5 «20 septembre».

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                                       3 heures du matin

Aujourd'hui nous sommes le 20 septembre.

Bon anniversaire Mama.

Aujourd'hui c'est jour de deuil, et comme tout écrivain qui s'respecte, j'tiens toujours ma feuille. Elle m'porteras à ma perte cette feuille, c'est moi qui vous l'dis, elle m'suit partout, j'le sais, c'est moi qui écrit ici.

En tant que frère respectable et normal j'devrais être présent pour ma sur, lui effacer les larmes, la prendre dans mes bras, tout ça. J'en ferais rien. Elle est grande, quand j'serais plus là elle devra s'démerder sans moi.

Eh ouais j'imagine déjà ma mort. Déprimant pour un jeune de 24 ans. Mais de toute façon j'me voit pas vivre plus de 50 ans. Ouais, j'serais mort avant.

Dans la cité c'est soit tu suis la rue, soit elle t'bouffes, lentement mais sûrement. C'est la règle, c'est comme ça. J'ai choisi d'pas bé-tom j'assume jusqu'au bout.

Jusqu'à la mort, jusqu'à la moelle, jusqu'à c'que l'sheytan vienne me chercher dans son grand voile, la mort n'est pas parsemée de p'tites étoiles.

J'suis révolutionnaire et j'me considère comme tel, pas comme quelqu'un d'grand, encore moins puissant. J'suis rien face à d'autres. Mais j'veux que quand j'parle, on m'entende, on m'écoute, on m'comprenne. Certes c'que j'demande c'est pas grand, pas flamboyant, mais j'veux rendre fière ma petite sur et ma mère de la haut, rien de plus, rien de moins. Pourquoi demander la dune du Pila en or massif ou en or blanc ?

Quand tu viens d'un truck comme le mien c'est pire que dur d'en sortir, pire que dur de faire d'la maille honnêtement, pire que dur de pas gagner l'smig sans tourner le regard vers l'autre sheytana avec des fringues en 18 carats.  

Ouais la rue, elle n'a pas de prénom, pas d'nom d'famille. Elle est seule, ça lui suffit. Nous attirer dans ses filets est un jeu ou elle a souvent gagné.

Elle n'est pas humaine, mais elle excelle, quand on parle d'elle, c'est des billets qu'on espère. On dit d'elle qu'elle est belle, très belle, on dit d'elle ce qu'elle veut entendre et rien d'autre. Moi je la qualifie de Lucifer, ouais, la rue est comparable au sheytan, pas à un sauveteur. Elle est l'issue d'un enfer pour arriver dans un autre.

À cause d'elle on en délaisse des gens. Qu'ils soient dans notre cur ou non. On ne pense plus qu'à l'argent. Je suis bien placé pour en parler même si je ne suis pas de la partie. Voyez vous, l'autre fils de ma mère était à sa merci.

La rue est aussi lâche que l'homme qui tombe dans son sombre piège. Une fois que t'es entre quatre murs, t'en entendra parler, ça ouais, mais crois moi qu'elle viendra pas t'aider.Elle est du type fantomatique.

Elle disparait quand elle sens qu'elle est en danger. Personne ne pourra jamais la coffrer ou même l'approcher.Après chacun son kiff. Jouer avec les nerfs et le cur des miens ou finir taulaurd parce que j'ai gagner d'la maille en vendant la mort à des pauvres gens ne fait pas partie de mes plans.

Ouais j'appelle ça la mort comme beaucoup de gens qui ont fini au hebs pour ces conneries.

Moi j'ai fini nul part mais j'parle comme un taulard. Mais j'vais bien, j'survis, j'ai pas besoin d'paire de Louboutins ou de 15 Jaguars.J'dis pas qu'j'en ai pas rêvé de vivre dans un palais, d'offrir à Lamia l'enfance dorée.Et de toute façon ce qui est fait est fait.

Ça sert à rien de tout envoyer valser. On en parle du passé, mais j'aimerai l'oublier.Je réfléchissant j'espère rien, contrairement à beaucoup de ces vaux rien.

En réfléchissant, j'pense juste à comment m'barrer. Vous m'direz qu'c'est pas compliqué. J'ai l'bac, j'ai fini la fac, j'charbonne deux/trois mois, j'prends la thune et j'me casse aux Bahamas. Pas mal, pas mal.

Je l'avoue ce plan m'plait bien. J'en rêve souvent. Ouais, j'en rêve. J'ai peut être les diplômes, les mentions, les bulletins, les machins. Mais on claque pas des doigts et c'est bon on s'taille loin.

Non non ça marche pas comme ça.

Déjà faut trouver un taf, avec notre cher France, c'est compliqué, j'suis touché du chômage de plein fouet.En plus d'ou je viens, on est mal vus.

Eh ouais venez pas m'jacter qu'on est acceptés. Quand on vient d'une cité comme la mienne t'es direct rejeté, ils cherchent pas à savoir ou à connaître. Ils veulent pas d'emmerdes.C'est des vautours, ils te font croire qu'il y a pas de différence ?

Ah bon ? J'viens d'une cité, j'ai une gueule d'arabe, c'est bon j'me suis fais coffré 173 fois, j'ai tué 142 personnes et fais 67 attentats.Rigolez pas, c'est comme ça qu'ils nous voient.

En suite, t'as eu l'taf, faut la maille, ça autant vous dire que ça s'complique. Au début tu gagnes le smig. C'est pas avec ma belle gueule de Maghrébin qu'j'vais péter l'million, ah ça non.

Enfin bref, autant vous dire que c'est foutu.

Maintenant qu'j'ai expliqué la vraie vie à quelques gosses endurcis, deux/trois princesses en cartons et d'autres p'tits malins pré-macheurs de polystyrène.. Retournons à l'histoire.

Le naufragéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant