96 Heures - Aïdi

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18h32
96 : 00

Les gens peuvent dire qu'il est idiot de consacrer vingt-quatre heures à un chien.
Surtout quand il ne vous reste que quatre-vingt-seize heures à vivre.
Mais Aïdi est un border collie exceptionnel. Elle mérite ses vingt-quatre heures en compagnie de son maître.
C'est maintenant que les choses sérieuses commencent.
Paul saisit la laisse et appelle la jeune chienne. Elle accourt immédiatement et elle est d'autant plus excitée en remarquant ce que son maître tient à la main. Les balades sont toujours pour elle des occasions de se défouler et de passer un bon moment.
En la voyant sautiller gaiement, Paul sourit.
Même si cela peut paraître étonnant, la voir si insouciante met du baume au cœur du jeune homme.
Sans un regard pour sa montre, il sort de la maison, Aïdi devant, le regard fixé vers l'horizon.

20h48
93 : 44

Les yeux rivés vers les étoiles, Paul observe le ciel. Aïdi, à ses côtés, sonde la clarté nocturne. C'est un moment de paix. Le petit lac brille sous la lune et le vent fait frémir les feuillages ainsi que les herbes.
Les nuages s'étirent paresseusement, laissant de temps à autres, voir les étoiles.
Un hibou hulule au loin, et les bruits de la nature, discrets craquements, brisent le silence.
Paul sait désormais que lorsque le chronomètre indiquera 00 : 00, il sera ici.
Cet endroit est paisible, parfait.

Il n'est pas très loin de chez lui mais ne s'était jamais rendu à cet endroit de nuit. Il doit avouer que le spectacle est magnifique. Depuis, il n'a pas réussi à en repartir, il s'y sent si bien.

Aïdi est couchée à ses pieds, un peu intriguée de cette promenade qui sort de l'ordinaire.
Malgré tout, quelles que soient les circonstances, elle veille sur son maître.

Depuis toujours il a lien particulier avec sa chienne. Elle a toujours été présente pour lui autant quand son cœur était plein de joie que lorsqu'il était lourd de tristesse.
C'est à cela que l'on reconnait un véritable ami, selon Paul : s'il est présent dans les bons comme dans les mauvais moments.

Il caresse doucement le poil de la jeune border collie qui lui présente son ventre pour réclamer davantage de caresses. Le jeune homme s'exécute en souriant.

C'est un ami à lui ou plutôt une connaissance, qui lui avait proposé d'adopter l'un des chiots d'une portée que sa chienne avait eu.
Paul avait longuement hésité, il devait d'abord convaincre sa mère mais lui-même ne savait pas s'il pouvait s'engager à s'occuper d'un animal pour l'abandonner quelques années plus tard, à ses dix-huit ans.
Il s'était tout de même rendu chez cette connaissance et quand il avait croisé le regard d'un tout petit chiot qui paraissait bien plus énergique que les autres il avait immédiatement changé d'avis.
Il avait pu voir dans ce simple contact visuel à quel point la petite Aïdi était douce et gentille. Toute l'après-midi durant, il avait joué avec elle et avait appris à faire sa connaissance.
Il était rentré chez lui le cœur léger et sa mère avait accepté sans discuter d'adopter ce jeune chiot en constatant à quel point son fils y était déjà attaché.
Lorsqu'elle avait été sevrée, Paul l'avait ramenée à la maison et elle y vivait heureuse, depuis.
Cependant il mettait un point d'honneur à l'emmener régulièrement voir sa mère ainsi que ses frères et sœurs qui n'avaient pas été adoptés. On lui avait dit plusieurs fois que c'était inutile, qu'Aïdi ne s'en porterait pas différemment mais il n'accordait à ces remarques que peu d'importance. Elle semblait toujours tellement contente de retourner là-bas.

Avec un petit soupir, Paul laisse son regard se perdre dans les étoiles. Tous ces souvenirs sont déjà si loin...
Il jette un coup d'œil à sa montre et respire longuement pour se calmer en voyant tout le temps qu'il a passé ici. Il décide de s'accorder encore quelques minutes de calme dans cet endroit paisible avant de reprendre son chemin.

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