Chapitre 10

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« Dis, Isa... »

La jeune femme releva les yeux du comptoir qu'elle était en train d'essuyer, réprimant un soupir las. Elle se doutait bien qu'en rajouter une couche n'était pas nécessaire, Walter semblait être au fond du trou aujourd'hui. Le regard dans le vague, il fixait le fond de son verre d'un air dépité. Si elle ne le connaissait pas, elle aurait pu penser qu'il venait de se faire larguer et songeait sérieusement à se pendre.

« T'as encore une question, j'imagine. Lâcha-t-elle, s'efforçant de ne pas paraître trop agacée.

- Oui... Enfin non, pas vraiment. C'est-à-dire que la piste que tu m'as donnée la dernière fois n'a mené à rien.

- Je t'avais prévenu qu'il y avait peu de chances que ça aboutisse.

- Certes... Mais...

- J'ai dit que je te donnerais des infos. Le coupa-t-elle. Pas qu'elles seraient toujours précises et avérées.

- Ça fait des mois... » Murmura-t-il dans un souffle.

La jeune femme soupira doucement et contourna le comptoir, essuyant ses mains sur son tablier, pour venir s'asseoir sur le tabouret voisin. Elle avait cette manie de réduire la distance pour parler aux gens. Et avec le temps, Walter avait fini par s'y faire, malgré son aversion pour le contact humain.

« Fais-moi confiance, on va finir par le retrouver... C'est seulement qu'en ce moment, tout met plus de temps à s'enchaîner. Mais je suis sûre que les choses vont bientôt se décoincer, tu verras.

- Comment tu peux le savoir ? Dit-il d'un air découragé.

- J'ai quelques petites choses qui devraient nous ouvrir de nouvelles voies. Mais si tu veux que ça fonctionne, il va falloir qu'on plonge un peu plus que ça les mains dans le fumier... »

Elle lança un regard aux alentours et baissa la voix. Ils étaient dans un bar, entourés de potentielles oreilles ennemies. Walter s'était vite habitué à la manière dont les choses se passaient ici. Chaque mot perçu avait de la valeur. Tout se monnayait, pourvu qu'on s'adresse à la bonne personne.

« On n'a plus affaire à de petits loubards, à présent. Je te parle de types bien plus dangereux, et je ne suis pas sûre que tu apprécies.

- Dangereux comment ?

- Si je te dis qu'on parle de quelqu'un qu'on surnomme l'éventreur, à quel point ça te fout les jetons ?

- Ce n'est qu'un nom. Les gens les plus dangereux n'éprouvent pas le besoin de s'affubler de ce genre de sobriquets.

- J'oubliais, pardonne moi, le fameux Eisenmann le chercheur de noises n'a jamais peur de rien, à part des filles. Dit-elle en levant les yeux au ciel.

- Ça t'arrive d'être sérieuse plus de deux minutes d'affilée ? Protesta-t-il.

- Bien sûr. C'est juste que ton air supérieur force la dérision. Tu n'as pas besoin de jouer les petits soldats avec moi. Je te connais suffisamment pour dire que là, maintenant, tout de suite, tu chies dans ton froc. »

Il lâcha un soupir.

« Si tu avais la moindre idée des choses que j'ai vues, tu ne dirais pas ça.

- Oh, mais je serais ravie de les connaître. C'est seulement que tu gardes tes secrets bien planqués au fond de ta jolie petite tête, avec trois verrous et deux barres de fer en prime.

- N'exagère pas... Et puis, tu fais exactement la même chose.

- Je sais. Mais tu ne poses pas beaucoup de questions. C'est normal, remarque. À ta place, j'aurais peur aussi. Soupira-t-elle doucement.

LunaireWhere stories live. Discover now