Ad impossibilia nemo tenetur

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« Viens. Jouons tous deux à un jeu de séduction. Le premier de nous deux qui perdra devra donner son âme à l'autre.
Viens avec moi et jouons ce jeu. Ce petit jeu qui n'a ni gagnant ni perdant. Ce petit jeu que tu sais truqué sans ne pouvoir t'empêcher d'y jouer.
Viens. Jouons tous deux à un jeu de séduction. Le premier de nous deux qui perdra devra donner son âme au gagnant.
Viens et prends ma main. Laisse-moi nous entraîner tous deux dans une danse à double tranchants.
Il est temps de t'éveiller au monde ma petite expérience. Vas trouver l'âme que je requiers pour que ma naissance voit enfin le jour.
Viens. Jouons tous deux à un jeu de séduction. Le premier de nous deux qui perdra devra donner son âme au gagnant.
Viens mais peut-être devrais-je te dire que le bien que tu convoites tant n'est qu'un leurre hors de ta portée ?

Viens et comprends que toi comme moi nous ne possédons le prix tant espéré.
Viens et comprends à tes dépends que je ne compte te laisser mon objet tant tourmenté. »

Le mantra qu'il connaissait sur le bout des phalanges. Le mantra répété, chanté comme une tendresse, une inclinaison pleine d'une promesse à demi-dissimulée. Un mantra ne dissimulant même pas le jeu auquel participe Ink.

Bien sûr, il a fait le choix de dire « oui ». L'autre ne l'a point piégé. Les termes du contrats avaient été mis sur la table dès le début des négociations. Rien n'avait été passé sous silence. Le prix à payer en cas d'échec était cher mais ça ne le concernait point.

IL N'ALLAIT PAS ÉCHOUER.

L'échec n'était pas permissible. Alors il avait pris la situation en main pour ne laisser aucune place à ce qui pourrait lui coûter ce qu'il n'avait pas. Mais alors pourquoi parier sur ce qu'il n'avait tout aussi bien pour l'un que pour l'autre ?

Lassé de ne posséder ce lien qui l'ancrerait dans le réel, dans la Vie tout aussi bien que celle des autres ; il voulait ce que tout un possède. Être vivant, être comme tout le monde. Mais qu'est-ce que la normalité ?

Une banalité. De l'étude extrêmement sommaire, qui nous met en présence de phénomènes revêtant une grande banalité dans les mers anciennes, à certaines époques, sans qu'on en trouve la moindre manifestation dans les mers actuelles.

Une pauvreté. Un vulgaire caractère d'une réponse donnée par un grand nombre de sujets à certains tests en tests d'association libre ou test de Rorschach, et permettant de tirer des conclusions sur le degré de conformité sociale et l'adaptation, l'anxiété ou la qualité de l'intelligence.

Un rien, une fréquence ou d'une rareté exagérée. Il y a une normalité et une anormalité statistiques représentées par les hautes et les basses fréquences d'apparition d'un fait. Le crime est reconnu comme un phénomène normal, c'est-à-dire que la criminalité n'est pas un fait accidentel et ne procède pas de causes fortuites. Cette conception de la normalité n'est qu'une simple constatation d'ordre, pourrait-on dire, statistique.

Ainsi, ce qu'il fit fut « normal ».

C'était sa normalité cassée, enraillée de pensées altérées par la dépendance du besoin ainsi que par la disette de sa condition. La misère d'être anormal, le désir insatisfaisant de combler ce vide dans sa cage thoracique.

Et enfin, cette petite affaire allait se terminer. La bonne chose que d'avoir les pensées en grève ! Il ne souffrait ni des mésaises d'amour, ni des ruptures ! C'était une certaine fatigue qui se rencognait comme un animal frappé contre sa boîte crânienne.

S'il tuait, soit ! Il y aurait ça par terre. Son absence d'âme battait à se rompre, son prurit de meurtre s'exaspérait comme une concupiscence au spectacle de ce mort tragique. Pourquoi la plupart des vivants n'ont-ils vu le drame de la vie que sous les formes de l'insatisfaction et de la jalousie ?

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