

" Fille contre garçon. Indéterminé contre alpha. Vous voyez, tout n'est qu'une question de volonté. Si vous avez assez de courage pour vous battre, il n'y a aucune raison que vous n'y arriviez pas."

Un balayage de son adversaire l'envoya au tapis mais la jeune fille l'entraîna dans sa chute, déterminée à l'immobiliser. Louise était enfin de bonne humeur. Elle ne lui faisait pas mal, mais c'était comme s'il lui avait fallu quelque chose contre lequel s'énerver, qui oppose une résistance.

Je vais te vaincre  

Les phéromones avaient de nouveau fait leur apparition, mais celles de Marc ne lui posaient aucun problème.

" Mais c'est qu'ils sont sérieux ma parole !!"

Louise roulait maintenant par terre avec Marc dans un genre de combat de chiffonniers, avec pour seule pensée en tête de l'immobiliser. Elle entendait les encouragements des deux camps qui s'étaient formés mais la seule chose qui lui importait était d'applatir son adversaire sans qu'elle sache pourquoi. Le garçon était dans le même état, apparemment.

" Madame, Marc montre les dents!"

Et avant que la jeune fille ait réalisé ce qu'il de passait, elle sentit des dents s'enfoncer dans son bras. Étrangement, ce n'était pas douloureux mais l'agaçait au plus haut point, comme si elle avait perdu le combat avec ce geste. C'est donc tout naturellement qu'elle planta ses dents dans l'épaule de Marc et le mordit jusqu'au sang.

" Les enfants, n'approchez pas. Je crois qu'on a une lutte de pouvoir..."

D'un commun accord, ils desserrent les dents au bout de quelques minutes, du sang plein la mâchoire. Elle n'éprouvait aucun remords et Marc lui fit un grand sourire tout en examinant son bras.

" Tu m'as pas loupé ! Regarde la marque de tes dents !"

Louise observa la plaie, se demandant ce qu'il lui avait pris.

" Désolée... Je me suis un peu emportée."

" T'excuse pas ! C'est trop cool que tu sois une alpha... Comme on n'a pas réussi à marquer l'autre, on est de force équivalente ! J'en avais marre qu'il n'y ait pas de personne assez butée pour m'affronter sérieusement."

Un poids se retira des épaules de la jeune fille au moment où un autre s'y ajoutait. Etre une alpha signifiait qu'elle allait devoir l'annoncer à ses grands parents qui n'aimeraient pas la nouvelle. Et être une omega lui aurait attiré des ennuis au collège.

"...Ouais. Ca pourrait être pire." 


-------------------------------------------------


Voilà voilà! J'espère que ça vous a plu, et que vous n'êtes pas trop perdus ( si tant est que quelqu'un lise encore ce que j'écris). Si vous avez des critiques ou des questions, je suis preneuse!

ProcrastinationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant