Ken Samaras
15h56
Je commence sérieusement à me faire chier dans ce train. Je regarde le paysage défiler sous mes yeux à travers la vitre de ce putain de TGV. Vivement l'arrivée à gare de Lyon, que je parte retrouver mes kho. J'en profite pour essayer de gratter deux trois textes. Capuche sur la tête pour passer incognito, écouteurs dans les oreilles avec les instrus enflammées de Hugz, le temps va finir par passer vite. Mais je sais pas pourquoi, la concentration n'est pas au rendez vous. Je sens de l'agitation dans le wagon, une présence m'insupporte.
Je lève les yeux sous la visière de ma casquette recouverte de la capuche de mon sweat, pour voir une fille dans le carré devant moi sur la gauche. Elle bouge. Ça m'énerve. Elle a l'air relativement jeune, enfin plus jeune que moi je pense. Peut être la vingtaine ou un peu plus. Elle a les cheveux assez courts, au carré, un brun assez prononcé mais légèrement éclairci sur les longueurs, peut être du au soleil de l'été qui commence à s'essouffler. Ses cheveux sont légèrement ondulés mais en bataille et elle n'arrête pas de passer sa main dedans et ça m'insupporte. Elle a l'air plutôt grande, peur être le mètre soixante-dix. Elle ne cesse de mordiller son crayon à papier nerveusement et je ne peux m'empêcher de me demander ce qui a l'air de la tracasser autant. Elle griffonne sur un papier avec insistance, elle bouge la tête, surement au rythme de la musique qu'elle écoute dans ses écouteurs. Ça a l'air de la tourmenter. De loin je n'arrive pas clairement à voir ce qu'elle fait sur son maudit papier, mais on dirait une partition.
J'essaye de détourner mon attention et de regarder par la vitre mais ses gestes et son stress visiblement se propage dans le wagon jusqu'à moi et m'empêche de me concentrer. Pourtant c'est pas comme si elle était bruyante ou quoi mais sa tension est palpable. Heureusement qu'on est bientôt arrivés parce que je crois que je serais devenu dingue. Le pire c'est que ça a l'air de déranger que moi.
La maudite sonnerie de la SNCF retentit alors que l'arrivée à gare de Lyon est annoncée. Dieu merci. Je rêve d'une clope et de sortir d'ici. C'est cool de retourner au bercail à Nice de temps en temps mais Paname c'est ma vie. D'habitude j'apprécie les trajets en train ça me fait cogite et ça me donne de l'inspi mais là elle m'a fait vriller cette meuf. D'ailleurs quand le train arrive en gare elle semble déboussolée et doit ranger son bordel à la va vite. Je me retrouve derrière elle dans le couloir du train et elle galère à récupérer sa valise avec son foutu classeur sous le coude.
Quand elle arrive enfin à sortir, je suis soulagé de respirer enfin l'air frais de l'extérieur. Je pose à peine un pied sur le quai, que la fille trébuche et fait tomber son classeur à mes pieds. La voyant en galère totale, je me penche pour le ramasser et remarque que c'est un classeur rempli de partitions que j'ai entre les mains. Je pense que je mets un peu trop de temps à lui rendre car elle me regarde bizarrement, comme si elle s'impatientait. Je lui rends et elle me lance un "merci" quelque peu nonchalant. Je me disais aussi que j'aurais dû la laisser galérer toute seule.
Quand je relève la tête complètement vers elle et que nos yeux se croisent, elle fronce un peu les sourcils puis détourne le regard. Encore une qui a du me reconnaître. Elle est jolie. Son teint assez pâle orné de quelques tâches de rousseurs sur son nez et ses pommettes lui donne un joli charme, si elle n'était pas aussi agitée. Un détail attire mon oeil sur son visage. Une cicatrice formée d'un trait vertical orne le côté gauche de son visage, juste à côté de son oeil, descendant de sa tempe jusqu'au début de sa pommette. C'est discret, mais ça se voit tout de même.
Trêve de rêveries, elle est déjà partie alors que je vois une feuille qui s'est surement échouée de son classeur au sol. Je la ramasse, c'est une partition, de Purcell, connaît pas, toute griffonnée d'annotations diverses et variées. Je m'apprête à lui signaler mais elle est déjà loin et flemme de courir après une inconnue pour un bout de papier. Je le plie grossièrement, ou plutôt le froisse soyons honnêtes, et le fout dans ma poche.
Bref je tourne les talons et me casse de cette gare pour rejoindre les frères qui m'attendent déjà chez Doums.

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Alunissons
RomanceKen. Louise. Deux âmes totalement différentes, mais finalement complémentaires. Et un peu (beaucoup) de l'Entourage et du $-Crew aussi, parce qu'on les aime.