Un bouquet pour Marin.

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Mon réveil sonna à sept heures du matin ce qui m'arracha un grognement. La nuit avait été courte et mon corps était encore engourdi par ma marche d'hier soir puisque j'avais laissé la voiture de Marin sur le parking du Bomb's pour ne pas risquer d'avoir un accident. J'imaginais déjà la tête de maman si un policier venait lui annoncer le décès de son autre enfant pour cause d'alcoolémie au volant. Mais je chassais rapidement ces pensées de ma tête et tentais de m'extirper de mon lit pour descendre préparer un bon petit déjeuner à maman. Papa devait déjà être parti travailler sur l'un de ses chantiers et ne rentrerait pas avant ce soir. Maman quant à elle avait cessé d'exercer toute activité il y a quelques mois pour se concentrer sur le groupe de soutien qu'elle avait créé afin d'accueillir les familles de malades condamnés, et ce dernier faisait son entrée dans le monde plus tard dans la matinée. J'avais souvent entendu papa se disputer avec elle à ce sujet, il disait qu'il était encore beaucoup trop tôt pour prendre de telles responsabilités et que maman n'était pas prête à écouter des gens parler de leur malheur alors qu'elle-même n'avait pas avancé depuis la mort de son fils. La plupart du temps ces conversations se terminaient pas des cris et des larmes que maman ne parvenait plus à refouler. Alors papa quittait la pièce en claquant la porte avant d'aller s'enfermer dans leur chambre pendant un bon moment. Je me demande ce que Marin aurait pensé de tout ça, de leurs disputes incessantes et de leur changement de comportement. Il n'aurait probablement pas reconnu maman ainsi éteinte et encore moins papa devenu colérique et inaccessible. J'aurais aimé pouvoir en parler avec mon jumeau mais il n'était plus là pour assister à ces scènes de ménage à répétition. Il faut dire que de son vivant tout allait bien entre eux, mais à sa mort au lieu de se souder ils se sont divisés puisque papa, impuissant à la douleur de maman ne supportait plus son reflet tandis que maman se noyait dans un chagrin qu'elle ne parvenait pas à soulager. Moi j'étais convaincu que Marin aurait détesté être la cause de ce malheur.

Maman se réveillait toujours aux alentours de huit heures du matin ce qui me permettait de lui préparer un bon petit déjeuner puisqu'elle avait cessé de prendre soin d'elle. Je coupai quelques fruits que je mélangeais à un yaourt nature avant de verser du thé dans son bol préféré, puis je posai sur la table quelques madeleines. Ensuite je remontai prendre une douche et enfilai un tee-shirt blanc avec un jean noir. J'attrapai les clefs de la voiture de Marin et sortis de la maison.

Je marchai jusqu'au Bomb's pour la récupérer et je décidai d'entrer saluer Jack. Comme à son habitude il était assis derrière son comptoir en train de feuilleter le journal local. À chaque fois j'étais impressionné par l'absence de fatigue sur son visage, il semblait ne jamais subir les effets de ses fermetures tardives.

« - Salut Jack ! Comment ça va ce matin ? lançais-je joyeusement.

- Ah ! Bien bien mon garçon, et toi ? Tu es bien matinal !

- Je venais récupérer la voiture, j'étais trop saoul pour conduire hier soir.

- Toujours aussi responsable toi maintenant n'est-ce pas ? Fais attention je pourrais avoir l'impression de voir Marin, ajouta-t'il en rigolant. »

Je savais qu'il pensait au moi d'avant, au Elliott qui comptait encore sur son frère pour remettre de l'ordre. Je rigolais avec lui puisque Jack n'avait jamais voulu créer de malaise par rapport à la mort de Marin. Au contraire il était l'un des seuls qui prononçaient encore son prénom à haute voix, comme s'il était toujours là.

« - Ravie de t'amuser Jack, mais tu pourrais me servir quelque chose à boire plutôt que de te moquer de mes nouvelles responsabilités.

- Mais bien sûr mon garçon, et voilà ! dit-il en me tendant un verre de soda.

Et sur le front de mer j'ai vu tes yeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant