Chapitre 3

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Une nouvelle détonation mit fin à leur échange. 

Chûya ne masquait pas son agacement. Il dégagea rapidement son bras et cette fois-ci, Dazai le laissa faire. Chûya soupira, et remarqua avec stupeur que son bras tremblait légèrement. Il décida malgré tout de passer outre, et rajusta son chapeau sur le sommet de son crâne, une moue agacée obscurcissant son visage fin. 

Franchement, à quoi pensait cet imbécile ?! 

Ils avaient intérêt à en finir le plus rapidement possible, avant que la ville ne soit complètement détruite. Déjà, certains immeubles alentours s'étaient effondrés, et plusieurs incendies s'étaient déclarés dans les environs. Des gens hurlaient, dans les décombres ravagés par les flammes, et il ne parvenait même plus à compter les corps calcinés qui s'accumulaient le long des rues qu'il arpentait. Les tirs de fusil se croisaient dans tous les sens, et se mêlaient aux hurlements tel un requiem mortel. Le ciel lui-même était maintenant recouvert d'épais nuages gris, presque noirs, donnant à la scène un aspect lugubre, encore plus menaçant. 

Cependant, Chûya continuait d'avancer comme si de rien était, enjambant les cadavres comme s'ils n'étaient que de vulgaires tas de fumier, son manteau noir flottant derrière lui. Ce spectacle de désolation ne lui faisait ni chaud ni froid. Après tout, la mort faisait partie de son quotidien depuis son enfance. Une voix résonna au fond de lui :


« Où que tu ailles, tu apportes la mort.

- Tais-toi donc ! » Hurla Chûya à haute voix. 


Mais il savait que c'était vain. La voix d'Arahabaki continuait de résonner dans son crâne, sans qu'il n'ait la moindre échappatoire face au dieu de la Calamité. Aussi loin qu'il se souvienne, Chûya avait toujours connu cette voix. Cette entité démoniaque habitait son corps depuis son enfance. Ou peut-être était-ce lui qui habitait le corps de l'autre, en réalité il ne savait pas vraiment. Plus le temps passait, plus les contours entre les deux entités devenaient flous. 

Bien qu'il ait toujours été un dur à cuire, du fait de son enfance passée dans les bas quartiers de Yokohama, Chûya sentait qu'il devenait de plus en plus insensible à la vue de la mort. Il ne ressentait plus aucune once de peur, que ce soit en appuyant sur la gâchette, ou lorsque le pistolet était pointé sur son propre crâne. Pas la moindre goutte de sueur ne perlait de son front lorsqu'il était aux portes de la mort, ou sur le point de la donner. 

Parfois, il se demandait combien de temps il lui restait avant de perdre totalement son humanité.


« Tu ne m'échapperas pas, Chûya. Renchérit la voix d'un ton doucereux. Où qu'on aille, on s'emmène avec soi ». 

Dans un soupir, Chûya se demanda alors si des deux, ce n'était pas plutôt lui, le démon. 

« Peu importe, conclut-il. Que je sois humain ou non, cela ne change rien . 

Son sourire s'étira en un rictus carnassier. 

- Je les massacrerai tous », se murmura-t-il à lui-même avant de se jeter dans la mêlée. 


Il évitait les balles avec agilité, sans se départir de son sourire orgueilleux, et les renvoyait dans une danse mortelle suivant une mélodie qui lui était propre. Chûya éclata d'un rire presque dément. Se défouler ainsi lui faisait le plus grand bien. Et puis, avec un peu de chance, une balle perdue toucherait cet abrutit de Dazai, lui offrant enfin la mort qu'il désirait tant. Chûya grogna. Ce serait presque un trop beau cadeau pour un traître comme lui. 

[Soukoku] L'Ordre de la RoseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant