Chapitre I « Le petit brin d'herbe »

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Quelques cycles lunaires plus tôt...
Entre les arbres dansants à la brise fraîche, entre les racines d'un pin au large tronc dont les aiguilles tombaient doucement au ras du sol, une créature, allongée sur le dos, se lamentait: son plutôt gracieux s'élevant dans le silence du début du crépuscule. Le petit ne voulait pas sortir. Plusieurs heures s'étaient écoulées, a la grande peur de la mère et du père, car si une reine ne mettait pas bas avant la fin du crépuscule, son petit ne serait plus qu'une âme errante, incapable du moindre contacte avec le véritable monde, coincé pour toujours dans l'immatériel. La mère, une magnifique Histë au pelage presque blanc tant le violet de son pelage était clair, était née à même les premiers rayons du crépuscule, d'où sa claire fourrure. Son compagnon se tenait près d'elle, avec sa crinière jaunâtre, il était également né tôt. Leur petit ne tenait pas à rendre les choses faciles.

Sous les regards témoins de petits brins d'herbe ambulants dans la Plaine de l'Est: de petits Lòcëlaima curieux, la reine soufflait rapidement, si vite qu'elle pourrait presque suffoquer d'une seconde à l'autre. Sous l'inquiétude du père et de leurs spectateurs silencieux, la mère ne réussit à donner naissance à sa petite qu'aux derniers rayons qui disparaissait dans l'eau maintenant reflétant les étoiles du ciel nocturne, alors que le quart de lune brillait au dessus de leur tête à présent immatérielles. Les esprits crépusculaires disparaissaient au moment où le petit museau de la briseuse d'équilibre se levait lentement s'en suivant d'une longue plainte aiguë. Les Lòcëlaimas, qui avaient en ce monde pour fonction de mémoriser toutes les vies données, se regardèrent sans dire un mot, car nul ne parlait s'il n'en avait point besoin. Les petits « lézards » se firent signe, puis le petit brin d'herbe jaunâtre fila vers la forêt de Hauts Arbres, tandis que le Lòcëlaima des champs filait vers le Lac du Centre. Les deux autres se séparèrent aussi: l'un vers les montagnes, l'autre vers la mer. Ils allaient reprendre la nouvelle, comme plusieurs autres cette même nuit, alors que quelques naissances avaient encore eut lieux.

Suivons le petit Lòcëlaima-brin-d'herbe, qui courait à toute allure vers les petits bois. Il était jeune, ce petit mâle aux pattes rapides. Son corps squelettique parcourait sans mal le terrain vaste et sans obstacle de la Plaine. Arriva-t-il alors aux abords de la forêt. Jamais il n'y avait posé les pattes. Il allait voir des Fëa Orons! Si son esprit neutre et presque sans émotion de Lòcëlaima pouvait lui permettre d'être nerveux, il le serait probablement. Ses petits yeux blancs regardèrent tout simplement la forêt un moment d'hésitation, puis il repartit sur ses minces pattes à travers ce nouveau décors, avec ces racines tordues qu'il devait grimper, ses buisson qu'il devait traverser et ces arbres qu'il devait contourner. Ses narines situées au niveau de son abdomen inspiraient l'air, mais il ne trouvait aucune trace de ces dits Fëa Orons. Il n'en avait encore jamais vue: encore était-il qu'un jeune Lòcëlaima d'un cycle lunaire! Le petit brin d'herbe leva le museau. Il espérait repérer quelque chose, en vain. Ce fut aux premières lueurs de l'aube grimpante entre les arbres, qui vinrent enfin éclairer son chemin si ardu, qu'il aperçut enfin l'une de ces divines créatures qu'il, malgré n'en ayant jamais vue, admirait avec ses quelques émotions possibles. Une jeune Fëa Oron à la longue crinière blanche frisée recherchait quelques juteuses touffes d'herbes ras encore gorgées de rosée en tant que repas matinal. Le petit animal se rapprocha sans bruit. Son physique d'herbe sèche ne lui serait d'aucune utilité dans ce décor verdoyant. Alors souffla-t-il un petit bruit calme qui fit lever les Iris violettes de la femelle. Le petit brin d'herbe se rapprocha timidement, méfiant.

-Que me vaut la visite d'une mémoire? Demanda calmement l'animal aux bois de cerf. Comme il était intimidant de se retrouver si près d'une telle créature! D'autant plus que le brin d'herbe était... petit.

-Je viens annoncer la naissance d'un Histë. Physique étrange, un deuxième avec des tiges colorées! Je vous laisse en comprendre ce que vous voudrez.

IlunausëOù les histoires vivent. Découvrez maintenant