Détresse

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Point de vue de Simon.

Juliette ne va pas bien. Je le sais, je le sens. Depuis le décès d'Agnès, sa grand-mère... mais aussi depuis son retour de l'hôpital. Elle refuse de me dire quoi que ce soit.

On dit que le temps soulage les blessures, mais j'ai l'impression qu'elle a tellement refoulé ses sentiments ces derniers temps, qu'elle se crée une carapace face aux autres. J'ai peur du jour où elle viendra à se briser. Je serais là, certes, mais ça fera mal.

Pour le moment, ma femme est dans le déni. Et je ne sais pas quoi faire. Je lui montre que je suis là, mais je ne peux pas la forcer à se livrer. Alors j'attends, impuissant. Je me perds dans l'ombre de Juliette qui erre tel un fantôme, dans la maison.

Je ne peux pas me laisser sombrer dans ce chagrin qui n'est pas le mien, même si j'ai ressenti une grande tristesse à la mort d'Agnès. Elle avait un cœur généreux et son ouverture d'esprit a permis à notre histoire d'évoluer de la plus belle des manières. Je n'ose pas imaginer ce qui se serait passé si nos proches nous avaient mis des bâtons dans les roues. Je suis soulagé que cela n'ait jamais été le cas.

Marie me sort de mes pensées.

- Simon ? Ça va ?

- Pardon.. J'étais dans mes pensées... Tu disais...?

- Tu es sur que ça va ? Tu es fort distrait ces temps-ci.

- Oui.. Tu disais ?

- Tu es sûr ?

- Oui. Tu disais ? dis-je, insistant. Je n'ai pas envie d'étaler le mal-être de ma femme. Cela ne regarde qu'elle.. Même si cela m'affecte plus que je n'essaie de le faire croire.

- Je comprends que tu ne veuilles pas parler. Mais si tu as besoin, je suis-là, dit-elle en me souriant chaleureusement.

- Merci. Bon, on en revient au choix de la pièce de cette année ?

Nous discutons encore une grosse heure de l'organisation des projets théâtraux -mais pas que- de cette année et nous sortons du bâtiment scolaire. Ma demi-sœur, arrivée à sa voiture, se retourne vers moi :

- Vous n'oubliez pas le souper à la maison, samedi ?

- Non. Bon allez, va rejoindre ton petit mari. Prudence sur la route.

- Va rejoindre tes deux p'tites femmes à la maison. A+, frérot, dit Marie en me faisant la bise sur la joue et en grimpant dans sa voiture.

Je monte dans mon auto, et j'envoie un message à ma bien-aimée pour la prévenir que je vais arriver d'ici une petite quinzaines de minutes. Je démarre le moteur.

Durant le trajet, je conduis par automatisme. La radio est allumée, et je ne peux penser qu'à Juliette quand une composition d'Einaudi Ludovico se met à envahir l'espace de la voiture.

C'est fou, mais cette fois-ci c'était une musique. D'autres fois, c'est un mot, une odeur, un sourire, un mot...
J'aime tellement ma femme. Et sa détresse intérieur me brise. Je déteste être impuissant. Ma partenaire de vie a du mal à naviguer. Je ne la laisserai pas couler.

***

Je rentre dans la maison. J'ai du mal à me dire que nous habitons dans cette nouvelle demeure. Mais même si je n'y ai pas grandi, je me sens bien ici. Il y a beaucoup plus de verdure, d'espace et de luminosité. J'ai toujours aimé cette maison. Même si l'hôte qui y habitait me manque...

Mon amant,  Mes amoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant