Chapitre 1

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Le ciel était magnifiquement bleu. Allongée dans l'herbe, les pieds dans le ruisseau, Liesel contemplait le feuillage clairsemé qui dansait au-dessus de sa tête. Elle ferma les yeux un instant, laissant le soleil caresser sa peau pâle. Une ombre vint cependant la priver de cette douce chaleur, et elle ouvrit les yeux à contrecœur.

« C'est malin ! » Dit-elle d'un ton réprobateur au cheval qui venait de pencher sa tête au-dessus d'elle.

La petite fille se releva et caressa avec affection l'encolure de l'animal. Du haut de ses onze ans, elle ne lui arrivait même pas au garrot et devait se hisser sur la pointe des pieds pour parvenir à l'atteindre. Elle finit par attraper la longe d'une main tranquille.

« Allez, on y retourne ! » Lança-t-elle avec un sourire enjoué.

Cependant, le majestueux animal ne semblait pas partager son enthousiasme. Il rechigna à traverser le ruisseau qui serpentait entre les roseaux. La petite fille poussa un soupir largement exagéré pour manifester son mécontentement.

« Mais tu l'as fait il y a trois jours ! Rouspéta-t-elle. Allez, c'est pas compliqué... En plus, Walter va encore se moquer si j'arrive après lui... »

Elle finit par remonter sa longue jupe d'une main pour sauter avec plus d'aisance dans le cours d'eau peu profond.

« Regarde, j'y vais moi ! Et je suis bien plus petite que toi, t'as aucune excuse ! » Ricana-t-elle avec un sourire, pataugeant dans l'eau qui lui arrivait jusqu'aux genoux. Elle tendit la main vers le jeune cheval pour l'inciter à avancer et recula doucement d'un pas, prenant garde à ne pas trébucher sur les galets qui parsemaient le fond du ruisseau. L'animal finit par la suivre d'un air craintif.

« C'est bien » l'encouragea-t-elle d'une voix douce, la main toujours tendue. Elle faillit trébucher contre la berge opposée, et se rattrapa de justesse à un tronc voisin pour ne pas finir trempée. Si elle salissait ses vêtements, sa mère allait encore la gronder... Et puis, c'était la seule jupe en bon état dont elle disposait encore. Les autres étaient pleines de trous, et il lui faudrait attendre que son père rentre pour qu'il puisse les recoudre. Il lui avait promis de le faire, mais avec le surcroît de travail qu'il avait depuis le départ du seul palefrenier, il n'en avait pas trouvé le temps.

Les parents de Liesel, Nele et Alexander Eisenmann, étaient éleveurs de chevaux. Une profession essentielle, mais bien peu rémunératrice. Ils vivaient dans cette vieille ferme depuis la naissance de leur fille cadette, onze ans auparavant. Ses parents lui avaient expliqué que c'était pour être plus au calme et leur offrir un cadre de vie plus ouvert. Walter lui avait dit que c'était pour éviter qu'elle ne devienne un véritable danger public et fasse honte à leurs parents.

Mais elle se moquait bien de son avis, même si, à part sa petite sœur, il était son seul ami. Sa petite sœur... La dernière de la fratrie, Magda, quatre ans et une bouille d'ange, accrochée presque en permanence à sa jambe. Pour une fois, ô miracle, elle avait réussi à lui échapper. Elle adorait sa cadette, bien sûr, mais... À force de devoir la trimballer partout, elle commençait à fatiguer. D'autant plus que se déplacer avec treize kilos suspendus à la jambe n'était pas forcément des plus aisés.

Et puis, il y avait son grand père. Abel Fuchs, le père de sa mère. Une barbe grisonnante, la mâchoire forte et des rides au coin des yeux, il avait légué à sa petite fille des prunelles grises d'une vivacité étonnante. La petite fille l'admirait, de toute la force de son cœur aux battements juvéniles. Il fallait dire qu'il méritait amplement cette adoration candide : peu de ceux qui avaient rejoint le bataillon d'exploration atteignaient l'âge de la retraite. Le simple fait qu'il ait survécu jusqu'à soixante huit ans aurait été un exploit en soi, si il n'avait pas été en plus un soldat exceptionnel. Il avait ça dans le sang, à ce que certains disaient.

LunaireWhere stories live. Discover now