|| Pourquoi... ? ||

2 0 0
                                    

(n'oubliez pas de mettre la musique 🎶)

Je sais pas comment te le dire, tu sais. Il y a du bruit hors de ma chambre. Quelque chose vient de tomber sur le sol, ou peut-être est-ce seulement ce vieux parquet qui craque. Mais d'habitude, je me serais réfugiée dans tes bras, tu m'aurais accueilli sans même poser de questions, et nous nous serions rendormis. Seulement tu n'es plus là. Et je n'ai plus personne contre qui me blottir lorsque l'obscurité règne. Comment ai-je fait pour survivre à toutes ces nuits sans toi avant ? Comment vais-je faire pour celles que je vais devoir affronter maintenant ?
Tu aurais pu me laisser un mot, quand même. Quelque chose, à quoi me raccrocher. Une aide, un poème, un mot, une larme, un souffle, que je puisse retenir et embrasser lorsque mes yeux restent désespérément ouverts alors qu'aucune âme dehors ne s'agite.

Je te faisais confiance, tu sais. Tu avais dit que tu m'aimais. Alors pourquoi es-tu parti ? Tu m'aurais vraiment aimé, tu serais toujours là, contre moi et en ce moment même tu aurais ta main dans mes cheveux, me chuchotant que rien ne nous atteindrait. Ni le vent, ni la pluie, ni l'orage, ni la mort. Que tout ça, c'était pour le commun des mortels mais que nous, on était au dessus. On était au dessus putain parce qu'on s'aimait. Et que ça nous rendait vivants. Plus vivants que tous ces pantins qui s'accrochaient à ce que pensait la société d'eux.
J'aimais quand tu t'énervais, à t'emporter dans des débats sans fin.
T'avais cette passion, dans les yeux, ce feu qui te consumait, sans cesse. C'est peut-être pour ça que t'es plus là. Ce feu qui t'a brûlé les ailes. Mais moi j'l'aimais ce feu et ce qu'il faisait de toi.
C'est de ma faute.

Mais j'ai compris, maintenant. Y'a plus de passion. Y'a plus de flamme, d'étincelle.
Je suis seule maintenant et j'ai froid.
Sans tes bras dans lesquels me blottir, ton torse contre lequel me poser, tes cheveux pour y passer mes mains, ton regard animé pour me perdre dedans. J'ai plus rien bordel. Juste moi et mon cœur en miette. Il sait plus comment faire, tu sais. Avant il lui suffisait de se coordonner avec le tien. Je posais ma tête contre toi et ton cœur se mettait à accélérer un peu, parfois, comme pour me signifier qu'il savait aussi que j'étais là. Et le mien lui répondait, adaptant son rythme, heureux de savoir qu'il n'était plus seul.

Mais quand t'es pas là il sait plus. Il sait plus comment il doit faire. Il est perdu.
Il pourrait ralentir, accélérer, sans jamais retrouver le tempo que tu lui donnais, celui dans lequel lui aussi se perdait consciemment.
Je fonctionne plus quand t'es pas là.
J'peux pas manger si t'es pas là avec tes yeux rieurs à m'regarder comme si j'étais tout ce qui importait.
J'peux pas respirer si tu n'es pas là pour me tenir la main lorsque je me balade dehors. J'peux pas respirer, non, car ils sont tous là lorsque je sors, tous ces gens. Mais toi t'y es pas.
J'peux pas parler, t'entends. Pas si t'es pas là pour me répondre. Je peux vivre que si t'es là. Mais t'es pas là. Et mourir sans toi n'a aucun sens.

Car tu me l'avais promis, tu te souviens. Qu'on mourrait ensemble, vieux, ridés, dans une petite maison confortable avec nos enfants et nos petits-enfants, ou même seuls. Tant qu'on était ensemble, qu'est-ce qu'on s'en foutait.
Je voulais les voir, moi, tes yeux pleins de rides, tes cheveux blancs. Je voulais voir le monde avec toi. Je voulais voir toutes nos aventures gravées sur ton visage une fois qu'on aurait l'âge de nos grands-parents.
Seulement maintenant dans ma mémoire t'es figé à ce putain d'âge duquel tu bougeras jamais. Je vais vieillir seule, cette course effrénée qu'est la vie marquera seulement mon visage, pas le tien. Ce si beau visage qui deviendra flou avec le temps.
Et même quand je serais vieille, avec mes cheveux grisonnant, les marques de l'âge flanquées sur mon visage fatigué, ma mémoire battant en retraite, je sais que mes lèvres garderont ton prénom gravé en elles, comme un mécanisme. Plus qu'un prénom, une formule magique.
On s'était dit qu'on mourrait ensemble. J'ai pas pu. Tu m'as fait une mauvaise blague qui a dû mal tourné, car je suis toute seule, maintenant. J't'ai pas rejoint.

Et je te rejoindrais seulement le dos courbé par le poids des années. Car je sais que si je cherchais à me retrouver à tes côtés maintenant, tu me gueulerais dessus. Tu me dirais que j'ai une vie à vivre, sans toi. Je te répondrai que j'ai pas d'vie sans toi et tu me dirais que je racontes n'importe quoi. Que j'ai tout pour moi. Mais mon tout, c'était toi.
T'as d'la chance, je vais t'écouter, pour une fois.
Mais te plains pas quand tu me retrouveras avec des cheveux blancs.
Te plains pas quand je te dirais tes quatre vérités. Quand je t'en voudrais de m'avoir laissée. Quand je te dirais à quel point tu m'as manqué. Toi, ta passion, ton regard, tes bras autour de moi, ta bouche, nos disputes.
Ô nos disputes.
Légendaires. Un amour passionné, qu'ils disaient. Ils avaient raison. On ne faisait jamais dans la demi-mesure, nous. Tout, ou rien. Noir, ou blanc. Jamais de gris. Tu n'aimais pas le gris d'ailleurs. Trop fade, triste, sans vie.
Mais après nos engueulades, l'amour.

Toujours, l'amour. Putain.

Des fois je te cherche encore à tâtons, la nuit. Mais t'es pas là, évidemment. La place à côté de moi est toujours froide.
C'était pas censé se passer comme ça. On s'était dit à la vie à la mort, mais j'pensais pas que ça arriverait aussi vite bordel. Merde. Faut qu'j'arrête de jurer. Tu disais que ça m'allait pas. Qu'est-ce que je raconte moi, de toute façon t'es plus là.
J'peux jurer.
J'peux même crier, t'insulter, pleurer, tout casser. T'es plus là. T'es plus là bordel. T'as rien à me dire, pas de morale à me faire. T'as rien à me reprocher. Tu devrais pas pouvoir agir comme ça sur moi à distance. Tu devrais pas être aussi présent alors que t'es plus là.
T'as pas le droit d'être là avec moi au quotidien alors que je peux plus te prendre dans mes bras, t'entends ?
Tu peux pas.
Parce que moi je peux pas putain. Je pourrais pas. Je peux pas t'avoir tout le temps dans ma tête et tu peux pas me laisser entendre ta voix dans mon esprit, me laisser espérer que tu reviendras chaque fois que quelqu'un sonne à la porte, chaque fois que quelqu'un appelle mon nom. Tu peux pas être là dans le regard de mes amis, sur chaque photo à me narguer, à laisser ton odeur sur tes fichues affaires que j'ose pas toucher.
Je refuse.
Tu peux pas me laisser tout ça alors que toi t'es pas là.

Parce que moi, chaque nuit je suis seule. Chaque journée. Chaque minute, chaque seconde. Et ça va continuer. Car tu seras plus jamais là. Y'a quelques mois j'arrivais pas à le dire. Je refusais cette idée. Mais t'as vu, j'fais progrès. Maintenant je peux. Maintenant j'arrive à me dire que t'es juste parti en vacances et que tu vas revenir. J'peux me dire que ça va aller, que je peux m'en sortir.

Mais t'étais mon putain d'oxygène. Un océan à perte de vue, sur lequel je me laissais voguer. Tu me portais, tu me guidais. Mais maintenant j'm'y noies dans cet océan. J'y suis prisonnière, incapable de m'en sortir.
Faut que tu me laisses partir.
Faut que j'arrête de penser à tes lèvres contre les miennes.
À ton souffle dans mon cou.
À tes "je t'aime" qui ne tarissaient jamais.
À ce putain d'accident qui a tout emporté parce que t'étais incapable de ralentir la cadence.

J'y arriverai. Je sortirai la tête de l'eau, tu sais. Oui tu l'sais. Tu sais tout. Tu savais tout, merde. Mais j'ai peur d'aller mieux, ça signifie t'oublier, oublier cette peine qui fait désormais écho à ton visage, à ta voix. Car je sais pas si j'arriverai à souvenir de toi avec bienveillance comme le fait tout le monde, à chérir les moments avec toi, avec un sourire. J'peux pas le faire bordel mais... Mais si je continue je vais me laisser couler au fond de l'eau, sans pouvoir atteindre la surface. Alors, je suis désolée, mais je vais devoir essayer de sourire, d'accepter l'idée que tu ne reviendras plus, pas parce que tu es parti te reposer sur une île paradisiaque mais parce que tu n'es plus de ce monde.
Je vais devoir m'avouer que je t'aimais, que je t'aime et que je t'aimerai toujours mais que tu ne pourras plus jamais me le retourner. Il va falloir aussi que j'accepte de regarder tes photos, même si j'explose en sanglots à la seconde où je verrais ton sourire idiot et tes fossettes. Il va aussi falloir que je sorte tes affaires de ce placard dans lequel elles sont confinées.
Mais faut qu'j'apprenne, tu sais. Sans toi je sais pas comment faire.

Mais ça va aller.
Tu me l'a promis, tous ces jours d'orage où je me serrais contre toi.
Toutes ces fois où tu as tenu ma main lorsque mon monde vascillait.
Tous ces moments où je n'avais plus rien à part toi.

Ça va aller.
Il le faut.

Ça ira.

Car je t'aime,
Pour toujours.

Le Chemin.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant