Quand Oliver se réveilla, il était allongé dans une chambre qu'il ne connaissait pas. Mais il était assez familier de la décoration et de ce papier peint rayé pour savoir qu'il était dans un hôtel de la capitale qu'il avait déjà fréquenté ces derniers mois. Il fallait un certain temps en voiture tirée à cheval pour rentrer dans le cottage familial, à la campagne, c'est pourquoi quand le temps ne s'y prêtait pas, ou que la nuit était un peu trop avancée, il prenait la liberté de s'arrêter en ville pour la nuit.
Il tâtonna sur son torse pour attraper la couverture moelleuse et la repousser doucement. Il se remit assis, et enfouit son visage dans ses mains.
Son état d'esprit était une sorte de mélange étrange entre un flou de fatigue et une angoisse sourde, comme une basse continue dans un morceau de musique : ininterrompue, discrète et pourtant omniprésente. Avait-il halluciné, dans la rue ? Avait-il imaginé cette étrange silhouette percée d'un trou béant ? Devenait-il fou ?
Il se secoua la tête et poussa un profond soupir comme pour essayer d'évacuer la tension qui l'animait. Non. Et même si c'était le cas, il n'avait pas le loisir de laisser cette éventualité s'installer.
« Chrys a besoin de moi, marmonna-t-il tout bas, pour lui-même. »
Il chassa la couette et pivota pour remettre les pieds au sol, sur la moquette un peu rêche, habituée aux nombreuses allées et venues de milliers de clients au fil des ans. Il jeta un œil sur la table de chevet et y vit la paire de gants d'Arthur. Il soupira... il avait laissé au vieil homme le fardeau de s'occuper de lui alors qu'il était inconscient. Il devrait s'excuser en le retrouvant le lendemain.
Non loin du lit à baldaquin, il y avait une table, disposée près de l'une des fenêtres de la pièce. Les volets n'avaient pas été fermés.
Il s'intéressa d'abord au plateau, posé sur la table, et souleva la cloche argentée pour découvrir un repas fait pour être consommé froid. Arthur lui avait fait monter une collation en imaginant qu'il se réveillerait probablement assez tard. Il avisa la pendule à côté. Vingt heure trente. Il lui sembla que la trotteuse indiquant les secondes était particulièrement lente.
Tic.
Tac.
Tic.
...
Tac.
Oliver fronça les sourcils, tendit le bras et prit la pendule, dont l'aiguille venait de s'arrêter définitivement et approcha d'un mouvement machinal l'objet de son oreille, pour écouter les mécanismes, alors que ses yeux venaient se perdre sur la surface réfléchissante de la vitre.
Il se figea d'effroi.
L'ombre était de nouveau là. Flottant dehors.
Ses orbites vides et froides.
Son torse creux vertigineux.
Au milieu de la neige qui tombait à gros flocons.
Oliver réalisa soudain qu'elle ne tombait plus. Elle était figée dans l'air. La pendule n'était pas arrêtée, c'était le temps qui s'était suspendu autour de cette créature et de lui !
Il allait faire un pas de recul, terrifié, mais il vit la créature lever ses mains décharnées comme pour se coller à la vitre, et il entendit des mots à son oreille, d'une voix indéfinissable, aussi étouffée que si l'on lui murmurait quelque chose de derrière un mur :
- Odeur... odeur...
- Qu'êtes-vous à la fin ?! s'écria-t-il, effrayé et hors de lui à la fois. Que me voulez-vous ?!
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Les Portes d'Ys - Origines
ParanormalDécennie 1860, Angleterre. Oliver est un jeune fils de Lord sous le règne de la reine Victoria. Sa vie semble toute tracée : il succédera à son père à la tête des affaires de chemins de fer, entre Grande Bretagne et Inde. Mais un événement tragique...