3. Tu es là !

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Lison m'observait manger avec appétit tout en surveillant Louise du coin de l'œil. Ma fille était allongée dans un petit lit semblable à ceux que ma gouvernante avait installés dans toutes les pièces, ce qui me permettait de recommencer à vivre normalement tout en ayant toujours ma fille à côté de moi. Je bus quelques gorgées d'eau avant de couler un regard surpris vers Lison :

« - Tu ne manges pas ?

- Je mangerai après en cuisine mademoiselle Charlotte. »

J'avais souvent tendance à oublier que socialement parlant, elle n'était que ma gouvernante, je la considérais plutôt comme ma propre mère. Alors j'eus une moue triste en jouant avec les petits pois dans mon assiette :

« - Tu ne veux pas manger avec moi ? »

Ma voix enfantine la fit rire et elle se pencha pour me pincer doucement et affectueusement la joue :

« - Votre cirque m'attendrissait quand vous étiez enfant, mais vous êtes maintenant devenue une magnifique jeune femme alors vous devriez agir comme tel.

- Lison, j'aurais tant aimé que tu sois ma mère... »

C'était la première fois que j'osais réellement exprimer cette pensée. Je l'avais toujours à peu près fait comprendre à Lison par des gestes tendres, des étreintes un peu plus longues que la normale, mais je ne l'avais jamais dit. Et je voulais pouvoir le lui avoir avoué au moins une fois avant de partir à la Cour, si jamais j'y allais. Je vis ma gouvernante s'immobiliser, toujours penchée vers moi, et ses yeux s'emplirent de larmes. Elle détourna aussitôt le regard et toussota pour tenter de donner le change :

« - Ne dîtes pas de bêtises mademoiselle Charlotte.

- Je voulais que tu le saches, même si tu devais t'en douter. »

Elle essuya sa joue d'une main tremblante avant de se tourner de nouveau vers moi, et elle prit mes mains dans les siennes pour les serrer contre son cœur, son regard ému cherchant le mien :

« - Même si nous n'avons pas le même sang... Je vous aime comme la fille que je n'aie jamais eue mademoiselle Charlotte. Vous voir grandir, vous voir évoluer malgré la brutalité de feu monsieur votre père est la plus belle chose que je pouvais espérer voir un jour. Je n'ai jamais eu la prétention de remplacer feue votre mère, car même si vous ne l'avez jamais connue elle reste votre mère, mais vos paroles me vont droit au cœur. »

Je lui adressai un sourire tout aussi ému. Lison était celle grâce à qui j'étais devenue celle que j'étais. Elle m'avait aidé à ne plus être la petite fille terrifiée par tout et surtout par son père, grâce à elle j'avais pu me forger et grandir. Et je la respectais et l'aimais pour cela. Elle me sourit tendrement avant de regarder derrière moi, et son sourire s'agrandit :

« - Je pense qu'il y a quelqu'un pour vous mademoiselle Charlotte. »

Je me tournai aussitôt et le visage souriant de Geoffroy me fit aussitôt sourire de joie :

« - Geoffroy ! Tu es là ! »

Je m'empressai de me lever pour venir me jeter dans ses bras. Il me serra contre lui avec un immense sourire et il me fit tournoyer en souriant :

« - Je suis heureux de te voir en si bonne santé ma Lottie ! Comment va ma nièce ? »

Il me relâcha doucement et prit mon visage entre ses mains pour embrasser tendrement mon front alors que je lui répondais, le cœur gonflé de joie et d'amour :

« - Elle a déjà grandi... »

Je le pris par la main après avoir embrassé sa joue et je le guidai jusqu'au petit lit où Louise gigotait dans son sommeil, ses petits poings serrés près de sa bouche. Le visage de Geoffroy s'illumina d'admiration et de tendresse alors qu'il caressait doucement la joue ronde de ma fille du bout des doigts, murmurant avec dévotion :

« - Elle est encore plus magnifique qu'avant... Elle te ressemble tellement... Je suis tellement fier de toi Lottie... Te voilà devenue mère d'une fille aussi belle et attendrissante que toi... »

Ses compliments me firent rougir et je me blottis dans ses bras en m'accrochant à sa veste :

« - Merci d'avoir été là pour moi Geoffroy... Tu as fait tellement pour moi depuis tout ce temps...

- Il fallait bien que je te protège Lottie, j'étais le seul à pouvoir le faire. D'ailleurs, Gabriel demande de tes nouvelles, il s'inquiète pour toi et n'ose pas t'écrire de peur de t'importuner. »

J'eus un sourire amusé :

« - Tu pourras lui dire qu'il ne m'importune absolument pas, et que je serais ravie d'avoir de ses nouvelles. »

Geoffroy embrassa encore une fois mon front avant de me faire asseoir. Il prit place en face de moi, les traits soudainement soucieux :

« - Dans le billet que Lison m'a fait transmettre, elle parle du roi... Est-il revenu te voir ? T'a-t-il fait du mal ? »

Je secouai la tête, les yeux baissés. L'instant fatidique était arrivé, je devais lui en parler. Pour me donner du courage, je pris ses mains dans les miennes pour entrelacer nos doigts, et j'inspirai profondément avant de parler :

« - Louis est revenu, une nuit. Il... Il m'a demandé d'être sa favorite officielle, de revenir à la Cour près de lui, avec Louise... Il s'est agenouillé devant moi Geoffroy ! Je mordis ma lèvre avant de continuer sur un ton plein d'incertitudes. J'ai accepté, sauf que... Depuis son départ je ne fais que douter. J'ai peur d'y retourner, de revoir Athénaïs, ces vipères intrigantes, et... Je ne sais pas quoi faire... »

Je soupirai alors qu'il pressait mes mains dans les siennes, et je relevai les yeux vers lui, inquiète de son silence. Geoffroy avait les sourcils froncés, et il répéta lentement :

« - Il t'a demandé d'être sa favorite officielle...

- Oui... Et revenir à la Cour me permettrait de le voir quotidiennement, de... De te voir aussi, et de pouvoir voir Gabriel de nouveau, il m'a promis que Louise resterait à mes côtés, mais...

- Tu as peur, ce qui est parfaitement normal. »

L'une de ses mains lâcha la mienne pour venir caresser mes cheveux alors que son regard se faisait plus doux :

« - Tu as besoin de mes conseils pour prendre ta décision, n'est-ce pas ?

- Oui... »

Geoffroy me sourit tendrement :

« - S'il ne tenait qu'à moi, je te garderais recluse dans un endroit reculé afin qu'aucun homme ne s'approche de toi, mais tu le savais déjà. J'eus un éclat de rire qui provoqua le sien, et il reprit. Mais le fait est que le roi t'a blessé plusieurs fois, et je n'ai pas envie qu'il recommence. Maintenant que tu as Louise, j'ai envie que tu sois enfin heureuse.

- Mais je l'aime encore Geoffroy, je... Il me donne la possibilité d'être auprès de tous ceux que j'aime, et... Cette occasion est unique dans une vie ! »

Son regard se teinta d'amusement et il se redressa sur sa chaise :

« - Au fond de toi, tu avais déjà pris ta décision Lottie. Tu iras. »

Je fronçai les sourcils de perplexité. Bien sûr que non, je ne m'étais pas décidée ! Devant mon visage perdu, mon frère secoua doucement la tête :

« - Je t'ai exposé mon avis, qui était que tu étais mieux ici. Mais toi, tu as tenu à me prouver le contraire. Donc tu souhaites retourner auprès du roi et de la Cour, tu veux juste que je sois là à tes côtés pour t'aider. Et je ne t'en veux pas, je comprends, j'espère juste que tu ne fais pas le mauvais choix, parce que je ne sais pas si tu pourrais supporter que le roi te blesse encore une fois... »

Je baissai les yeux. Geoffroy semblait lire en moi comme un livre ouvert, et il me comprenait mieux que quiconque. Alors je soupirai en jouant nerveusement avec sa main :

« - Penses-tu réellement que je prenne la mauvaise décision ?

- Je n'en sais rien Lottie. Seul le temps nous le dira. Mais j'espère que non... »

Deux sœurs pour un roi (Tome 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant