5. Supplément Bacon

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« Je vais prendre le brunch Anglais je vous prie ... oh et avec un verre de jus d'orange et un supplément bacon s'il vous plaît ! Merci. »

6 Juin 2007

- Comme ça me fait plaisir de te voir ! dit Virginia en s'asseyant en face de sa sœur, un large sourire peint sur le visage.

Natalia avait toujours été sa plus fidèle amie et sa confidente. Jamais une semaine ne passait sans qu'elles se fussent appelées au moins deux fois. Cinq ans les séparaient, mais on aurait pu les croire jumelles, tant leurs yeux, leurs cheveux et leurs taches de rousseurs étaient semblables. Seulement, quand on y regardait de plus près, on se rendait à l'évidence que le physique était à ça près la seule chose qui les faisait se ressembler. L'une était douce, discrète et maîtrisait ses émotions, l'autre était aventureuse, franche, voir sans filtre, et ne se laissait jamais, au grand jamais, marcher sur les pieds.

- Moi aussi ma chérie ça me fait plaisir de te voir, lui répondit Natalia en la regardant, souriant elle aussi.

- Tu as déjà commandé ce que tu voulais ? enchaîna Virginia en retirant son manteau.

L'établissement dans lequel elles s'étaient données rendez-vous, le Bird Box, était un petit bistrot où elles se voyaient souvent. Il était très simplement décoré de quelques tableaux d'oiseaux, soit disant peints par le propriétaire, mais qui apparaissaient bizarrement en haut de la page Google lorsque l'on tapait dans la barre de recherche « jolis oiseaux des îles ». Peut-être était-ce une simple coïncidence. Dix tables tout au plus y étaient dressées, recouvertes de nappes blanches « imitation Grands Palaces », et un bar/comptoir couleur cyan au fond de la pièce principale était mis en évidence.

- Je ne t'ai pas attendue, ça c'est sûr ! J'aurais pu camper ici si je l'avais fait.

- Pourtant je n'avais pas de retard, l'heure convenue était celle-ci non ? demanda la benjamine en haussant un sourcil.

- Tu es sure pour le supplément bacon ? dit Natalia, plantant ses coudes sur la table.

- Je-...

- Tu as pris du poids, tu t'en es rendue compte ? poursuit-elle.

- Mais ... enfin non ... peut-être un kilo grand maximu-...

- Ah ! Je le savais ! Une petite sœur ne peut rien cacher à son aînée ! s'écria Natalia, plaquant ses mains sur le bord de la table, ce qui fit sursauter Virginia.

Pendant l'enfance, ces deux là s'étaient détestées au plus haut point. Ne s'entendant sur rien, créant des rixes pour savoir qui aurait le droit de finir le paquet de Lucky Charms, ou encore pour déterminer laquelle des deux aurait le monopole de la télé le samedi soir.

Jusqu'au jour où la plus jeune était rentrée chez eux en pleure, l'arcade sourcilière ouverte. Un groupe de garçons insolents et stupides qui l'insultaient, chaque jour, de noms dévalorisants, méchants. Mais ce soir là, la limite avait été franchie. Ils l'avaient attirée dans une embuscade à la sortie du collège, l'avaient touchée, caressée. Elle avait riposté, avait tenté de se dégager. Ils l'avaient poussée par terre, la faisant tomber la tête la première sur le bitume. Elle s'était relevée, un filet de sang coulait de son sourcil, et en avait frappé un visage de toutes ses forces, lui cassant le nez.
Trop occupés à se soucier de la santé de leur ami, les autres ne l'avaient pas retenue et elle s'était enfuie, pleurant à chaudes larmes. Natalia était seule à la maison. Leurs parents n'étaient pas rentrés. Elle avait couru dans les bras de sa sœur, laquelle n'avait rien trouvé d'autre à faire que de la serrer contre elle, de la réconforter comme elle le pouvait. De là s'était créée une connexion fraternelle qui ne les quitterait plus.

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