J'ai désespérément cherché à me barrer de ma petite ville française par tous les moyens. Et ils étaient tellement inexistants que l'université me semblait être une jolie porte de sortie. Facilement accessible, indubitablement grande ouverte, mais toujours pas à ma portée. J'ai été un cancre toute ma vie, me noyant dans la médiocrité d'une scolarité pauvre et une vision floue d'un futur certain. On m'avait pourtant rabâché qu'être bonne à l'école m'aiderait à prendre des décisions que j'aurais fait de moi-même. La petite rebelle qui sommeillait en moi a pris ce conseil à la légère, me laissant avec ma flemmardise et mes bulletins plus mauvais les uns que les autres.
Mais j'ai réalisé à mes vingt ans que même avec des dizaines de diplômes en poche, je n'atteindrais jamais mon but. Pourquoi ? Parce que je n'en avais pas. Je voyais la vie comme la plupart des gens. On avait juste droit à cette merveilleuse période qu'était l'enfance, le seul moment où personne ne nous emmerdait à nous soutirer des informations sur notre vie future. Du moins, pas avant le lycée. Malheureusement, mes traits enfantins ont très vite laissé place à des courbes féminines dont je n'étais pas fan, accompagnées peu de temps après par un flot de questions désagréables auquel je ne pouvais répondre par autre chose que « je ne sais pas ».
Je pensais d'abord être une de ces personnes spéciales qui se détachaient des autres, j'ai vite découvert que l'on était tous de sombres ignorants.
Je me retrouvais maintenant sur un quai vide, où le simple bruit des roulettes de ma valise minuscule résonnaient comme un train entrant en gare. J'avais heureusement choisi un soir d'été pour m'enfuir, pas bête au point de rester à attendre le seul train de nuit dans le froid glacial de décembre.
*bipbip *
• Quoi ? Je t'ai dit d'arrêter de m'appeler.
• Aiden, je pense que tu fais une connerie.
• Ce que tu penses je m'en fou, Tom.
• Je viens te chercher, où est-ce que t'es ?
Il n'eut jamais de réponse.
Tom était mon amour de lycée. Beau et méchant garçon sur qui la plupart des filles bavaient. Mais après trois ans avec lui, je voyais bien que le challenge qu'il avait auguré à l'époque avait laissé place à une routine ennuyeuse. J'en étais même venue à me demander si j'étais réellement amoureuse de lui.
J'avais toujours été comme ça. En recherche constante de défi personnel, d'auto-satisfaction. Une fois que j'obtenais ce que je voulais, j'étais comme une gosse lassée de son nouveau jouet. Et Tom était un de mes vieux joujou dont j'étais sentimentalement attachée.
Mais lorsque l'on décidait de prendre un nouveau départ, rien ne laissait de place au sentimentalisme. J'avais donc enfermé mes émotions dans un coin de ma tête en prenant soin de jeter la clef à l'autre bout.
Désolée Tom.
Deux heure et trente minutes plus tard, j'étais dans l'une des plus grandes et des plus chères capitales européennes : Londres.
Saint Pancras était une grande gare qui, à la lumière du jour semblait largement moins sinistre qu'au beau milieu d'une nuit étoilée. Je devais tout de même avouer que le plafond vitré était joli à voir.
Heureusement pour moi, j'étais particulièrement douée dans une matière : l'anglais. Autodidacte et amoureuse de l'Angleterre, j'avais trouvé mon domaine bien des années avant mes vingts ans, décidant de me lancer dans des études interminables concernant cette langue. Total échec. Après trois premières années, je décidais sans mal que l'université n'était pas pour moi et here was I. Je n'avais aucun endroit où aller, je ne connaissais personne, et mon porte-monnaie était bien trop léger pour tenir plus de deux semaines à l'enfer londonien.