48 Heures - Mia

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18h32
48 : 00

Paul toque doucement à la porte de sa petite sœur. Elle lui ouvre et retourne immédiatement à son jeu. Elle semble passionnée par ses petits personnages de bois.

-Je t'ai promis une journée ! s'exclame joyeusement Paul pour attirer son attention, malgré le poids dans son ventre qui pèse davantage à chaque seconde qui passe.

Mia redresse vivement la tête et riposte, les bras croisés :

-Ça ne compte pas ! On est le soir, ce n'est pas une vraie journée.

-Mais non ! Je vais rester vingt-quatre heures avec toi. Jusqu'à demain soir comme ça nous aurons une journée entière ensemble.

La petite fille pèse rapidement le pour et le contre et décide finalement qu'elle est gagnante dans cette affaire.
Elle va alors fouiller dans son lit pour en extraire une peluche et la tendre à son grand frère en lui indiquant ce qu'il doit faire. Paul se prend au jeu, amusé. Il a bien besoin de ce moment de détente qui lui permet de se déconnecter de la réalité.

19h42
46 : 50

Leur mère les appelle pour diner et Mia abandonne les peluches et les jouets de bois pour dévaler l'escalier. Paul la suit d'un pas plus tranquille. Il a besoin d'un peu de calme pour organiser ses pensées et éviter de paniquer en regardant sa montre. Le poids pèse sur ses entrailles comme les chaînes d'un prisonnier. Il a déjà largement dépassé la moitié du temps qu'il lui restait pour ces ultimes cent-vingt heures. C'est tellement angoissant de savoir que la mort est si proche mais cela lui paraît aussi tellement irréel. Ce doit être cela qui lui permet de tenir bon, si proche de la fin.

Sa situation contraste violemment avec les jeux qu'il a partagés avec Mia. Il est étonnant de découvrir ce qu'on peut apprendre d'une enfant de huit ans. Mia joue avec une logique propre à elle seule et sans doute aux autres enfants de son âge. Tout est fait pour que l'histoire se finisse bien et elle raisonne à sa manière le plus sérieusement du monde.

En descendant, Paul est stupéfait de voir tout ce que sa mère a préparé pour le dîner. Il y a peu elle se contentait du minimum pour faire bonne figure mais à présent elle a vraiment réussi à se ressaisir et à s'occuper convenablement de ses enfants. Il espère qu'elle continuera à le faire quand les quarante-sept heures restantes seront écoulées même s'il en doute fortement. Tout cela est éphémère, il le sait bien. Mais il est hors de question pour lui que Mia soit livrée à elle-même et il espère en avoir assez fait pour que sa mère prenne ses responsabilités quand il ne sera plus là.
Il souhaite aussi qu'elle parvienne également à être heureuse, sans lui. Cet objectif paraît si loin, si illusoire. Il ne peut que l'espérer de toutes ses forces.

20h23
46 : 09

Après le repas, Mia va chercher un jeu de société et le pose avec autorité sur la table.

-Est-ce qu'on peut y jouer ?

-Bien sûr. C'est ta journée après tout, lui répond Paul.

Cela fait bien longtemps qu'ils n'ont plus eu ce genre de petit moment en famille. Depuis plusieurs mois, leur mère part se coucher très tôt et souvent, Paul n'a pas trop la tête à jouer avec sa petite sœur. Il le regrette à présent. C'est l'occasion de se faire pardonner même s'il ne rattrapera jamais vraiment le temps perdu.

Leur mère, quant à elle, hoche la tête en débarrassant la table. Paul s'empresse de l'aider et même Mia qui a tendance à disparaître à ce moment-là du repas, met la main à la pâte.
Puis ils vont tous trois s'installer dans le salon pour le plus grand plaisir de Mia.
Au début, les échanges sont un peu tendus, les rires cassants et gênés. Mais Mia met un peu de bonne humeur dans cette famille brisée et la mère et le fils finissent par parvenir à réellement se détendre.

Cent-Vingt HeuresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant